Obrázky na stránke
PDF
ePub

vant, il ne le voudrait pas. La première hypothèse détruit sa toute-puissance. La seconde détruit son infinie sagesse : car, si Dieu est infiniment sage, il a fait toutes ses créatures pour un but, agir sans but, agir pour agir étant indigne d'un homme raisonnable, et ce qui est indigne d'un homme raisonnable ne pouvant être digne de l'être par excellence. Mais si Dieu a fait toutes ses créatures pour un but, il le leur fait atteindre car il fait tout ce qu'il veut, et il veut toujours le but pour lequel il a produit ses créatures; autrement il serait muable et imparfait.

:

Il est vrai qu'il en a fait de libres, comme on le verra dans le chapitre suivant, et qu'en les créant pour une fin digne de lui, il leur laisse le pouvoir d'y tendre ou de s'en éloigner. Mais il leur donne les moyens d'y parvenir, sans quoi il se manquerait à lui-même; et de leur côté ces créatures libres sont nécessairement comptables à Dieu, si elles s'en écartent: Dieu, infiniment parfait, veut nécessairement l'ordre, et l'ordre veut que la créature, qui s'éloigne du but où le créateur l'appelle, en soit comptable à sa justice.

Au reste, quand nous disons que Dieu gouverne le monde, nous n'entendons pas que pour chaque fait, pour chaque circonstance, Dieu rende un décret nouveau de toute éternité sa Providence, infinie comme lui, a compris dans un seul décret tout l'ordre du monde, a porté toutes les lois physiques, ordonné toutes les causes secondes, d'après lesquelles tout arrive; les dérogations mê

mes que sa sagesse a jugé devoir apporter à ses lois, sont déterminées également de toute éternité; et le gouvernement de la Providence ne diffère point de l'éternité et de l'immutabilité de la volonté divine, embrassant la totalité des êtres et réglant tout l'ensemble et tout le détail.

De l'infinité des perfections de Dieu suit encore cette vérité, qu'elles ne peuvent être assimilées aux perfections bornées de l'homme, ni embrassées et comprises par la courte vue de notre intelligence.

Par exemple, «l'homme est intelligent, quand >> il raisonne, dit Rousseau, et la suprême in>>> telligence n'a pas besoin de raisonner: il n'y a » pour elle ni prémisses, ni conséquences; il n'y a » pas même de proposition; elle est purement in

tuitive; elle voit également tout ce qui est, et >> tout ce qui peut être; toutes les vérités ne sont » pour elle qu'une seule idée, comme tous les lieux » un seul point, et tous les temps un seul moment. >> La puissance humaine agit par des moyens, la

puissance divine agit par elle-même : Dieu » peut parce qu'il veut; sa volonté fait son pou>> voir. Dieu est bon, rien n'est plus manifeste ; >> mais la bonté dans l'homme est l'amour de ses >> semblables, et la bonté de Dieu est l'amour de » l'ordre; car c'est par l'ordre qu'il maintient ce qui » existe, et lie chaque partie avec le tout. Dieu est juste, j'en suis convaincu, c'est une suite de sa >> bonté; l'injustice des hommes est leur œuvre et

[ocr errors]

» non pas la sienne : le désordre moral qui dépose >> contre la Providence aux yeux des philosophes, >> ne fait que la démontrer aux miens. Mais la jus>>>tice de l'homme est de rendre à chacun ce qui >> lui appartient; et la justice de Dieu, de deman» der compte à chacun de ce qu'il lui a donné. »

