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nes victimes de la passion, qu'un moment de faiblesse a précipitées dans le crime; de ces cadavres vivans, couverts des plaies de l'opprobre, et montrant à l'œil effrayé combien la corruption peut trouver en elle-même un cruel châtiment. En chargeant ainsi la Religion du soin de toutes les misères humaines, Vincent délivre à la fois la société d'un spec tacle affligeant ou d'un fardeau dangereux, l'État de membres dégradés ; et il élève un des plus solides remparts à la tranquillité et à la félicité publiques.

A

Et quel service immense n'a-t-il pas rendu à l'humanité par la fondation de l'Institut des Sœurs ou Filles de la Charité, qui n'ont pour monastères que les maisons des pauvres et des malades, pour cellule qu'une chambre louée, pour grilles que la crainte de Dieu, pour voile que la modestie ! Dans ces lieux où les gémissemens et les plaintes accablent l'ame d'une pesante tristesse, où les exhalaisons de tant de corps languissans portent dans le cœur de ceux qui les visitent le dégoût et la défaillance, où le spectacle de la souflrance et de la mort entre par tous les sens ces jeunes vierges immolent à la bienfaisance les plaisirs les plus innocens, leur santé, leur vie même. Partout on les voit aussi fidèles à leur poste que nos guerriers à celui de la gloire. Au mois de février, 1814, le fort du combat, à Brienne, se dirigeait sur l'hôpital que trois filles de la Charité desservaient. Long-temps on les conjura de se retirer. « Non, répondit la Supérieure, je suis à mon poste, el jy mourrai! Dieu me demanderait, un

jour, ce que je faisais, lors de l'attaque de Brienne.» Puis, se tournant vers ses sœurs à peine sorties de l'adolescence: «< L'épreuve est trop forte pour votre âge: je vous permets de vous retirer. » O digne fille de Vincent-de-Paul, ces deux anges seront aussi dignes de lui et de vous!... Toutes deux elles partageront votre danger; toutes trois vous mourrez victimes de votre zèle, martyres de la charité !

Ainsi la religion, laissant à nos cœurs le soin de nos joies, a tout fait, par un seul homme, pour le soulagement de nos douleurs. Et qui pourrait compter les autres biens que sa maternelle prévoyance a répandus sur la terre par le ministère des Moines, qui ont été cependant l'objet des sarcasmes les plus amers?...

Le voyageur des Alpes n'est qu'au milieu de sa course; la nuit approche; la neige tombe; seul, tremblant, égaré, il fait quelques pas et se perd sans retour: la nuit est venue. Arrêté au bord du précipice, il n'ose ni avancer ni rebrousser: bientôt le froid le pénètre ; ses membres s'engourdissent; ses dernières pensées sont des adieux à ses enfans, à son épouse... Mais à travers le mugissement de la tempête, uu bruit se fait entendre: un chien a jappé sur la neige, il approche, il arrive, il bondit de joie un religieux le suit. Ce n'était donc pas assez que le pieux solitaire exposât mille fois sa vie pour sauver des hommes, et s'établit, pour jamais, dans cet unique but, au fond de la plus affreuse retraite : il fallait encore que les animaux même apprissent

à être les instrumens de ces œuvres sublimes, qu'ils s'embrâsassent, pour ainsi dire, de l'ardeur dont la charité anime leurs maîtres, et que leurs cris, sur le sommet des Alpes, proclamassent aux échos les miracles de la Religion chrétienne, inépuisable dans ses bienfaits.

