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quels Abraham tient le premier rang à cause de sa Vocation, dure jusqu'à Moïse, ou jusqu'à l'époque de la loi écrite donnée sur le mont Sina.

Dans le temps où cet historien écrivait, les enfans de Jacob ne formaient qu'une grande famille qui ne pouvait pas avoir perdu le souvenir de sa propre histoire, et qui ne pouvait se laisser tromper sur les noms de ses ancêtres, sur les principaux traits de leur vie. De Moïse à Noë il n'y a que quatre généra– tions: Sem, témoin du déluge, avait vu Abraham; Abraham avait vu Jacob; et Jacob avait vu ceux qui avaient vu Moïse. Ce petit nombre de générations devait empêcher l'altération des vérités historiques, et d'autant plus que les Patriarches vivant tant de siècles avec leurs enfans, avaient dû leur raconter souvent des faits regardés comme le fondement de la Religion et les objets de la foi, et les graver profondément dans leur mémoire. Ajoutez qu'outre la tradition orale qui avait tant de force dans un nombre si borné de générations, il y avait des cantiques dont le parallélisme et l'harmonie s'opposaient à l'altération des inscriptions, des monumens, et très vraisemblablement des mémoires écrits et conservés, avec beaucoup de soin, dans les familles patriarcales.

Quant aux faits contemporains que raconte Moïse, l'imposture de sa part est visiblement impossible. Ce ne sont pas des faits qui se soient passés dans des réduits obscurs, ou qui aient eu peu d'importance; mais ce sont, au contraire, des faits publics, arrivés en présence de toute la nation juive, pour sa déli

vrance et pour son établissement dans la terre promise; ils sont la base de toutes ses lois religieuses, politiques et civiles. Si ces prodiges éclatans n'ont pas réellement existé, comment tout un peuple s'estil soumis à une législation sévère où ils sont si souvent rappelés? Comment Moïse a-t-il pu l'en prendre à témoin? Comment la tribu de Ruben, comment celle de Lévi ont-elles souffert qu'un historien, si grossièrement imposteur, les déshonorât dans la personne de leurs chefs, et qu'il apprît aux races futures leur prétendu crime et leur châtiment imaginaire?... Remarquez, d'ailleurs, que les pratiques religieuses, les usages, les fêtes, les hymnes du peuple juif supposent la réalité des événemens miraculeux qu'ils rappellent, et dont ils sont destinés à conserver le souvenir, au point que, quand même son histoire ne serait pas écrite, on la retrouverait encore presque toute entière dans sa législation et dans la tradition qui en est comme le vivant commentaire.

Oui, si cette histoire n'est pas vraie, l'imposture du législateur, et la crédulité du peuple seraient un prodige absurde d'audace d'un côté, et de crédulité, de stupidité de l'autre. Il faut dire alors que Moïse a contenu dans le devoir, et a soumis aux pratiques les plus gênantes, aux lois les plus rigoureuses, et même aux châtimens les plus terribles, un peuple violent, opiniâtre, et toujours prêt à la révolte, en lui disant et en lui persuadant qu'il était journellement témoin d'une suite de prodiges, qui ne frappaient pas ses regards. Il faut dire que Moïse a osé

essayer de faire croire à six cent mille spectateurs, contre le témoignage uniforme de leurs sens et de leur mémoire, par exemple, qu'ils ont traversé à pied sec un bras de mer dont les eaux, pendant leur passage, sont restées miraculeusement suspendues, pour engloutir ensuite, en retombant, leurs ennemis qui les poursuivaient, et qu'il a réussi à leur faire illusion. sur ce fait. Bien plus, il faut dire que, dans la suite, il s'est servi du souvenir de ce même fait pour les détourner de l'idolâtrie, et les faire rentrer dans l'obéissance; et que ce qui ne devait naturellement servir qu'à exciter la risée des enfans mêmes, les a, au contraire, tous persuadés.