y

D'autre part, la raison nous dit que la nature de Dieu doit nous être incompréhensible, car il doit avoir l'infini entre lui et nous. Vouloir donc connaître, après la démonstration de son existence et de son infinie perfection, comment se concilient entre eux ses attributs, ou quelles sont les voies secrètes de sa Providence, c'est vouloir sonder l'infini, et par conséquent se perdre dans un abîme. N'est-il pas vrai que Dieu est infiniment parfait? N'est-il pas vrai qu'un être infiniment parfait est dans l'impossibilité absolue de jamais agir d'une manière contraire à sa perfection infinie? N'est-il pas vrai, par conséquent, que Dieu a des raisons suffisantes de permettre ou de faire tout ce qu'il permet et tout ce qu'il fait? Que voulez-vous savoir de plus? Le pourquoi et le comment?.... Mais ne doitil pas vous suffire de savoir que, puisqu'il l'a permis ou fait, il a pu le permettre ou le faire sans blesser aucun de ses attributs? Tenant, avec une inébranlable certitude, les deux bouts de la chaîne, il ne vous est pas nécessaire de voir comment ils sont liés l'un à l'autre. Souvenez-vous, d'ailleurs, que ne pas voir à quoi sert tel ou tel accident, tel ou tel objet, ce n'est pas voir qu'ils ne servent à

rien; que ne pas voir quel motif a un homme sage d'agir de telle ou telle manière, ce n'est pas voir qu'il en a d'injustes; et enfin, que ce qui vous semble mal sous tel rapport, peut être bien sous des rapports qui vous sont cachés. « La permission » du péché, et les suites du péché, dit Bayle à ce » sujet (tome 3, p. 997), sont des mystères au-des>> sus de la raison; de sorte que nos idées naturel>> les ne peuvent pas être la mesure commune de » la bonté et de la sainteté divine et de la bonté >> et de la sainteté humaine. N'y ayant point de >> proportion entre le fini et l'infini, il ne faut point » se permettre de mesurer à la même aune la con» duite de Dieu et la conduite des hommes ; et ainsi >> ce qui serait incompatible avec la bonté et » la sainteté de l'homme, est compatible avec la >> bonté et la sainteté de Dieu, quoique nos faibles » lumières ne puissent pas apercevoir cette compa» tibilité. »

Dieu est Celui qui est; nous avons donné la raison de ces sublimes paroles. Nous allons maintenant en développer le sens profond avec un éloquent écrivain (Bergasse, Fragments).

« Il est celui qui est; car en lui tout est substance, par lui tout est vie, en lui et par lui tout est être. Il est celui qui est ; car la puissance, c'est lui; la fécondité, c'est lui; l'activité, c'est encore lui. Il est celui qui est ; car il pense, et c'est parce qu'il pense que les réalités sont ; il parle, et c'est parce qu'il parle que les réalités existent; il veut,

et c'est parce qu'il veut que les réalités agissent. Leur être est dans sa pensée; leur vie est dans sa parole; leur action est dans sa volonté. Il est celui qui est; car les causes et les effets sont à lui, les causes qui ne sont que ses pouvoirs distribués dans la nature, les effets qui n'en sont que les résultats. Il est celui qui est ; car c'est encore à lui qu'appartiennent les propriétés des causes et les qualités des effets. L'ordre, c'est sa sagesse qui assemble, qui pèse, qui nombre, qui mesure; la variété, c'est son infinité qui se joue dans les formes de l'univers; l'attrait, c'est la vapeur douce de sa puissance qui se distribue dans les réalités pour les unir; la beauté, c'est une ombre qu'il empreint de sa divinité; la grâce, c'est son amour qui donne du mouvement à la beauté; le charme, c'est l'effet de son amour; c'est l'amour avec sa joie, son silence; c'est l'amour avec ses perspectives immortelles; c'est le sentiment, c'est le plaisir d'aimer, c'est l'espérance d'aimer toujours. Il est celui qui est; car ce n'est qu'en lui seul aussi que se développent les propriétés des causes et les qualités des effets; l'espace et le lieu, l'éternité et le temps, l'immensité et la voie ne sont que lui-même. Il a regardé, il a vu l'espace en lui, et il a limité le lieu des mondes dans l'espace; il a regardé, et il a vu l'éternité en lui, et il a détaché le temps de son éternité pour fixer aux mondes leurs époques mobiles, leurs destinées passagères; et, pleins de leurs causes vivantes, et de leurs effets animés, les mondes ont trouvé dans sa

« PredošláPokračovať »