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des sentimens pusillanimes, et des lourdes entraves de la froide méthode. On doit en croire Boileau, le judicieux Boileau, qui dit expressé

ment:

Son style impétueux souvent marche au hasard;
Chez elle, un beau désordre est un effet de l'art.

Voici comme il développe cette idée dans son discours sur l'Ode: « Eh! qu'on ne blâme point, dit-il, ces endroits merveilleux où le poète, pour marquer un esprit entièrement hors de soi, rompt quelquefois, de dessein formé, la suite de son discours; et, afin de mieux entrer dans la raison (c'est-à-dire dans le caractère de l'Ode), sort pour ainsi dire de la raison même, évitant avec grand soin cet ordre méthodique et ces exactes liaisons de sens qui ôteraient l'âme à la poésie lyrique; mais, ajoute Despréaux, ce précepte, qui donne pour règle de ne point garder quelquefois de règles, est un mystère de l'art qu'il n'est pas aisé de faire entendre à un homme sans goût, et qu'une ignorance bizarre rend insensible à tout ce qui frappe ordinairement les hommes. »

Après ces excellens préceptes sur l'Ode; après avoir si formellement défendu ces froides liaisons de sens, cet ordre méthodique, qui est la mort de cette poésie; après avoir fait une règle expresse de ce style impétueux qui marche au hasard, et

de ce beau désordre né de l'enthousiasme, que dirait-il de ces termes rebattus de liaisons, de suite d'idées, d'analogie, d'élémens de l'art qu'une impudente ignorance a toujours à la bouche, sans connaître seulement la valeur de ces termes? Que dirait-il de la voir bégayer avec audace un démenti formel contre l'Art poétique? qui donc en doit-on croire, ou le plus ignorant de tous les hommes, ou Despréaux, l'oracle du Parnasse? N'est-ce pas Despréaux qui reproche à Malherbe même de ne pas s'abandonner assez aux fougues de l'enthousiasme?

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Un torrent, dans les prairies,
Roule à bonds précipités ;

Malherbe, dans ses furies,

Marche à pas trop concertés.

Mais sous quelle autre image il se plaît à nous offrir Pindare?

Dans ses chansons immortelles,
Comme un aigle audacieux,

Pindare étendant ses ailes,

Fuit loin des vulgaires yeux.

Ces vulgaires yeux l'accusent de s'égarer quand ils cessent de le voir. Ils lui font un crime de la faiblesse même de leur vue; mais ce n'est point leurs regards que le génie ambitionne. Les Pindares, les Horaces, les Despréaux, les Corneilles,

voilà ceux qu'on doit suivre, consulter, admirer: voilà les flambeaux du Parnasse. Les Scudéris, les Cotins, les Frérons, les D'arnauds, voilà ceux que l'on foule aux pieds et que l'on regarde avec le dernier mépris. Et qu'importe les cris envieux, le bredouillage absurde, la bourbeuse ignorance. et les petites rages d'un famélique imbécile?

Et qu'importe à nos vers qu'un Fréron les admire,
Qu'un D'arnaud bégayant s'empresse pour les lire, etc. etc,

FRAGMENT

D'UN ÉCRIT DE LE BRUN,

INTITULÉ LA WASPRIE *.

JE dirai hautement que s'il était un Wasp moins visiblement imbécile que le nôtre, il serait très

* On sait que Voltaire avait donné à Fréron le nom de Wasp, qui signifie en anglais frelon. Les critiques dont Fréron poursuivit dans ses feuilles l'Ode de Le Brun adressée à Voltaire pour la nièce du grand Corneille, irritèrent l'amourpropre du poète, comme on l'a vu dans les remarques précédentes; mais au lieu de terminer et de rendre public cet excellent morceau de critique, il publia un pamphlet intitulé la Wasprie, qui eut alors quelque succès, mais où l'on voit trop souvent la vengeance personnelle au lieu de la vengeance du goût. On n'a point voulu reproduire en entier cet écrit. La première partie surtout est écrite d'un ton qu'un homme supérieur ne devrait jamais se permettre; la seconde vaut beaucoup mieux, quoique le ton en ait encore trop de violence et d'âcreté. L'auteur y fait le portrait du bon et du mauvais critique. Il rappelle ensuite, par un tour vif et piquant, les censures injustes que l'on fit autrefois des plus belles expressions des poètes anciens et de nos grands poètes. On a cru qu'il serait utile de joindre tout ce passage aux autres fragmens, dans lesquels ce poète hardi parle si bien des hardiesses poétiques. (Note de l'Éditeur.)

dangereux pour les lettres; il en éteindrait jusqu'à l'espoir; il étoufferait les talens dans leur germe; ce serait un ver attaché aux fruits du Parnasse.

Eh! qu'attendre d'un homme qui n'a de règles dans ses jugemens que l'envie, la prévention, les sourdes cabales, les haines personnelles, la présomptueuse ignorance et les fumées d'un estomac parasite? Qu'attendre d'un homme que la faim pousse à ce vil brigandage, et qui attend pour dîner le succès flétrissant d'une calomnie ou d'une injure?..... Je ne parle pas de notre Wasp; n'ai-je pas eu l'honneur d'avertir qu'il étoit plus inepte que dangereux ?

Sans doute ce misérable écumeur de littérature qui n'a jamais pu faire de lui seul un ouvrage raisonnable, ne peut vivre que des lambeaux qu'il dérobe aux ouvrages des autres. Boileau donnait l'exemple en critiquant, et ses satires étaient assaisonnées du sel d'un riant badinage; mais dans tout ce fatras hypercritique, dans ce recueil aussi plat qu'effronté, rien n'éclaire, ne flatte ou n'instruit :

Non est in tam magno corpore mica salis.

Ce ne sont que des vues louches sur tous les arts, des décisions impertinentes, des bévues impardonnables, des inepties orgueilleuses, une igno

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