Une observation qui corrobore tout ce que nous venons d'exposer, c'est qu'en considérant le caractère moral de l'historien, on voit qu'il n'agissait jamais dans la vue de son propre intérêt. La souveraine sacrificature fut publiquement déclarée par lui l'apanage de la seule postérité d'Aaron, et il laissa ses propres enfans confondus avec les autres lévites; le successeur qu'il se désigna lui-même était aussi étranger à sa famille; il avoue franchement ses moindres défauts; il dévoile et la faiblesse de son frère et son manque de foi; loin de flatter le peuple, il ˆ le reprend toujours sous les plus humiliantes images, tantôt comme indocile et rebelle, tantôt comme aveugle et ingrat, souvent comme idolâtre et impie, ne revenant au devoir qu'à force de châtimens, et retombant dans ses désordres dès qu'il est épargué.

Toute l'histoire des Juifs est remplie de faits publics et étonnans comme ceux du Pentateuque, et il n'y a presque point eu, chez ce peuple, de génération à qui, de siècle en siècle, on n'ait dit qu'elle avait été témoin de semblables prodiges; et pas un doute ne s'est élevé dans un seul membre de cette nation sur leur réalité, même après que les Sadducéens eurent attaqué l'immortalité de l'ame. Dirat-on que, pendant quinze cents ans, il a existé un nombre immense d'hommes qui croyaient voir ce qu'ils ne voyaient pas, entendre ce qu'ils n'entendaient pas, et dont les sens et la raison, lors même qu'ils avaient un grand intérêt à ne se point abuser, étaient au rebours de la raison et des sens des autres hommes ?...

Les divers auteurs des livres historiques, qui font suite au Pentateuque, parlent, d'ailleurs, avec candeur, avec impartialité : ils disent le bien et le mal; ils rapportent les infidélités de la nation et ses malheurs, les crimes des prêtres et ceux des rois, les menaces des prophètes et leur accomplissement; ils racontent avec le même sang-froid une bataille perdue et une victoire gagnée, un châtiment du Ciel et un bienfait; ils ne craignent point d'être accusés ni de déguisement ni d'imposture; en un mot ils possédent de tels caractères de véracité, qu'il serait bien difficile d'en montrer de pareils dans aucun auteur de l'antiquité profane.

Enfin les divers prophètes qui sont venus après Moïse, ont marché sur ses traces, et ont dépeint le

peuple juif sous les plus noires couleurs, et toujours ce même peuple a vénéré comme authentiques et vraies leurs prophéties.

Si un homme parcourait le monde, et portait en ses mains un livre contenant l'histoire de sa vie ; si ce livre disait que son héros a toujours été plein des plus grandes vertus et des qualités les plus admirables, nous en aurions de la défiance, et nous ne compterions guère ni sur le livre ni sur le héros.

Si, au contraire, le livre disait que celui qui le porte est un homme infàme; qu'un protecteur toutpuissant l'a comblé de toute sorte de faveurs, mais que ces bienfaits ont été payés de l'ingratitude la plus noire, la plus atroce; s'il disait que chaque acte d'ingratitude a été puni, que chaque fois l'ingrat s'est humilié devant son protecteur, lui a demandé pardon, a obtenu sa grâce, a reçu des faveurs nouvelles, que toujours il est revenu à de nouvelles ingratitudes, et qu'il s'est souillé des crimes les plus énormes; si, enfin, cet homme, en conservant et en montrant ce livre, n'obtenait que le mépris et l'horreur de ses semblables: tout cela nous porterait à croire à la vérité de ce livre, parce qu'il est contraire à la nature de l'homme de se déshonorer, de se flétrir, de se faire mépriser et haïr par un mensonge volontaire et obstinément soutenu.

Mais si, au lieu d'un seul homme, cette supposition se réalisait dans une multitude innombrable, chez qui nécessairement mille et mille passions devraient se choquer, mille et mille intérêts divers de

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