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LETTRE XXVI.

DU MÊME.

Au Jardin du Roi, ce 17 janvier 1763.

VOUS ous renouvelez, Monsieur, si souvent mes plaisirs, qu'il faut que vous me permettiez de vous en marquer quelquefois toute ma reconnaissance. J'ai été enchanté de votre Ode sur la paix. Il y a, surtout, trois strophes qui sont de la plus grande beauté; partout des traits de génie, et les sentimens de l'âme la plus honnête; de la hauteur d'idées, du nerf dans l'expression, de la couleur dans les images, et du mouvement dans le style. Votre derniere pièce, quoique dans un autre goût, m'a paru charmante, par le bon sel et la plaisanterie fine, aussi bien que par la justesse et la vérité de votre critique. Continuez, Monsieur, à cultiver vos grands talens, et vous serez bientôt hors de portée à tous les traits de l'envie. En m'occupant de vous, Monsieur, j'oubliais de vous parler de moi, et de vous remercier de la place que vous m'avez donnée dans votre dernier écrit ; assurément je ne la prends si haut, et je serais fort fâché que le voisi

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nage de mon nom, comme celui de ma personne, pût indisposer ou gêner quelqu'un. Nos grands hommes sont trop délicats, et malheureusement les petits ont la vie si dure, qu'on les écorche sans les faire souffrir.

Je suis, Monsieur, avec un respectueux attachement, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

BUFFON.

LETTRE XXVII.

A M. DE BUFFON.

Ce 26 de l'an 1778.

MONSIEUR,

Je viens d'apprendre que notre cher abbé a quelque chose à me communiquer de votre part. Jugez si je suis flatté d'être dans la mémoire et dans le cœur de la personne que j'estime et respecte le plus, et que j'aime en proportion de mon estime. En attendant que je satisfasse mon impatience, je m'empresse de vous faire hommage de mon Ode imprimée, sur le passage des Alpes, et présentée au prince de Conti ces jours derniers.

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Ce tribut assez noble, rendu sans espoir d'intérêt aux mânes du père, fait ici la sensation la plus flatteuse pour moi. Le suffrage dont vous l'aviez déjà honoré, Monsieur, valait à mes yeux l'opinion publique. Vous y trouverez ces vers ajoutés depuis ma lecture, et qui ne sont pas sans objet dans ce moment-ci.

Il sait que l'auguste naissance
Peut voir, par l'infâme licence

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que

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P. S. Si vous connaissiez, Monsieur, quelques entours du président d'Aligre, tels, par exemple, madame de la Tour, sa sœur, ou tel autre ce serait bien le moment de lui faire parler en faveur de ma cause, et du ton qu'il faut. Jamais papier timbré fût-il fait pour les Muses? Le complot est dévoilé; le succès décisif ne tient qu'à une voix puissante employée à propos, et mon bonheur m'en deviendrait plus cher si je vous le devais.

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Je ne doute pas même que, si sa sœur lui marquait l'intérêt vif que vous voulez bien y prendre, il ne fût très-sensible au plaisir de vous obliger.

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LETTRE XXVIII.

DE MADAME NECKER.

Janvier 1778.

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MONSIEUR de Buffon m'avait fait partager, Monsieur, sa reconnaissance et son admiration pour la belle Ode où vous peignez, d'un ton aussi élevé que le sujet, les travaux de ce peintre de la Nature, et cette maladie d'un seul homme qui alarma l'Europe entière. J'ai vu le sublime vieillard verser beaucoup de larmes sur des mânes adorés, que vous aviez fait revivre dans vos vers, et ces larmes sont un triomphe bien digne de vous, Monsieur; le monument que vous avez élevé à la mémoire de M. le prince de Conti, doit confirmer l'opinion déjà établie de votre supériorité dans un genre très-difficile, genre qui peut effrayer le génie même; mais il est beau de courir une carrière qui fixe les regards des admirateurs et des critiques.

Je vous remercie, Monsieur, de m'avoir mise à portée de vous rendre hommage, et de vous offrir l'assurance des sentimens très-distingués avec lesquels j'ai l'honneur d'être votre très-humble et très-obéissante servante,

C. NECKER.

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