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in Israelem beneficia magnificis laudibus extollit; fassus solà tot prodigiorum narratione sese quodam obsequii terrore opprimi; sperare se tamen addit, tamdiù se in vivis mansurum, ut fratres suos in exilio intueatur; se tamen caprearum pernicitate donandum à Deo fore non dubitat, ut Chaldæorum Judæam vastantium manus, in montes elapsus effugiat. Nec sperantem fefellit eventus. Ipse Chaldæorum furore immunis, cùm deinde eorum metu patria soluta est, agrestem vitam exercuit. Ad pascendum Danielem Babylone versantem, prodigio translatus est, Dan. 14, et vitam usque ad solutam captivitatem, vel biennio ante fortasse produxit; nam ab anno primo Joachimi,

quocum initium ejus prophetiæ componimus, ad captivitatem usque solutam 66 annorum est intervallum. Vide tabulam Chronologicam Danielis.

Ejus sepulcrum non uno olim in loco monstrabatur; in Ceila, Echela, Gabbata, duodecimo ab Eleutheropoli lapide, ad viam Liddæ, et in Betzekar. Sed Ceila, et Echela unus idemque sunt locus, Gabbata et Beth-Zechar non differunt nisi nomine : quare ibi absque ullà ambiguitate sepultura prophetæ hujus constituenda est. Ejus corpus ibidem inventum regnante Theodosio Seniore, Sozomenus, Hist. Eccl. lib. 7, cap. 29, testatur. Videsis Euseb. et Hieronym. in Ceila, Gabaa, Echila.

PRÉFACE SUR HABACUC.

(BIBLE DE VENCE.)

1. Analyse de la prophétie et du cantique d'Habacuc selon le sens littéral et immédiat.

Le prophète gémit de voir les iniquités multipliées au milieu des enfants de Juda. Il annonce les vengeances que le Seigneur exercera bientôt sur eux par les armes des Chaldéens. Il prédit la puissance de Nabuchodonosor et le châtiment dont Dieu le frappera. Il s'afflige du succès que Dieu accorde aux ennemis de son peuple: il lui adresse sur cela ses plaintes (chap. 1). Il attend la réponse que Dieu fera aux plaintes qu'il lui a adressées. Le Seigneur lui ordonne d'écrire une nouvelle vision, dont il lui déclare que l'accomplissement est réservé à un temps marqué au-delà duquel il ne sera point différé. Cette vision regarde la ruine de la monarchie des Chaldéens; Babylone qui a ruiné tous les peuples sera elle-même ruinée, sans que ses idoles puissent la sauver (chap. 2). Le prophète termine sa prophétie par une prière à laquelle on donne communément le nom de cantique, parce qu'elle est composée d'un style poétique et mesuré, tout semblable à celui des psaumes et des autres cantiques qui se trouvent dans l'Écriture, et que l'Église emploie dans ses offices. Le prophète se rappelle ce que ses pères lui ont appris des merveilles que le Seigneur a faites autrefois en faveur de son peuple. Il s'afflige à la vue de la désolation terrible dont son peuple est menacé. Il se console dans l'attente du secours admirable que Dieu accordera à son peuple (chap. 5). Tel est le précis de la prophétie et du cantique d'Habacuc. 11. Réflexions sur la prophétie d'Habacuc; instructions et mystères qu'elle renferme. Parallèle entre les vengeances que Dieu a exercées sur les enfants de Juda par les armes des Chaldéens, et celles qu'il a exercées sur les Juifs par les armes des Romains.

Saint Paul fit usage de cette prophétie, lorsque, parlant aux Juifs dans la synagogue d'Antioche de Pisidie,il leur dit: Prenez garde,mes frères,qu'il ne vous arrive ce qui est dit dans les prophètes : Voyez, vous qui méprisez, soyez dans l'étonnement, et tombez en défail

lance; car je vais faire dans vos jours une œuvre, une œuvre que vous ne croirez pas lors même qu'on vous la racontera. C'est ce que le Seigneur disait aux enfants de Juda par la bouche d'Habacuc (1); et aussitôt il ajoutait : Car je vais susciter les Chaldéens, cette nation dont l'àme est cruelle et dont les progrès sont rapides; cette nation qui s'avance de tous côtés sur la face de la terre pour s'emparer des maisons qui ne sont pas à elle, etc. L'œuvre étonnante et presque incroyable dont le Seigneur menaçait les enfants de Juda par la bouche d'Habacuc, était donc le coup terrible dont sa justice allait les frapper en les livrant entre les mains des Chaldéens de même, lorsque saint Paul adressait aux Juifs les paroles d'Habacuc, Dieu était près d'exercer sur eux ses vengeances en les livrant entre les mains des Romains; Jésus-Christ même les en avait déjà avertis; et il y avait lieu de croire que c'était là aussi l'oeuvre étonnante et presque incroyable dont saint Paul les menaçait en leur rappelant ce que Dieu avait dit autrefois à leurs pères par la bouche d'Habacuc. Nous avons fait remarquer ailleurs sous quels rapports les vengeances que le Seigueur exerça sur les enfants de Juda par les armes de Nabuchodonosor, peuvent être la figure de celles qu'il exerça sur les Juifs incrédules par les armes des Romains. Nous ajouterons seulement ici une réflexion sur la liaison qui se trouve entre ce que le prophète dit des vengeances que le Seigneur était près d'exercer sur les enfants de Juda, et ce qu'il dit de celles que le Seigneur devait ensuite exercer sur les Chaldéens mêmes après s'être servi d'eux pour châtier les (1) Il y a quelques différences entre les expressions rapportées par saint Paul et celles qu'on lit dans le texte d'llabacuc, mais elles sont peu importantes. Saint Paul lit Videte, contemptores; dans Thébreu on lit Videte in gentibus. Mais l'expression de saint Paul est conforme à celle des Septante:qui au lieu de in gentibus, saient contemptores. Saint Paul lit: Admiramini et ansperdimini, ou, selon le grec, θαυμάσατε καὶ ἀφανίσθητε. C'est aussi la legon des Šeptante. Le dernier de ces deux mots ne se trouve point dans l'hébreu.

