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IL

DE LA PLATINE.

n'y a pas un demi-fiècle qu'on connoît la Platine en Europe, & jamais on n'en a trouvé dans aucune région de l'ancien continent; deux petits endroits dans le nouveau Monde, l'un dans les mines d'or de Santafé, à la nouvelle Grenade; l'autre dans celle de Choco, ́province du Pérou, font jusqu'ici les feuls lieux d'où l'on ait tiré cette matière métallique, que nous ne connoisfons qu'en grenailles mêlées de fablon magnétique, de paillettes d'or, & fouvent de petits cristaux de quartz, de topaze, de rubis, & quelquefois de petites gouttes de mercure; j'ai vu & examiné de très-près, cinq ou fix fortes de platine que je m'étois procurée par diverses perfonnes & en différens temps; toutes ces fortes étoient mêlées de fablon magnétique & de paillettes d'or; dans quelques-unes il y avoit des petits criftaux de quartz, de topaze, &c. en plus ou moins grande quantité; mais je n'ai vu de petites gouttes de mercure que dans l'une de ces fortes de platine (a); il fe pourroit donc que cet état de grenaille, fous lequel nous connoiffons la platine, ne fût point fon état naturel, & l'on pourroit

(a) M. Lewis & M. le Comte de Milly ont tous deux reconnu des globules de mercure dans la platine qu'ils ont examinée. M. Bergman dit de même qu'il n'a point traité de platine dans laquelle il n'en ait trouvé. Opufcules, tome II, page 183.

croire qu'elle a été concaffée dans les moulins où l'on broie les minérais d'or & d'argent, & que les gouttelettes de mercure qui s'y trouvent quelquefois, ne viennent que de l'amalgame qu'on emploie au traitement de ces mines; nous ne fommes donc pas certains que cette forme de grenaille foit fa forme native, d'autant qu'il paroît, par le témoignage de quelques Voyageurs, qu'ils indiquent la platine comme une pierre métallique très-dure, intraitable, dont néanmoins les naturels du pays avoient, avant les Efpagnols, fait des haches & autres inftrumens tranchans (b), ce qui suppose néceffairement qu'ils la trouvoient en grandes maffes, ou qu'ils avoient l'art de la fondre fans doute avec l'addition de quelqu'autre métal; car par elle-même la platine est encore moins fufible que la mine de fer qu'ils n'avoient pas pu fondre. Les Espagnols ont auffi fait

(b) Dans le Gouvernement du Marannon, les habitans affuroient que dans le canton des mines d'or, ils tiroient fouvent d'un lieu nommé Picari, une autre forte de métal plus dur que l'or, mais blanc, dont ils avoient fait anciennement des haches & des couteaux, & que ces outils s'émouffant facilement, ils avoient ceffé d'en faire. Hiftoire générale des voyages, tome XIV, page 20..... M. Ulloa, dans fon Voyage imprimé à Madrid en 1748, dit expreffément, qu'au Pérou, dans le Bailliage de Choco, il fe trouve des mines d'or que l'on a été obligé d'abandonner à cause de la platine dont le minérai eft entre-mêlé; que cette platine est une pierre (Piedra), fi dure qu'on ne peut la brifer fur l'enclume, ni la calciner, ni par conféquent en tirer le minérai qu'elle renferme, fans un travail infini.

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différens petits ouvrages avec la platine alliée avec d'autres métaux; perfonne en Europe ne la connoît donc dans fon état de nature, & j'ai attendu vainement pendant nombre d'années, quelques morceaux de platine en maffe, que j'avois demandé à tous mes Correspondans en Amérique. M. Bowles, auquel le gouvernement d'Espagne, paroît avoir donné fa confiance au fujet de ce minéral, n'en a pas abufé; car tout ce qu'il en dit ne nous apprend que ce que nous favions déjà.

