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Pardonnez, Monsieur, si je dicte toutes mes lettres; mon état est bien languissant, mais je me sens encore de la chaleur dans le

cœur; et surtout pour vous, à qui je dois les sentimens

de la plus tendre estime.

De tout mon cœur,

Votre très-humble et très-obéissant

serviteur,

VOLTAIRE.

LETTRE XVII.

DU MÊME.

Aux Délices, 26 mars 1761.

JE confie, Monsieur, à votre probité, à votre zèle et à votre prudence, qu'un gentilhomme d'auprès de Gex, nommé M. de Crassi, capitaine au régiment des Deux-Ponts, nous a demandé mademoiselle Corneille en mariage pour un gentilhomme de ses parens.

Celui qui avait cette alliance en vue demandait une fille noble, bien élevée, et dont les mœurs convinssent à la simplicité d'un pays qui tient beaucoup de la Suisse. Le hasard a fait que la feuille de Fréron, dans laquelle mademoiselle Corneille est déshonorée, a été lue par ce gentilhomme; il y a lu : Que le père de la Demoiselle est une espèce de petit commis de la poste poste de deux à cinquante livres mois de gages, et que sa fille a quitté son couvent pour venir recevoir chez moi son éducation d'un bateleur de la foire. Cette insulte a fait beaucoup de bruit à Genève où les feuilles du nommé Fréron sont ues. On a les yeux sur notre maison. Le scandale a circulé

sous,

par

*

dans toute la province. Le gentilhomme, qui se proposait pour mademoiselle Corneille, a été très-refroidi, et il est vraisemblable que cet établissement n'aura pas lieu. Enfin, mademoiselle Corneille a été instruite des lignes diffamatoires de Fréron. Jugez de son état et de son affliction. Elle a pris le parti d'envoyer un mémoire de dix ou douze lignes à M. le comte de Saint-Florentin, à M. Séguier, avocat général, et à M. le lieutenant de police. Nous lui avons conseillé cette démarche. Ce mémoire est aussi simple que court; et pour peu qu'il y ait encore de justice et d'honneur chez les hommes, la plainte de mademoiselle Corneille doit faire une grande impression. Nous savons bien que M. de Séguier ne se mêlera pas directement de cette affaire, mais étant informé qu'il est personnellement outré contre ce monstre de Fréron, nous avons cru qu'il était bon de lui adresser un mémoire. Nous pensons, madame Denis et moi, que si vous voulez bien, Monsieur, appuyer les justes plaintes d'une demoiselle qui porte le nom de Corneille, qui vous a déjà tant d'obligations, et qui se trouve publiquement déshonorée par un scélérat, enfin qui est sur le point de perdre un établissement avantageux, vous réussirez infailliblement en représentant à M. de Saint-Flerentin et à M. de Sartine, déjà instruits de l'atro

cité du nommé Fréron, l'impudence avec laquelle il diffame en six lignes une famille entière, le tort irréparable qu'il fait à une demoiselle d'un nom respectable; vous engagerez aisément M. Séguier à protéger cette victime que Fréron immole à sa méchanceté. Je le répète, Monsieur, si on avait fait cet outrage à la fille d'un procureur, l'auteur de l'insulte serait puni. Vous communiquerez sans doute ma lettre à M. du Tillet, qui doit ressentir plus vivement que personne l'affront et le tort faits à mademoiselle Corneille. Il me semble que vous pouvez parler fortement à M. de Saint-Florentin, et à M. de Sartine. J'ose même présumer que monseigneur le prince de Conti accordera sa protection à la vertu et à la noblesse insultées; je ne sais par quelle méprise on a pu confondre la diffa mation de cette demoiselle avec des critiques de vers. Il s'agit ici de l'honneur. Nous attendons tout de vous, et de l'auguste maison où vous êtes.

Votre très-humble et très-obéissant

serviteur,

VOLTAIRE.

LETTRE XVIII.

DU MÊME.

Au château de Ferney, 6 avril 1761.

Voici, Monsieur, une seconde édition du més moire que M. Tiriot m'avait fait tenir. La première était trop pleine de fautes. Si vous voulez encore des exemplaires, vous n'avez qu'à parler. Il n'est que trop vrai que le libelle diffamatoire de ce coquin de Fréron a eu les suites désagréa-. bles, que j'ai confiées à votre discrétion. Je me suis fait un devoir de vous donner part de tout ce qui regarde mademoiselle Corneille. C'est à vous que je dois l'honneur de l'élever. Encore une fois, je ne peux m'imaginer que M. de Malesherbes refuse ce qu'on lui demande. Il ne s'agit que d'un désaveu nécessaire; ce désaveu, à la vérité, décréditera les feuilles de Fréron; mais M. de Malesherbes partagerait lui-même l'infamie de Fréron, s'il hésitait à rendre cette légère justice. En cas qu'il soit assez mal conseillé pour ne pas faire ce qu'on lui propose et ce qu'il doit, il peut savoir qu'il met les offensés en droit de se plain

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