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vait sortir à cause de ses infirmités. Ses mains, quoique affaiblies par l'âge, étaient sans cesse occupées à découdre et à rajuster de vieux habits, et jusqu'à des chiffons que des personnes charitables lui faisaient apporter, pour les petits enfans des pauvres. Combien elles furent douces, ô ma mère bien-aimée, les larmes que me fit répandre le souvenir des vertus que vous aviez pratiquées sur la terre!!!.... Mais quand je fis un retour sur moimême, quel affligeant contraste accabla mon ame! Les remords abreuvèrent mon cœur d'amertume : ils me révélaient qu'il y a une justice souveraine hors de ce monde. Des pensées désolantes bouleversèrent mon esprit : « O la plus tendre des mères, >> serait-il vrai que cette éternité de bonheur dont >> vous m'avez si souvent entretenu dans mes pre» mières années, se fût déjà réalisée pour vous, et >> que mes opinions inconsidérées me condam-»> nassent à être séparé de vous pour jamais!... » Pour jamais je serais donc forcé de blasphemer >> et de maudire ce même Dieu qui aurait récom» pensé vos mérites d'un bonheur sans mesure !!.>>

Entièrement absorbé dans ces réflexions, j'étais parvenu, sans m'en douter, à une distance très rapprochée de l'église du Séminaire. Comme malgré moi, je tombe à genoux devant la grille qui sépare le vestibule de l'intérieur, et je m'écrie : « O Dieu de ma mère ! s'il est vrai que vous soyez; » si, comme elle me l'a assuré, vous êtes la vérité, » la sagesse, et la bonté suprême; que vous m'ayez

» fait pour vous, et que vous entendiez les désirs sincères d'un cœur malheureux; je vous conjure » et vous supplie d'employer votre puissance à me >> secourir montrez-vous à votre créature; soyez >> sa lumière et sa vie; tracez-lui la route pour ar>> river jusqu'à vous !!!... » Mon agitation était extrême; mes larmes coulaient en abondance: au bout de quelques instans, je sens le calme renaître dans mon ame, et je me relève avec la résolution sincère de chercher la vérité de bonne foi.

Peu de jours après, je partis pour Rodez, où je devais passer le temps des vacations. J'en employai la plus grande partie à lire les pensées de Pascal, celles de Bossuet, divers sermons de Bourdaloue et de Massillon sur la vérité des dogmes de la religion chrétienne, et les Confessions de Saint Augustin, où je trouvai des réflexions aussi solides que consolantes sur la grandeur de la bonté et de la miséricorde de Dieu. Cet illustre docteur de l'Eglise prouve, par son exemple, que celui qui gémit sous le poids de l'habitude la plus invétérée ne doit pas se livrer à un funeste désespoir il en coûte de résister à la corruption de la nature; mais ce combat se change enfin en une heureuse liberté et en une joie inexprimable. Je fis à mon état l'application de ce beau passage : « Où est Dieu, là est » la vérité : il est au fond de votre cœur ; mais VQ>>tre cœur s'est éloigné de lui. Rentrez, rentrez en >> vous-même ; vous y trouverez, n'en doutez pas, >> celui qui vous a fait. Où courez-vous à travers ces

