Obrázky na stránke
PDF
ePub

en 527. Jani, quoique lui-même assez modeste, n'a cependant pas craint de dire que la docte témérité de Cuningam valoit mieux que l'ignorante modestie de beaucoup d'autres. J'opposerai à son opinion celle de l'illustre J. M. Gessner. On lui avoit aussi reproché cette modestie qui, certes, chez lui, ne venoit pas d'ignorance, et il répond que l'expérience l'y a confirmé ; que souvent elle lui a fait rejeter des corrections qui d'abord avoient eu le don de le séduire; que plus il s'instruisoit, plus il acquéroit de circonspection. « Des savans, dit-il, ont voulu donner au texte vulgaire d'Horace une élégance plus digne de lui: mais comment juger, au bout d'environ deux mille ans, de ce qui avoit alors plus ou moins d'élégance? Et, à supposer même que ces critiques réussissent quelquefois, sont-ils sûrs qu'Horace n'a pas sommeillé quelquefois, et qu'il a toujours écrit ce qu'à leur avis il devoit écrire? Son texte, ajoute-t-il, est un fait historique dont les témoins sont les anciens Mss., auxquels on ne peut refuser son assentiment, lorsqu'ils s'accordent ou qu'ils n'infirment pas eux-mêmes leur témoignage par l'absurdité de leur leçon.»> Gessner va plus loin encore: les absurdités, selon lui, ne sont souvent qu'apparentes; elles ressemblent alors à ces dissonances musicales qui produisent un effet agréable lorsqu'on entend l'art de les sauver; et même alors que cet art est pour nous en défaut, il ne veut pas que l'on supprime et que l'on corrige dans le texte d'Horace, comme un précepteur dans les thèmes d'un écolier; à moins de trouver une correction facile, claire et

y

pleinement satisfaisante, il prétend qu'il faut laisser subsister le texte, et se contenter d'indiquer en note ce qu'on croiroit propre à l'épurer. (Vid. Gesneri præf. in Hor. Baxteri.)

Si la collation de tant de Mss. et d'un si grand nombre d'éditions ne m'a pas inspiré ce penchant à innover qui n'est que trop souvent le fruit des travaux de ce genre, on pensera, sans doute, que j'ai eu moins de peine encore à me garder de cette recherche dans l'orthographe dont quelques éditeurs ont fait tant de bruit. J'aurois pu, tout aussi bien qu'eux, écrire Juppiter au lieu de Jupiter, voltus au lieu de vultus, labsus pour lapsus, obprobrium pour opprobrium, conlegisse pour collegisse, urguet pour urget, et employer d'autres archaïsmes semblables. Il m'eût été aussi facile d'écrire quojus au lieu de cujus, et quoi au lieu de cui, et de suivre dans tous les noms grecs les terminaisons grecques: mes Mss. offrent la plupart de ces variétés, et je conviens que l'on se donne ainsi, à peu de frais, un air d'érudition très-imposant aux yeux du vulgaire. Mais les Mss. qui suivent quelquefois cette orthographe antique, sont loin de l'observer constamment, et n'écrivent même pas les mêmes mots toujours de la même manière. On seroit, je crois, fort embarrassé d'établir des règles générales à ce sujet, l'usage ayant varié parmi les Romains comme parmi nous, ainsi qu'on peut le voir dans le chapitre très-curieux où Quintilien traite de l'orthographe (Inst. Or., I, 7.). Cet homme illustre se moque avec raison des scrupules

des puristes et des subtilités des grammairiens. Il veut que l'on s'en tienne à l'usage de son temps, et je crois que nous devons, à notre tour, nous conformer à l'usage du nôtre. J'ai cependant balancé sur un point pour lequel les commentateurs et les grammairiens sembloient fournir une règle sûre. Ils prétendent que, sous Auguste, on écrivoit par un i, et non par un e, les nominatifs et accusatifs pluriels des noms qui se terminent au génitif pluriel en ium, et non en um; ainsi, mons, gens, urbs, ratis, et tant d'autres, qui font au génitif pluriel montium, gentium, urbium, ratium, devroient, selon eux, dans Horace et dans Virgile, s'écrire au nominatif de ce même nombre montis, gentis, urbis, ratis, au lieu de montes, gentes, urbes, rates, selon l'orthographe ordinaire. Cette raison a paru si forte aux éditeurs du seizième siècle, qu'à partir d'Alde l'ancien, ils ont cru devoir prendre un terme moyen, et réunir les deux voyelles en litige, en écrivant monteis, genteis, urbeis, etc. Cette orthographe, que n'autorise aucun de mes Mss., a même prévalu long-temps dans le dixseptième siècle, et on la retrouve dans les éditions données par les Elzévirs de l'Horace de Daniel Heinsius et de celui de J. Bond, quoique d'autres éditeurs contemporains suivent l'orthographe vulgaire. Mais ce fut, si je ne me trompe, N. Heinsius qui, le premier, reprit celle que l'on regarde comme antique, dans son excellente édition de Virgile (Elzévir, 1676), dont la base fut le célèbre Ms. de Médicis. Il est vrai qu'il ne la suit pas partout; il avoit trop bien appris d'Aulû-Gelle, que Virgile lui

