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Milan, 1486. Il me semble, en effet, qu'on a laissé dormir assez long-temps sa construction nouvelle. La ponctuation de l'édition Aldine 1509 la condamne, et le premier éditeur qui la renouvelle est, je crois, Lambin, l'un des plus savans et peut-être le moins tranchant des commentateurs d'Horace, qui même laisse le choix libre à ses lecteurs entre les deux ponctuations. Après lui, Cruquius est revenu au sens de son scholiaste; Torrentius a suivi la ponctuation de Lambin, mais tacitement; d'autres l'ont adoptée de la même manière ou même en la condamnant dans leurs notes comme D. Heinsius et Rodeille; et je me vois obligé de descendre jusqu'à Dacier, qui la condamne de même, pour en trouver au moins l'explication. Il nous apprend que ceux qui ponctuent non ego quem vocas, dilecte Mæcenas, obibo, entendent par vocas, in cœnam vocare; d'où il suit qu'Horace dit à Mécène : Je ne mourrai pas, moi que tu invites si souvent à souper; et le savant académicien observe avec raison que cette pensée seroit plus digne d'un parasite que d'un galant homme.

moi

Dacier a donc repris la ponctuation et le sens des anciens scholiastes, et les choses en seroient peut-être demeurées là, si Bentley, le subtil Bentley n'eût imaginé de reproduire contre ce sens l'objection du terrible Jules Scaliger, surnommé l'hypercritique. A leur avis, il seroit absurde qu'Horace dît à Mécène : Je ne mourrai pas moi, le fils de parens obscurs, que tu nommes ton ami. Il peut citer, disent-ils, comme une chose merveilleuse, le bonheur qu'il a de se rendre immortel malgré l'obscurité de sa naissance; mais il n'est nullement merveilleux qu'un ami de Mécène s'immortalise : cette amitié, due au mérite de ses poésies, est, au contraire, une des raisons qui le feront vivre toujours. Telle est l'objection du fameux hypercritique : j'ai dit plus haut qu'elle n'avoit rien de raisonnable; et, pour s'en convaincre, il suffit de comparer l'explication que j'ai donnée au même lieu de ce passage avec celle que j'expose à présent. Il est vrai que j'y joins un mais qui n'est pas dans l'original, mais ce mot n'est presque jamais que sous-entendu dans la poésie lyrique; et

rien de plus naturel que ce qu'Horace dit à son protecteur, soit qu'on l'entende comme nous l'avons fait, soit qu'on l'explique de cette autre manière : Bien que fils de parens obscurs, tu m'honores de ton amitié, et ma renommée est immortelle.

C'est pourtant faute d'avoir trouvé cette réponse à l'objection de Scaliger, que Bentley a discuté longuement l'autre ponctuation, et que, ne pouvant y donner un sens vraisemblable, il a imaginé une correction que le P. Sanadon s'est ensuite empressé de recevoir dans son texte. Il rejette d'abord le sens de l'invitation à souper, en se servant des raisons de Dacier sans lui en faire hommage; il expose ensuite une autre explication qui naît de la construction suivante : Non ego quem tu dilecte Mæcenas vocas: sanguis pauperum parentum, obibo. « Je ne mourrai pas, mon cher Mécène, moi que tu nommes le fils de pauvres parens. » Il la trouve, avec raison, absurde; car, quelle apparence que Mécène eût reproché à Horace la pauvreté de sa famille, et qu'Horace lui rappelât ce reproche dans un moment tel que celui-ci ? mais ce qui lui eût semblé choquant dans la bouche de Mécène, il le trouve fort à sa place dans celle des envieux de notre poète; il propose, en conséquence, de lire vocant au lieu de vocas; il construit non ego quem vocant sanguis, etc., moi qu'ils appellent le fils, etc.; et il parvient ainsi à établir une leçon contraire à tous les Mss., et qui forme une construction moins naturelle encore que celle que nous avons adoptée, et qui est conforme à tous les Mss.

On ne sera donc point étonné que le seul Sanadon ait admis cette correction hasardée ; et je crois que personne n'aura envie d'en adopter une autre, qui est de Poinsinet de Sivry. Ce commentateur, qui ne le cède peut-être qu'au P. Hardouin dans son goût pour le paradoxe, a imaginé une hypothèse historique toute entière, pour changer dans ce passage le mot vocas eu vocans. On la comprendra mieux si l'on veut relire l'argument de l'Ode 17. Poinsinet part du serment qu'Horace rappelle dans cette Ode, et qui l'engageoit à suivre Mécène au tombeau (v. 9-12); il assure que ce serment étoit mutuel, et

que Mécène avoit aussi juré de ne point survivre à Horace. Cela posé, il imagine que Mécène, ayant été dangereusement malade, fut très-alarmé de l'engagement de son ami; c'étoit apparemment vers la fin de l'année, car notre commentateur ajoute que Mécène ayant rétabli sa santé, Horace lui envoya pour étrennes un écrin de pierres précieuses, et ce fut alors, selon lui, et non à la mort d'Horace, que Mécène fit les vers conservés par Isidore de Séville, et que je vais transcrire ici : Lugens te, mea vita, nec smaragdos, Beryllos, mihi, Flacce, nec nitentes, Nec percandida margarita quæro, Nec quos Thynica lima perpolivit Anellos, neque jaspios lapillos.

