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de l'entreprise. S'il arrivait que cette idée ne réussit point, j'avoue qu'il faudrait compter la France pour la dernière des nations; mais je veux écarter une crainte si honteuse, et je veux croire que le grand Corneille a appris à mes compatriotes à penser noblement.

Je vous supplie de vouloir bien toujours m'écrire sous un contre-seing, attendu la multiplicité des lettres que Corneille et Fréron exigeront.

Mille respects à toute la maison du Tillet. Je crois qu'on y approuvera mon entreprise.

VOLTAIRE.

LETTRE XXI.

DU MÊME.

11 juillet.

Il y a des choses bien bonnes et bien vraies dans les trois brochures que j'ai reçues *. J'aurais peutêtre voulu qu'on y marquât moins un intérêt personnel. Le grand art de cette guerre est de ne paraître jamais défendre son terrain, et de ravager seulement celui de son ennemi, de l'accabler gaîment; mais, après tout, je ne suis pas fâché de voir relever des critiques très-injustes d'une ode dont j'ai admiré les beautés, et à la quelle je dois, non-seulement mademoiselle Corneille, mais l'honneur de commenter à présent le grand homme auquel elle appartient.

Les oreilles d'âne sont attachées pour jamais au chef de ce malheureux Fréron. On a prouvé ses âneries, et il y a dans les trois brochures un grand mélange d'agréable et d'utile.

Je ne savais pas que ce Baculard fût un croupier de Fréron. J'ai eu soin, autrefois, de ce Ba

* C'était sans doute la Wasprie, et les deux premiers numéros de l'Ane littéraire. (Note de l'Éditeur.)

culard, qu'on appelait Darnaud, comme j'ai soin de mademoiselle Corneille. J'ai été payé d'une ingratitude dont je crois le cœur de mademoiselle Corneille incapable.

Adieu, Monsieur. Je me flatte que le nom de monseigneur le prince de Conti décorera la liste de ceux qui souscrivent pour la gloire du grand Corneille, et pour l'avantage de sa famille. Je serai toute ma vie pénétré d'estime et d'attachement pour vous.

VOLTAIRE.

N. B. Sur l'adresse de cette lettre sont écrits ces mots : M. d'Amilaville est venu pour avoir l'honneur de voir M. Le Brun, et lui remettre cette lettre. (Note de l'Éditeur.)

LETTRE XXII.

DU MÊME.

20 août *.

JE E suis affligé, Monsieur, pour monseigneur le prince de Conti et pour vous, qu'il soit le seul de tous les princes qui refuse de voir son nom parmi ceux qui favorisent le sang du grand Corneille. Je serais encore plus fâché, si ce refus était la suite de la malheureuse querelle avec l'infâme Fréron. Vous m'aviez écrit que je pouvais compter sur S. A. S., il est dur d'être détrompé. L'ouvrage mérite par lui-même la protection de tous ceux qui sont à la tête de la nation; mademoiselle Corneille la mérite encore plus. Je saurai bien venir à bout de cette entreprise honorable sans le secours de personne; mais j'aurais voulu, pour l'honneur de mon pays, être plus encouragé, d'autant plus que c'est presque le seul honneur qui nous reste. L'infamie, dont les Frérons et

* Et non pas auguste, comme on l'imprime ordinairement, et comme on voit que Voltaire ne l'écrivait pas toujours, car cette lettre est de sa main. (Note de l'Éditeur.)

quelques autres couvrent la littérature, exige que tout concoure à relever ce qu'ils déshonorent. Secondez-moi, au nom des Horaces et de Cinna.

Votre très-humble et très-obéissant

serviteur,

VOLTAIRE

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