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tal vous aidera de tout son pouvoir; ce n'est point au parlement qu'il faut s'adresser, comme je le croyois, mais au lieutenant criminel, dont le nommé Fréron est naturellement le gibier.

Je vous réitère encore, Monsieur, que j'ai été indispensablement obligé d'envoyer un petit avertissement, pour faire savoir , pour faire savoir que votre libraire a eu tort de mettre l'édition de vos lettres et des miennes sous le nom de Genève. C'est une chose très-importante pour moi; il ne faut pas qu'on croie dans le public que je fasse imprimer à Genève aucune brochure; en effet, on n'en imprime aucune dans cette ville, dont je suis éloigné de deux lieues, et il est nécessaire qu'on le sache, vous en sentez toutes les conséquences. : Je vous ai rendu, Monsieur, toute la justice que je vous dois dans cet avertissement, et je me suis livré à tout ce que mon goût et mon cœur m'ont dicté. Je confie à votre amitié et à votre prudence, la copie de la lettre que j'écris à ce sujet. Soyez persuadé, Monsieur, que je vous suis attaché comme le père de mademoiselle Corneille doit vous l'être.

Je présente mes respects à madame Le Brun.

VOLTAIRE.

LETTRE XIV.

DU MEM E.

A Ferney, 6 février.

Mon cher correspondant saura que le lieute nant de police envoya ordre à ce nommé Fréron; il y a un mois, de venir chez lui, et qu'il lui lava sa tête d'âne au sujet de mademoiselle Corneille. C'est à madame Sauvigni que nous en avons l'obligation. Je croyais que M. Le Brun en était instruit.

J'attends l'Ane littéraire avec bien de l'impa

tience.

Les Anecdotes sur Fréron sont du sieur La Harpe, jadis son associé, et friponné par lui; Tiriot m'a envoyé ces Anecdotes écrites de la main de La Harpe.

Voici quelques exemplaires qui me restent. On m'assure que tous les faits sont vrais.

Le Darnaud, dont vous me parlez, Monsieur, a été nourri et pensionné par moi, à Paris, pendant trois ans. C'était l'abbé Moussinot, chanoine de Saint-Méri, qui payoit la rente-pension que je lui faisais. Je le fis aller à la cour du roi de

Prusse; dès-lors il devint ingrat; cela est dans la règle.

Je suis fâché que l'avocat de mademoiselle Clairon ait fait un plat livre, plus fâché qu'on l'ait brûlé, et plus fâché encore que notre siècle soit si ridicule.

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LETTRE XV.

DU MÊME.

Au château de Ferney, 15 février 1761.

Il y a long-temps, Monsieur, que je ne suis sur

pris de rien, mais je suis affligé qu'on traite si légèrement l'honneur d'une famille si respectable. Si un gentilhomme en ac, arrivé de Gascogne, voyoit sa fille insultée dans les feuilles de Fréron; si l'on disait d'elle qu'elle est élevée par un bateleur de l'Opéra, il en demanderait vengeance et l'obtiendrait. L'honneur d'une famille n'a rien de commun avec de mauvaises critiques littéraires. Le déni de justice, dont on nous menace en cette occasion, n'est qu'une suite de l'indigne mépris que la nation a toujours fait des belleslettres qui font sa gloire. Que Fréron dise de la fille d'un conseiller au Châtelet, ce qu'il a dit de mademoiselle Corneille, il sera mis au cachot, sur ma parole; mais il aura outragé la descendante du grand Corneille impunément, parce que l'impertinence française ne considère ici que la parente d'un auteur élevée par un auteur. Telle est, Mon

sieur, la manière de penser, orgueilleuse et basse à la fois, des légers citoyens de Paris.

C'est une chose honteuse que M. de Malesherbes. soutienne ce monstre de Fréron, et que le Journal des Savans ne soit payé que du produit des feuilles scandaleuses d'un homme couvert d'opprobre. Mais vous m'ouvrez une voie que je crois qu'il faut tenter, c'est celle de M. le comte de Saint-Florentin : il hait Fréron, il protège beaucoup l'Écluse; vous avez en main, Monsieur, le certificat de madame Denis, celui du résident de France à Genève, la procuration de l'Ecluse même; ne pourriez-vous pas faire adresser toutes ces pièces à M. de Saint-Florentin , avec une lettre de M. Corneille, qui lui représenterait l'ou-trage fait à lui et à sa fille, les mots de belle éducation au sortir du couvent! etc. mots qui seuls sont capables d'empêcher cette demoiselle de se marier?

:

Une lettre forte et touchante, telle que vous savez les écrire, ferait peut-être quelque effet; il est certain que si cette démarche est sans succès, elle n'est pas dangereuse; il est donc clair qu'on la doit faire.

Le pis-aller après cela, Monsieur, serait de livrer ce coquin à l'indignation du public en démontrant sa calomnie. L'Écluse est un homme de cinquante ans, très-raisonnable, et qui a de l'es

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