Si elle attend l'homme égaré sur la cîme des monts, elle est aussi descendue dans les entrailles de la terre, loin de la lumière du jour, pour y chercher des malheureux ; et les frères Bethléémites ont établi des espèces d'hôpitaux au fond des mines du Pérou et du Mexique. Qu'on ne dise pas que l'humanité seule peut inspirer de telles œuvres : trouve-t-on rien de pareil dans cette belle antiquité, pourtant si sensible? On parle de philantropie : la Religion chrétienne est seule philantrope par excellence. Lisez l'histoire des Pères de la Merci, qui, aux trois vœux ordinaires de religion joignaient celui d'employer leurs biens, leur liberté et leur vie au rachat des captifs; celle des Trinitaires qui se condamnaient à ne vivre que de légumes et de laitage pour accroître les aumônes destinées à la même œuvre, et dont un célèbre incrédule du dernier siècle a dit, après avoir parlé de plusieurs congrégations dévouées au service du prochain: « Il en est une autre plus héroïque; car ce nom convient aux Trinitaires de la rédemption des captifs, établis vers l'an 1120, par un gentilhomme nommé Jean de Matha, et qui se consacrent, depuis cinq siècles, à briser les chaînes des chrétiens chez les Maures (Essai

sur l'hist. gén. C. 135.) ». Lisez encore l'histoire des différens Ordres consacrés à porter dans les régions les plus éloignées, les plus insalubres, le flambeau de l'Évangile et de la civilisation, de ces magnanimes envoyés du Seigneur, qui courent après le gain d'une ame plus que l'avide marchand après l'or et l'argent, bravant tous les obstacles, se nourrissant de sacrifices, et souvent baignant de leur sang une terre ingrate. Lisez celle de ces innombrables Congrégations, qui usent la vie à l'éducation de la jeunesse, dans les cités et dans les campagnes, et qui, en éclairant son intelligence de toutes les lumières que demandent les divers besoins de la société, forment son cœur à l'heureuse habitude de l'obéissance, de l'ordre et du travail, et y déposent et développent les vérités religieuses les plus importantes, germe précieux de toutes les vertus domestiques et sociales.

Vous croyez peut-être que du moins certaines Congrégations n'offrent aucun titre glorieux à la Religion qui leur a donné naissance. Les Pères de l'Ordre de Saint-François, par exemple, ont été si fréquemment la risée des beaux-esprits du XVIIIe siécle, que vous ne sauriez voir en eux que des mendians onéreux pour un État. Mais savez-vous que, lorsqu'il s'agissait d'une de ces commissions dont les hommes ennemis des larmes n'osent se charger, de peur de compromettre leurs plaisirs, c'était principalement aux Franciscains qu'elle était dévolue ? On supposait, avec raison, que ceux qui

s'étaient voués à la misère, devaient être naturellement les hérauts du malheur. L'un était obligé d'aller annoncer à une famille la perte de sa fortune; l'autre, celle d'un fils unique; l'autre, celle de la sentence à un criminel, pour l'écouter ensuite, le consoler et l'accompagner au supplice: fonction sublime que la Religion seule a pu inspirer, et pour laquelle elle a pu seule donner assez de force et de courage.

Ce n'est pas non plus un bienfait peu digne de reconnaissance, que ces maisons silencieuses où certaines amies se livrent à la contemplation des vérités surnaturelles, et à des méditations divines. Après que les maux des siècles barbares ont eu leur terme, les passions, si habiles à tourmenter les hommes, si ingénieuses en douleurs, ont bien su faire naître mille raisons d'adversité qui nous appellent à la solitude. Que de penchans trompés, que de sentimens trahis, que de dégoûts amers nous entraînent chaque jour loin du monde ! N'est-ce donc pas une précieuse ressource que ces asiles où l'on trouve un refuge contre les coups de la fortune et les orages de son propre cœur? Non, ce n'est pas une philosophie amie de l'humanité que celle qui veut forcer l'infortune à vivre dans le tumulte des joies du siècle! On a vu des hommes assez peu délicats pour mettre en commun leurs voluptés ; l'adversité a un plus noble égoïsme : elle se cache pour jouir de ses plaisirs qui sont ses larmes. S'il faut des retraites pour la santé du corps, ne doit-on pas

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