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ser pour elle. On lui paierait son voyage jusqu'à Lyon. Elle serait adressée à Lyon, à M. Tronchin, qui lui fournirait une voiture jusqu'à mon château, ou bien une femme irait la prendre dans mon équipage. Si cela convient, je suis à ses ordres, et j'espère avoir à vous remercier jusqu'au dernier jour de ma vie de m'avoir procuré l'honneur de faire ce que devait faire M. de Fontenelle. Une partie de l'éducation de cette demoiselle serait de nous voir jouer quelquefois les pièces de son grand-père, et nous lui ferions broder les sujets de Cinna et du Cid.

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J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime et tous les sentimens que je vous dois

Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissant

serviteur,

VOLTAIRE.

LETTRE III.

A M. DE VOLTAIRE.

JE

Paris, ce 12 novembre 1760.

Je n'accepte, Monsieur, les éloges flatteurs que vous donnez à mes vers, que pour les rendre à la noblesse de votre procédé. Voilà ce qui mérite uniquement d'être loué. Vous goûtez ce bonheur si méconnu, si pur, de faire des heureux. Je m'attendais à votre réponse; elle n'étonnera que l'envie. J'ai couru la lire à mademoiselle Corneille. Elle en a versé des larmes de joie; elle vous appelle déjà son bienfaiteur, son père, Elle promet à vos bontés, à celles de madame votre nièce une éternelle reconnaissance; et je n'ai point de termes pour vous exprimer celle d'une famille que vous soulagez.

Pour moi je m'estime trop heureux d'avoir pu servir à la fois et votre gloire et le nom de Corneille; vous l'appelez modestement votre général, mais il vous eût dịt :

De pareils lieutenans n'ont des chefs qu'en idée.

Vous avez fait, Monsieur, ce que Fontenelle

n'a point fait, et ce que peut-être il n'a point dû faire, parce que le bel esprit écarte de la nature et que le génie en rapproche. Vous avez fait plus que les grands et les rois, ces illustres ingrats, parce que l'élévation du rang ne décide point de la grandeur d'âme. Vous avez senti qu'il y aurait une espèce de honte à des Français de laisser dans l'oubli et dans la misère le nom d'un grand homme qui a si bien mérité de la patrie. Vous donnez à tous les hommes, à tous les siècles un modèle, et des leçons d'humanité. Vous leur apFrenez quels sont les droits et les devoirs du génie.

Un procédé si généreux a fait ici la sensation la plus vive. Chacun est jaloux de lire votre lettre; on la regarde comme un monument public de bienfaisance. On répète ces mots: Je chercherais à lui servir de père. Tous ceux qui chérissent la mémoire du grand Corneille semblent partager votre bienfait avec sa famille. On le trouve digne de vous, digne du peintre d'Alvarès. On élève votre cœur, votre génie, votre gloire. L'admiration reste suspendue entre vos écrits et cette générosité. Elle vous concilie tous les suffrages, et j'ose dire que vous jouissez de la reconnaissance

publique.

J'ai l'honneur d'être avec un .ouveau sujet d'estime et d'admiration, Votre, etc.

LE BRUN.

P. S. Je joins une lettre de mademoiselle Corneille à la mienne; et mes respects aux siens pour madame votre nièce. J'attends votre décision, Monsieur, pour l'instant de son départ; elle ne demande qu'une huitaine de jours pour ses arrangemens. Si je ne craignais que mes éloges ne se perdissent dans la foule, je vous féliciterais du succès que vient d'avoir le premier volume de l'Histoire de Pierre-le-Grand. Il n'a plus rien à envier à son rival Charles XII; et vous n'étiez pas moins nécessaire à sa gloire que la bataille de Pultawa.

LETTRE IV.

DE M. DE VOLTAIRE.

Aux Délices, 22 novembre 1760.

SUR la dernière lettre que vous me faites l'hon

neur de m'écrire, Monsieur, sur le nom de Corneille, sur le mérite de la personne qui descend de ce grand homme, et sur la lettre que j'ai reçue d'elle, je me détermine avec la plus grande satisfaction à faire pour elle tout ce que je pourrai; je me flatte qu'elle ne sera pas effrayée d'un séjour à la campagne, où elle trouvera quelquefois des gens de mérite, qui sentent tout celui de son grand-oncle. M. de Laleu, notaire trèsconnu à Paris, et qui demeure dans votre voisinage, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, vous remboursera sur-le-champ, et à l'inspection de cette seule lettre, ce que vous aurez déboursé pour le voyage de mademoiselle Corneille; elle n'a aucun préparatif à faire; on lui fournira en arrivant le linge et les habits convenables; M. Tronchin, banquier de Lyon, sera prévenu de son arrivée, et prendra le soin de la recevoir à Lyon, et de la faire conduire dans les terres

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