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LETTRE XXX.

A M. DE BUFFON.

Février 1778.

MONSIEUR,

COMME C'est à vous seul que je dois certainement la lettre la plus flatteuse qu'un homme de lettres puisse jamais recevoir, et dont madame Necker, votre illustre amie, vient de m'honorer; c'est à vous, surtout, que je dois faire part de toute la reconnaissance dont je suis pénétré. Je vous envoie ci-joint la copie de cette lettre, si précieuse pour moi, et ma réponse, dans laquelle j'aurais bien voulu, Monsieur, m'exprimer d'une manière qui pût être agréable à vos deux amis. Mais, à parler vrai, Monsieur, il n'y a que vous qui puissiez dignement remercier madame Necker ; permettez-moi de vous en supplier. Elle n'a considéré en moi qu'un homme à qui votre gloire est bien chère, et que vous daignez aimer un peu; et quelque flatteurs que soient ses éloges, je sens trop que l'ouvrage qui vous est adressé n'est vraiment recommandable que par celui

qu'il célèbre, et qui a fixé, non-seulement l'admiration, mais encore l'estime et les cœurs de toute l'Europe; c'est un double avantage qui se réunit bien rarement, et que nul homme fameux ne partage aujourd'hui avec vous. Aux lectures très-multipliées qu'on me prie de faire, beaucoup de personnes de la première distinction, ont donné des larmes aux mânes qui vous sont si chers, et au moment où, comme le dit si bien madame Necker, la maladie d'un seul homme alarma l'Europe entière. Et ces larmes attestaient l'intérêt si rare et si pur qui ne s'accorde qu'au vrai genie, rendu plus sublime encore par la vertu. On m'a conseillé, Monsieur, et c'était des mères ! de placer un mot sur M. votre fils, dans la bouche de madame de Buffon. Je l'ai fait, en changeant avantageusement quatre vers de son discours, ce qui ajoute beaucoup àu pathétique. J'aurai l'honneur, Monsieur, de vous envoyer ce changement par le premier ordinaire, avec ma réponse à une lettre bien flatteuse pour moi, et que notre cher abbé m'a ait voir. Je vous supplie de présenter mes hommages à M. le prince de Gonzague, et de lui dire combien je suis flatté que mon ode ait eu l'avantage de lui plaire.·

Je suis, avec l'attachement le plus respectueux et le plus tendré, etc.

LE BRUN.

LETTRE XXXI.

DE M. DE BUFFON.

Montbard, ce 6 février 1778.

JE E vous remercie, Monsieur, de la charmante lettre que vous venez de m'écrire, et dont je vous renvoie le brouillon que j'ai respecté, n'ayant pás regardé les ratures. Je n'avais nul doute que, vous ne fussiez accueilli et même recherché par madame Necker; elle aime les grands talens, et les estime au-delà même de ce qu'ils valent dans les personnes vertueuses; vous ne pouvez done manquer de lui plaire à tous égards, en vous montrant tel que vous êtes, et lui parlant toujours vrai. Vous devez avoir reçu, Monsieur, une lettre de moi la semaine dernière, mais je suis toujours enchanté de chaque occasion qui se présente de vous assurer des sentimens de toute mon estime, de ma reconnaissance et de ceux du respectueux attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc.

BUFFON.

LETTRE XXXII.

DU MÊME.

Montbard, ce 3 mars 1778.

Il n'était guère possible, Monsieur, de faire une réponse plus convenable, plus agréable que celle que vous avez faite à madame Necker, et je suis persuadé qu'elle en aura été très-flattée, et qu'elle vous recevra avec empressement lorsque vous vous présenterez; seulement j'entends dire que depuis quelques jours elle n'a vu personne, parce que Mademoiselle sa fille est malade. Les vers que vous lui avez adressés dans votre lettre sont de bon goût et dignes de vous; je ne doute pas que votre Ode ne vous fasse encore plus d'honneur que celle sur M. le prince de Conti, quoique celle-ci ait été reçue avec applaudissement par tous les connaisseurs. L'arrivée de M. de Voltaire va faire qu'on s'occupera et qu'on parlera plus de poésie que jamais; ce serait une raison de publier cette magnifique Ode plutôt que vous ne le comptiez, Monsieur ; je parle ici beaucoup plus pour votre gloire que pour la mienne; cependant j'avoue que dans un ouvrage, d'une aussi

grande sublimité, on gagne toujours en différant; l'idée de rappeler le nom du fils dans la bouche de la mère, ne peut que faire un trèsgrand effet, et comme j'ai commencé à vous parler avec toute liberté, je crois que votre amitié me pardonnera lorsque je lui dirai que je supprimerais la strophe qui commence par : Là, cédant la richesse, etc. elle n'est pas de la beauté des autres. On a aussi trouvé que la narration de la maladie était trop longue, et si l'on pouvait en effet des quatre strophes, dont la première commence par : L'une au souffle brûlant, etc. n'en faire que deux, ce bel ouvrage serait également nerveux partout. Je voudrais de tout mon cœur trouver une occasion de vous en marquer ma reconnaissance, et vous ne pouvez pas me faire de plus grand plaisir que de me la procurer; mais je ne connais point le premier président et très-peu d'autres personnes du parlement, et je ne sais si je pourrai vous être utile dans votre procès.

J'ai l'honneur d'être avec toute estime et tout attachement,

Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissant

serviteur,

Le comte DE BUFFON.

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