même avoit adopté alternativement l'une ou l'autre, et n'avoit consulté que son oreille sur le choix. Or, je le demande, si c'est l'oreille qui doit décider, est-il quelqu'un qui ose suppléer par la sienne à celle de Virgile ou d'Horace, pour savoir quand il faudra écrire tris ou tres, arcis ou arces? Personne, je crois, n'aura cette présomption; et, quant au témoignage des Mss., leurs variations n'ont pas été suivies par Heinsius lui-même, qui tantôt les adopte et tantôt s'en écarte, sans qu'on puisse deviner pourquoi, à moins qu'il n'ait eu, dans la délicatesse de son oreille, cette confiance que je viens de blâmer. Ce qu'il y a de certain, c'est que le Codex medicæus lui-même, malgré sa haute antiquité, ne devoit pas non plus lui servir de règle, puisque, dans le passage cité par Aulû-Gelle*, il contredit la leçon que ce philologue rapporte, et qui se trouvoit de son temps dans un Ms. corrigé de la propre main de Virgile. Il suit de là que, même sur ce point qui paroissoit hors de doute, l'orthographe des poètes du siècle d'Auguste a varié suivant que l'exigeoit le dédaigneux jugement de l'oreille (aurium superbissimum judicium); que les Mss. même les plus respectables n'ont pas conservé la tradition de ses arrêts, et qu'étant par nous-mêmes

*Noct. attic, Lib. XIII, c. 20. Voici l'exemple tiré du dixième Livre de l'Énéide, v. 350, 351:

Tres quoque Threicios Eoreæ de gente suprema,
Et tris quos Idas pater et patria Ismara mittit.

Le Ms. de Médicis a tris dans les deux vers, et, ce qu'on a peine à concevoir, N. Heinsius a copié cette faute dans son édition, après avoir indiqué le passage d'Aulû-Gelle dans sa Préface.

hors d'état de la rétablir, le plus sûr est aujourd'hui de suivre l'orthographe vulgaire, en laissant aux amateurs la liberté d'y substituer l'orthographe antique autant de fois que leur oreille y trouvera quelque plaisir. C'est, en effet, le parti que j'ai pris, suivant en cela l'exemple de M.Wetzel, qui, tout en prenant pour base de son texte la récension de Bentley, en a sagement banni tous les archaïsmes d'orthographe.

La ponctuation est un article d'autant plus délicat qu'elle est très-incomplette et très - incertaine dans les anciens Mss., où le même signe, qui est notre point (.), sert indifféremment de point et de virgule; j'en ai conclu qu'on pouvoit, à cet égard, prendre beaucoup plus de liberté, et que le bon sens étoit la seule règle à suivre. Mais j'ai souvent rendu compte de la ponctuation des autres éditeurs et de celle des Mss., soit dans mes notes, soit dans le recueil de variantes que l'on trouvera à la fin de chaque volume. Dans celui-ci, le recueil est précédé de la description abrégée de ces mêmes Mss.; elle servira aux amateurs à régler le degré de confiance que chacun mérite; et les variantes même les dédommageront, j'espère, de ma hardiesse dans la ponctuation, et surtout de ma circonspection dans la révision du texte. Ce recueil, le plus complet peutêtre et le plus régulièrement classé qui existe pour le texte des Odes d'Horace, et dans lequel j'ai fait entrer plusieurs scholies inédites, dont je me suis contenté de donner l'indication dans mes notes, ouvrira un vaste champ à leurs conjectures, et leur fournira des leçons nouvelles, qu'à la vérité j'ai

« PredošláPokračovať »