Nous ne favons donc rien, ou du moins rien, au juste de ce que l'Hiftoire Naturelle pourroit nous apprendre au sujet de la platine, finon qu'elle fe trouve en deux endroits de l'Amérique méridionale, dans des mines d'or, & jufqu'ici nulle part ailleurs; ce feul fait, quoique dénué de toutes fes circonftances, fuffit, à mon avis, pour démontrer que la platine eft une matière accidentelle plutôt que naturelle; car toute substance produite par les voies ordinaires de la Nature', eft généralement répandue au moins dans les climats qui jouiffent de la même température; les animaux, les végétaux, les minéraux font également foumis à cette règle univerfelle; cette feule considération auroit dû fufpendre l'empreffement des Chimistes, qui, fur le simple examen de cette grenaille, peut-être artificielle & certainement accidentelle, n'ont pas héfité d'en faire un nouveau métal, & de placer cette matière nouvelle non-feulement au rang des anciens métaux, mais de la vanter comme un

troisième métal auffi parfait que l'or & l'argent, fans faire réflexion que les métaux fe trouvent répandus dans toutes les parties du Globe; que la platine, fi c'étoit un métal, feroit répandue de même, que dès-lors on ne devoit la regarder que comme une production accidentelle, entièrement dépendante des circonftances locales des deux endroits où elle fe trouve.

Cette confidération, quoique majeure, n'eft pas la feule qui me faffe nier que la platine foit un vrai métal. J'ai démontré par des obfervations exactes (c), qu'elle eft toujours attirable à l'aimant; la Chimie a fait de vains efforts pour en féparer le fer, dont fa fubftance est intimement pénétrée; la platine n'eft donc pas un métal fimple & parfait, comme l'or & l'argent, puifqu'elle est toujours alliée de fer. De plus, tous les métaux, & fur-tout ceux qu'on appelle parfaits, font très-ductiles; tous les alliages au contraire font aigres; or la platine eft plus aigre que la plupart des alliages, & même après plufieurs fontes & diffolutions, elle n'acquiert jamais autant de ductilité que le zinc ou le bismuth, qui cependant ne font que des demi-métaux, tous plus aigres que les métaux.

Mais cet alliage où le fer nous est démontré par l'action de l'aimant, étant d'une denfité approchante de

(c) Voyez dans le premier volume in-4.° des Supplémens, page 301, le Mémoire qui a pour titre : Obfervations fur la Platine,

celle de l'or; j'ai cru être fondé à préfumer que la platine n'eft qu'un mélange accidentel de ces deux métaux très - intimement unis: les effais qu'on a fait depuis ce temps pour tâcher de féparer le fer de la platine & de détruire fon magnétifme ne m'ont pas fait changer d'opinion; la platine la plus pure, celle entr'autres qui a été si bien travaillée par M. le baron de Sickengen (d), & qui ne donne aucun figne de magnétifme, devient néanmoins attirable à l'aimant, dès qu'elle eft comminuće & réduite en très-petites parties; la présence du fer eft donc conftante dans ce minéral, & la présence d'une matière auffi dense que l'or y eft également & évidemment auffi conftante; & quelle peut être cette matière denfe fi ce n'eft pas de l'or? Il est vrai que jufqu'ici l'on n'a pu tirer de la platine, par aucun moyen, l'or, ni même le fer qu'elle contient,

(d) La platine, même la plus épurée, contient toujours du fer. M. le Comte de Milly, par une lettre datée du 18 Novembre 1781, me marque « qu'ayant oublié pendant trois à quatre ans, un morceau » de platine purifiée par M. le Baron de Sikengen, & qu'il avoit » laiffée dans de l'eau-forte la plus plus pure, pendant tout ce » temps, il s'y étoit rouillé, & que l'ayant retiré, il avoit étendu la » liqueur qui reftoit dans le vase, dans un peu d'eau distillée & qu'y » ayant ajouté de l'alkali phlogistiqué, il avoit obtenu fur le champ » un précipité très-abondant, ce qui prouve indubitablement que la » platine la plus pure & que M. de Sikengen affure être dépouillée » de tout fer, en contient encore, & que par conféquent le fer entre dans fa compofition ».

ככ

&

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