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de raison et tant de dessein dans la disposition, pour entendre qu'il n'est pas fait sans raison et sans dessein. Malgré qu'on en ait, un si bel ouvrage parle de son artisan. >>

§ V. Le moi.

Dans cette portion de matière, que j'appelle mon corps, il y a quelque chose qui pense, qui juge, qui veut, qui a de l'empire sur mes organes et qui en est dominé réciproquement, et c'est ce quelque chose qui dit : moi.

Ce moi pensant, jugeant et voulant, a-t-il toujours été?... Il n'existait pas, il y a cent ans. Comment a-t-il commencé à penser? Comment a-t-il pu devenir pensant, de non-pensant qu'il était jusqu'à un certain jour et jusqu'à un certain moment, ce moi qui a commencé tout-à-coup à penser, à juger, à vouloir? S'est-il fait lui-même ? S'est-il donné la pensée qu'il n'avait pas? Et n'aurait-il pas fallu l'avoir pour se la donner, ou la prendre dans le néant? Le néant de pensée peutil se donner le degré d'être qui lui manque? Par où est-ce donc que m'est venue cette pensée, ce jugement, cette volonté ? et où est-ce que j'en trouverai la source?

En supposant même que la matière puisse de non-pensante devenir pensante, il faut avouer que la pensée est le plus haut degré d'être qu'elle puisse acquérir, et que cette perfection est fort supérieure

à celle d'être étendue et figurée. Mon corps n'a pu se donner ce degré d'être si supérieur qui lui manquait, et dont il avait, pour ainsi dire, le néant en lui: il n'a pas pu le recevoir des autres corps ; car les autres corps, non plus que celui-ci, ne sauraient donner ce qu'ils n'ont pas : or il est évident que la pensée n'est point attachée à l'essence des corps. Bien plus, nul être borné, déjà pensant, ne peut donner la pensée à aucun autre être distingué de lui. La privation d'un degré d'être est le néant de ce degré. Pour donner ce degré d'être à celui qui ne l'a point, il faut une espèce de création réelle en lui; car comme c'est créer tout l'être que de faire exister ce qui n'avait aucune existence, c'est le créer en partie, que de faire exister dans un individu un degré d'être qui n'y existait nullement. Or, il est manifeste que les êtres pensans que nous connaissons, qui se trompent, qui ignorent, qui se contredisent souvent les uns les autres, qui sont quelquefois contraires à eux-mêmes, sont trop faibles, trop imparfaits pour pouvoir créer en autrui un degré d'être ou de perfection très-haute qui n'y existait nullement; que par conséquent ils sont incapables de la création de la pensée au dehors d'eux-mêmes dans un sujet qui n'en a aucun commencement. L'action de créer est d'une puissance et d'une perfection infinies, car il y a une distance infinie depuis le néant d'une chose jusqu'à son existence; il faut donc une puissance infinie pour faire passer cette chose du néant à l'être, puissance qu'é

videmment n'ont pas les êtres pensans nos semblables.

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Je suis donc forcé de reconnaître que le moi qui n'était pas pensant, il y a cent ans, est devenu pensant par le bienfait d'une cause supérieure, intelligente, et d'une puissance infinie. Cette cause a un empire absolu sur la matière et sur l'intelligence; car elle est tellement maîtresse de la matière qu'elle a pu l'assujettir au moi-pensant, et à tel point que dès que le moi-pensant veut, tous les membres du corps se meuvent à l'instant, et avec une extrême rapidité sans nul effort, sans nulle préparation, tous les nerfs sont tendus, tous les ressorts se hâtent de concourir ensemble, comme si chacun des organes les plus secrets entendait une voix souveraine et irrésistible. Cette cause est tellement maîtresse de l'intelligence qu'elle a pu la faire commander aux muscles, aux tendons, sans que l'intelligence les distingue, sans qu'elle sache même où ils sont, s'adressant néanmoins à ceux dont elle a besoin, et ne s'y méprenant jamais.

Que mon ame soit distinguée de mon corps, ou qu'elle ne le soit pas, peu importe à ma conclusion présente.

Si l'ame est distinguée du corps, je demande qui est-ce qui a uni mon corps et mon ame; qui est-ce qui a assujetti deux natures si dissemblables à une correspondance mutuelle; qui est-ce qui les tient captives dans une si étroite société? Elles ne se sont point liées d'elles-mêmes : l'aveugle matière n'a pu

faire pacte avec l'esprit, n'ayant par elle-même ni pensée ni volonté. D'autre part, l'esprit ne se souvient pas d'avoir fait pacte avec la matière; or il s'en souviendrait s'il l'avait fait par choix, et de plus, s'il l'avait fait librement et qu'il l'eût oublié, il ne s'y assujettirait que quand il lui plairait. Il y a donc, dans cette première hypothèse, une cause puissante au-dessus de moi, qui, maîtresse de l'esprit et de la matière, les a, par sa volonté souveraine, liés ensemble.

Si, au contraire, mon ame n'est que mon corps devenu pensant, je demande qui est-ce qui a créé, dans mon corps, ce degré d'être, savoir, la pensée qui n'y existait pas. Ce ne peut être qu'un Créateur intelligent et tout-puissant, possédant la pensée en lui jusqu'au point de la pouvoir donner à qui ne l'a pas. Dire que la matière pense lorsqu'elle est organisée, c'est reculer la conclusion, et non la détruire; car si la matière pense lorsqu'elle est organisée, elle ne peut donc pas s'organiser ellemême, puisqu'il faudrait qu'elle pensât pour s'organiser, c'est-à-dire qu'elle pensât avant de pouvoir penser. Mais, dès qu'il est démontré que c'est à un Créateur tout-puissant que l'être supérieur, qui est en nous, doit l'existence, il en est évidemment de même de l'être inférieur, c'est-à-dire de notre corps, et des autres corps qui nous environnent. Quelle apparence, en effet, que le degré d'être plus parfait soit absolument dépendant de ce Créateur tout-puissant, et que le degré d'être plus bas

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existe par lui-même et soit indépendant de ce même Créateur? S'il en était ainsi, il faudrait dire que le plus bas degré d'être aurait la plus haute perfection, savoir, celle d'exister par soi-même, et que le degré supérieur aurait la plus grande imperfection, celle d'être dépendant et d'avoir une existence empruntée, ce qui serait absurde.

§ VI. L'étre nécessaire.

Mais oublions, si l'on veut, tout ce qui précède. Quelque chose existe; donc quelque chose a toujours existé, donc quelque chose existe nécessairement et de toute éternité : car autrement il y aurait eu un temps où rien n'aurait existé, et alors d'où serait venu ce qui existe, le néant ne pouvant rien produire?

Il y a donc un être nécessaire. L'athée lui-même en convient. Mais cet être, quel est-il? Est-ce la matière, comme le prétend l'athée, ou un être distinct de la matière, et qui en est le Créateur ?... Voilà la question réduite aux plus simples termes : un raisonnement facile à saisir va la résoudre.

que

Exister nécessairement, c'est exister de telle sorte la non-existence implique contradiction ces deux idées sont identiques. Par exemple, il est nécessaire, d'une nécessité absolue que tous les points de la circonférence d'un cercle soient à égale distance du centre, c'est-à-dire que la non-existence de cette égalité de distance dans un cercle implique

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