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fin du vers. Ovide en fourmille, et surtout dans ses pentamètres, dont il est très-fréquent de voir les deux hémistiches rimer. Mais je crois qu'Horace les surpasse encore par la fréquence extraordinaire de ses rimes. Prenons seulement sa première Ode: Mæcenas atavis edite regibus,

O et præsidium et dulce decus meum!
Sunt quos curriculo pulverem Olympicum
Collegisse juvat, metaque fervidis

Evitata rotis, palmaque nobilis

Terrarum dominos evehit ad Deos.

Voilà sept rimes en six vers: c'est une de plus que notre versification n'en demande.

Examinons, dans le Livre IV, l'Ode 8 qui est du même mètre :

Donarem pateras grataque commodus
Censorine meis æra sodalibus,

Donarem tripodas præmia fortium
Graiorum neque tu pessima munerum
Ferres, divite me scilicet artium

Quas aut Parrhasius protulit aut Scopas.

Ces six vers offrent au moins huit rimes, et par
conséquent deux de plus qu'on ne leur en donneroit
en français. Prenons au hasard une Ode sapphique:
Quem virum aut heroa, lyra vel acri
Tibia sumes celebrare Clio?

Quem Deum? cujus recinet jocosa
Nomen imago

Aut in umbrosis Heliconis oris,

Aut super Pindo, gelidove in Hæmo,

Unde vocalem temere insecula

Orphea silvæ

Voilà douze rimes en huit vers, et j'aurois pu en marquer davantage. Elles sont moins fréquentes dans les Odes alcaïques, mais cependant elles n'y manquent pas :

Natis in usum lætitiæ scyphis

Pugnare Thracum est; tollite barbarum

Morem, verecundumque Bacchum
Sanguineis prohibete rixis.

Toutes ces rimes, sans doute, ne sont pas également riches, et notre poète ne les sème pas dans toutes ses Odes avec autant de prodigalité. Mais ceci prouve au moins combien il étoit ami des consonnances, combien il étoit loin de les éviter : or, je le demande à tout juge impartial, seroit-ce le traduire exactement que de ne pas l'imiter dans cette multiplication de sons identiques? Et quel autre moyen en avonsnous que la rime, dans une langue qui repousse la consonnance des verbes et qui n'a pas celle des noms? Voyons, par exemple, ce que les vers cités de la première Ode nous auroient fourni de rimes naturelles, si l'art ne nous eût pas forcé d'en chercher: meum, et si l'on veut præsidium, qui rime avec Olympicum, nous auroit donné, mon appui, mon protecteur, pour rimer avec Olympique; dans fervidis, rotis, nous aurions trouvé des roues brûlantes, et dans Deos, dominos, des Dieux maîtres ou souverains. Que l'on fasse le même essai sur les vers des autres Odes citées, et l'on aura le même résultat. La vérité est que les consonnances plaisent à l'oreille de tous les peuples; qu'elles sont surtout recherchées

dans les vers lyriques destinés à être chantés; que ceux-là peuvent se passer de la rime proprement dite, où les consonnances naissent du génie même de la langue, sans qu'on prenne la peine de les rassembler, mais qu'elle est de toute nécessité dans les autres. Me trompé-je, ou me permettra-t-on de conclure de tout ceci, qu'en rimant sans trop m'attacher à la richesse des rimes, loin de contrarier directement les principes d'harmonie que l'oreille dictoit à mon auteur, je n'ai fait le plus souvent que régulariser sa manière? J'avoue la conclusion a un peu que l'air d'un paradoxe, et je ne prétends pas la soutenir à la rigueur; mais j'ose me flatter que ceux même de mes lecteurs à qui elle semblera d'abord le plus étrange, la verront bientôt d'un œil moins sévère, s'ils veulent bien prendre la peine d'en chercher les preuves dans Horace, et ne pas se rebuter, en cas qu'ils tombent d'abord sur des exemples qui paroîtront me démentir; qu'ils se souviennent alors que je ne donne point cette observation pour une règle ; qu'ils continuent, et quelquefois la surabondance des consonnances dans certaines strophes, les dédommagera des endroits où elles ont manqué.

J'ai peu de choses à dire du style de ma traduction. Cette partie de mon travail est celle où j'aurai le plus grand nombre de juges. Je me permettrai seulement de prévenir ceux qui ne sont pas familiers avec les poètes anciens, que c'est l'esprit de ces anciens que j'ai cherché à m'approprier, et non celui de la poésie moderne. J'ai évité autant que je l'ai pu les expressions ambitieuses; j'ai tâché de

reproduire sans enluminure le coloris de mon auteur, d'être simple toutes les fois que le génie de notre versification a pu le permettre, et de me garder de ce penchant à l'antithèse qui semble lui être inhérent. La manière d'Horace n'est point la nôtre, et Dacier l'a déjà remarqué; il ne tourne jamais la fin de ses strophes en épigrammes; il eût été même un bien mauvais faiseur de vaudevilles, car il manque tout-à-fait de ce qu'on appelle du trait. On peut dire des Odes la même chose que des strophes : il ne s'est point fait une règle de mettre à la fin les pensées les plus saillantes, les tours les plus énergiques; de quitter ses lecteurs, après les avoir étourdis d'un coup de tonnerre, comme celui qui termine le songe de Thyestes dans Crébillon. On pourroit plutôt l'accuser d'avoir suivi une marche toute opposée. Je sais bien quelle est celle qui me paroît préférable; mais, sans que je les mette en parallèle, on conviendra sans doute qu'en traduisant Horace, c'est à la sienne que je devois m'attacher. Il m'eût été bien plus facile d'entasser les épithètes exagérées, de multiplier les hyperboles, d'amener à chaque instant des cliquetis d'idées et de mots. J'aurois plu peut-être à un plus grand nombre de personnes, mais j'aurois travesti mon original. J'ai mieux aimé m'efforcer d'en donner une copie pâle, si l'on veut, mais fidèle, que de lui prêter des couleurs brillantes, mais tout-à-fait étrangères à son génie et à son goût.

II.

RÉVISION DU TEXTE.

Venons à la seconde partie de mon travail, à la révision du texte d'Horace. On a vu plus haut que ma première idée n'avoit été que de choisir dans les éditions les plus connues les leçons les plus favorables à ma traduction. On a vu aussi comment je pris une résolution toute différente, en apprenant dans quel inexcusable oubli les Mss. de la Bibliothéque impériale avoient été laissés par les éditeurs français. Il en est un cependant, l'abbé Valart, envers qui mon accusation paroîtra souverainement injuste aux personnes qui auront jeté les yeux sur le titre et sur la préface de son édition*. Il s'y vante d'avoir revu son Horace sur SOIXANTE ET SEIZE Mss., dont SOIXANTE appartenoient, dit-il, à la Bibliothéque royale. Mais, lorsque cette édition parut, les savans jugèrent que, loin d'avoir collationné tant de Mss., il n'en avoit peut-être pas consulté un seul. It est vrai que la sentence est un peu dure, et mon examen particulier me porteroit à croire qu'il a colla→ tionné au moins légèrement deux Mss., les seuls qu'il désigne par des noms. Mais quelle foi peut-on ajouter aux assertions d'un homme qui prétend, 'comme nous l'avons dit, avoir collationné soixante manuscrits de la Bibliothéque royale, lorsque l'on

Paris, Lambert, 1770.

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