J'avoue

:

que l'invention de l'écrin semble donner une occasion, assez naturelle à l'envoi de ces vers, qui n'est pas trop facile à comprendre mais ils me paroissent peu propres à remplir le but que suppose Poinsinet de Sivry. Il veut que Mécène les ait écrits pour détourner Horace du projet de le suivre mais les vers, s'ils ne sont pas faits après la mort d'Horace, supposent au moins qu'il meurt le premier. Mécène lui dit : Si je pleure ta perte, je ne me soucie plus ni d'émeraudes ni de perles, etc. Cela veut dire tout au plus: Après ta mort, je ne me soucierai plus de la vie; et non pas, je veux que tu tiennes à la vie après ma mort. Cependant Poinsinet continue. Ces vers, dit-il, sont les plaintes qu'Horace rappelle dans l'Ode 17: cur me querelis exanimas tuis. Ce sont eux qui lui ont inspiré cette belle Ode où il renouvelle son serment. Mais (car il faut en venir enfin au passage qui est l'objet de cette longue note), mais, dit-il encore, Horace, ami généreux, étant tombé malade lui-même, s'empressa de dégager son ami de leur engagement réciproque. Tel est le but de cette Ode 20, et l'on s'en convaincra bien vîte, en substituant vocans à Voici quel est alors le sens du poète : Non ego.. dilecte Mæcenas, obibo quem vocans. « Je ne mourrai point, mon cher Mécène, en appelant quelqu'un à me suivre. » C'està-dire, en te sommant de remplir ton serment... Que de frais

vocas.

d'imagination en pure perte! Poinsinet se les fût épargnés, s'il avoit remarqué que son explication met Horace en contradiction avec lui-même dans toute l'Ode: elle lui fait dire au début qu'il mourra, et tout le reste tend à prouver le contraire.

Je fais grâce au lecteur d'une autre imagination de Poinsinet, qui, au moyen d'un fragment cité par Macrobe, fait intervenir Auguste dans cette affaire, attendu, dit-il, qu'il y étoit intéressé ; et je ne cite plus que l'opinion de M. Wetzel sur ce passage. Il explique vocas par revocas; « Moi que tu rappelles, que tu voudrois retenir encore sur la terre. » L'idée est ingénieuse, mais elle suppose, comme l'hypothèse de Poinsinet, qu'Horace parle de sa mort physique comme prochaine, ce qui n'est nullement probable, et nous avons vu d'ailleurs que tous ces expédiens deviennent inutiles, lorsqu'on veut bien s'en tenir au sens des scholiastes et à l'ancienne ponctuation.

Cette note étant la dernière du volume, je m'y suis livré à plus de développemens que dans toutes les autres. Ceux de mes lecteurs qui ne seront pas un peu entichés de la manie philologique (et ce sera sûrement le plus grand nombre), m'en feront sans doute un reproche; mais, loin de m'en défendre, je passerai volontiers condamnation. Je leur demanderai seulement de vouloir bien considérer que c'est la seule fois que j'aie cédé tout-à-fait au penchant à disserter que ce genre de travail inspire; et qu'il ne m'a pas fallu moins qu'un effort continuel sur moi-même pour ne pas doubler l'épaisseur de ce volume, qui sans doute leur semble déjà beaucoup trop gros.

Après cette excuse, ils me permettront de terminer cette partie de mon travail par une observation qui ne peut mieux trouver sa place. C'est que l'événement a surpassé, et bien au-delà, toutes les espérances de notre poète. Ce n'est pas seulement sur les rives du Rhône et du Tage qu'on l'étudie et qu'on l'admire, c'est sur celles du Rhin, de l'Elbe, de la Vistule et de la Néva; c'est même dans un nouveau monde dont l'existence n'étoit soupçonnée ni de lui-même ni d'aucun de ses contemporains.

Notice des Manuscrits de la Bibliothéque impériale que j'ai collationnés pour cette édition.

A.

N.° 7900. H. Carminum libri QUINQUE, cum Acronis commentario: Epp., Liber I, cod. membr., sæc. X, olim. Puteanus.

Le catalogue des Mss. de la bibliothéque impériale attribue, comme on voit, ce Ms. au dixième siècle. Il avoit appartenu aux savans frères Dupuis; il est tout entier en parchemin.

Son format est grand in-4.° ou petit in-folio de forme carrée; il a cent cinquante-cinq feuillets, chiffrés par une main trèsrécente, et contient : 1.° Térence, avec des commentaires; 2. les Odes d'Horace et le premier livre des Épîtres; 3. Lucain, avec des commentaires; 4.° Juvénal; 5." Martianus Capella, avec des notes. - C'est d'Horace scul que

nous allons nous occuper.

Les caractères généraux de l'écriture confirment pleinement l'ancienneté attribuée par le catalogue à ce Ms., si même ils ne contribuent pas à le vieillir encore. Les lettres minuscules sont semblables en général à celles que l'on emploie de nos jours, et en particulier aux caractères employés par Plantin dans ses éditions in-16. Les majuscules ou unciales sont les mêmes que l'on retrouve dans le célèbre Codex Mediceus de Virgile, qui appartient aujourd'hui à la bibliothéque impériale de Paris. L'A, par exemple, au commencement des vers est toujours sans barre, comme le lambda grec (A). Il est vrai qu'on retrouve la barre à ceux qui commencent le premier vers d'une Ode; mais il est très-probable que cette barre, ou

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