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>> lieux âpres et désolés? Pourquoi passer et repasser >> sans cesse dans ces voies rudes et laborieuses? >> Vous cherchez la vie heureuse; elle n'est pas >> là: comment la vie heureuse serait-elle où il >> n'existe pas même de vie? Je m'abusai comme >> vous : je parcourus long-temps, avec une fatigue incroyable, les sombres labyrinthes d'une philosophie trompeuse ; je mangeai le pain amer de » l'erreur, à la sueur de mon front. Mais las d'er>> rer tristement loin de la vérité, loin de Dieu, je » revins à lui, et je goûtai la paix. C'est après avoir >>> connu les biens de la terre et ceux du ciel, que je me suis écrié, dans l'effusion de mon cœur : » C'est vous, c'est vous seul que je veux, ó justice! »> ó innocence ! qu'environne une pure et brillante » lumière, et qui rassasiez complètement nos in» satiables désirs en vous on trouve un repos pro»fond, une vie pleine d'un calme immense; celui qui entre en vous, entre dans la plénitude de la » joie, et se désaltère délicieusement à la source » du souverain bien. Hélas! dans les jours de ma » jeunesse, glissant sur la pente des plaisirs, je » m'éloignai de vous rapidement, ó vérité immua» ble ! et aussitôt, errant au hasard, je me devins à » moi-même une région d'indigence et de douleur. Quel autre sort devais-je attendre? Vous nous » avez faits pour vous, ó mon Dieu, et notre cœur » est sans cesse agité jusqu'à ce qu'il se repose en

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» vous. »

Ces lectures réfléchies dissipèrent tous mes dou

tes et toutes mes erreurs. De retour à Montpellier, je m'adressai à un prêtre recommandable par son âge, ses vertus et ses lumières : il m'aida avec une bonté paternelle et un zèle apostolique à débrouiller le cahos de ma vieille conscience; et, après avoir subi l'épreuve qu'il jugea convenable, j'eus le bonheur de remplir mon devoir pascal.

Que de larmes j'ai versées alors, et depuis ce beau jour, sur mes trop longs égaremens! Mais elles n'ont fait qu'accroître la paix, le calme et le bonheur dont je m'étais si long-temps privé. Durant les longues maladies que j'ai essuyées, la religion est venue calmer mes douleurs, soulager mes maux, et me prodiguer les plus douces consolations. J'aimais alors à me pénétrer des paroles mémorables de Domat. Ce célèbre jurisconsulte, étendu sur son lit de mort, en proie aux souffrances aiguës de la plus douloureuse agonie, au milieu de ses nombreux amis émerveillés de la sérénité de son visage, leur disait : «< Ce n'est pas assez pour un vrai chré» tien de souffrir avec résignation : il doit encore le » faire avec joie, en expiation de ses nombreuses in>> fidélités. >>

Depuis ma conversion, j'ai lu un grand nombre d'ouvrages sur les preuves de la religion, et j'ai fait mes délices de cette lecture, qui m'a donné la certitude la plus complète de la vérité du Christianisme. Plus j'ai médité ces preuves, plus je les ai approfondies, plus ma conviction intime s'est fortifiée les lumières que j'y ai puisées sont bien

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supérieures à tout ce que pouvait désirer ma raison.

Mon retour à la foi exerça d'abord quelque influence sur celui d'un des membres de la Cour, M. B***., distingué par ses lumières, et surtout par une rectitude d'esprit et par une concision analytique vraiment admirables dans ses opinions. Il avait acquis ces qualités précieuses par l'étude des mathématiques transcendantes et par ses progrès dans la science du calcul des probabilités, qu'il possédait parfaitement. J'ai eu, depuis, la douce satisfaction d'être agrégé au nombre de ses amis les plus inti

mes.

Un autre Magistrat de la même Cour, qui avait été à portée d'apprécier le solide jugement et la rare sagacité de M. B**, surtout dans des rapports qui présentaient des questions très-difficiles, étonné du changement extraordinaire qui s'était opéré en lui relativement à la religion, ne douta point qu'il n'y eût été ramené par les motifs les plus puissans: il se décida à lire quelques ouvrages en faveur du Christianisme. Revenu de ses erreurs, ce Magistrat pratique avec zèle et édification tous les devoirs religieux.

Enfin, l'un de mes parens, imbu des malheureuses idées de la philosophie, tomba dangereusement malade, il y a quelque temps. J'entrai en correspondance avec lui à propos du triste état de sa santé, et je lui adressai le récit de ma conversion. Il le lut, le relut, et ce fut toujours avec larmés. Il finit par prier un de nos amis communs de

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