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enfants de Juda. Le Seigneur exerça de même ses vengeances sur les Romains, après s'être servi d'eux pour châtier les Juifs. Mais il faut avouer que lorsqu'il fit éclater ses vengeances sur les Romains, ce ne fut pas tant à cause des violences qu'ils avaient exercées envers les Juifs, qu'à cause de celles qu'ils avaient exercées envers les Chrétiens. Ainsi, à cet égard, le parallèle n'est pas entier. Les Chaldéens exercèrent les vengeances du Seigneur sur les enfants de Juda; et ils furent châtiés précisément à cause des violences mêmes qu'ils avaient exercées envers les enfants de Juda: Les iniquités et les violences que vous avez commises sur le Liban, c'est-à-dire, sur l'héritage du Seigneur, sur la maison de Juda, retomberont sur vous, et vous accableront, dit Habacuc en parlant du roi de Babylone Iniquitas Libani operiet te. Les Romains exercèrent les vengeances du Seigneur sur les Juifs; et ils portèrent ensuite eux-mêmes tout le poids des vengeances du Seigneur; mais ce ne fut pas précisément à cause des violences qu'ils avaient exercées à l'égard des Juifs: Dieu avait à venger sur eux un autre sang qui lui était bien plus cher, le sang des saints, le sang des martyrs de Jésus. Au reste le défaut qui se trouve dans ce parallèle ne détruit pas la justesse de l'application du passage employé par saint Paul; mais il prouve seulement que ce point de vue n'est pas le seul sous lequel la prophétie d'Habacuc doive être considérée.

111. Suite des réflexions sur la prophétie d'Habacuc. Parallèle entre les vengeances que Dieu a exercées sur les Chaldéens, et celles qu'il exercera un jour sur les ennemis du nom chrétien.

En effet, saint Paul nous découvre lui-même dans cette prophétie un autre point de vue, lorsque écrivant aux Hébreux il leur dit : Ne perdez pas la confiance que vous avez, et qui doit être récompensée d'un grand prix. Car la patience vous est nécessaire, afin que, faisant la volonté de Dieu, vous puissiez obtenir les biens qui vous sont promis. Car encore un peu de temps, et celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. Or, le juste vivra de la foi; s'il se retire et se laisse affaiblir, il ne me sera pas agréable, dit le Seigneur. Mais quant à nous, nous ne sommes pas des personnes à nous retirer et à nous laisser affaiblir; mais nous sommes les enfants de la foi pour parvenir au salut de nos âmes. Il est sensible que l'Apôtre avait ici en vue cette parole d'Habacuc selon la version des Septante : Il y a encore une vision qui est réservée pour le temps marqué, elle paraîtra à la fin, et elle ne sera point vaine: s'il diffère, allendez-le (1); car celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas si quelqu'un se retire et se laisse affaiblir, il ne me sera pas agréable; mais le juste vivra de la foi qu'il aura en moi (2). L'hébreu peut se traduire à peu

(1) C'est bien le sens du grec «¿tò», illum, qui étant masculin ne peut pas se rapporter à écɑs, visio, qui est féminin.

(2) C'est la leçon de l'édition romaine: Justus autem ex fide meà vivat. Le manuscrit alexandrin et l'édition d'Alde lisent: Justus autem meus ex fide vivet.

près dans le même sens : Il y a encore une vision qui est réservée pour le temps marqué : elle paraîtra (1), à la fin, et elle ne trompera point l'attente. Si elle tarde, continuer de l'attendre; car celui qui doit venir viendra, et il ne différera pas (2). Celui qui se lasse et s'affaiblit (3) n'a point l'âme droite; mais le juste vivra de sa foi. Cette parole d'Habacuc, considérée relativement à ce qui précède et à ce qui suit dans le discours de ce prophète, s'explique littéralement de la délivrance que Dieu devait accorder aux enfants de Juda en faisant cesser leur captivité par la ruine même de leurs ennemis. Saint Paul, considérant cette parole sous un autre point de vue, l'explique du dernier avénement de Jésus-Christ, lorsque ce divin Libérateur viendra consommer l'entière délivrance de son peuple par la ruine même des ennemis de son peuple: Encore un peu de temps, et celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. Saint Jérôme pense aussi que les menaces terribles que le prophète prononce contre le roi de Babylone peuvent s'expliquer de l'Antechrist: Potest autem hoc ipsum et de Antichristo interpretari. Cela confirme ce que nous avons déjà montré ailleurs, que l'irruption des Chaldéens sur la Judée paraît être la figure du fléau que saint Jean nous annonce sous le nom de second malheur, fléau entièrement futur, et qui, après avoir commencé par une irruption formidable, se terminera par la grande persécution que doit exciter sur la terre la bête qui doit monter de l'abîme, c'est-à-dire, l'Antechrist; persécution à laquelle succédera le troisième et dernier malheur qui sera l'avénement du souverain Juge. Les enfants de Juda représentent donc ici particulièrement le peuple chrétien, selon ce grand principe de saint Jérôme, que dans le sens mystérieux des prophéties, Juda et Jérusalem s'entendent toujours de l'Église Quantum ad mysticos intellectus, Jerusalem semper pro Ecclesiâ accipitur. Et sous ce point des vue le parallèle est entier. Depuis long-temps le Seigneur se sert, et il continuera encore de se servir. des ennemis du nom chrétien pour exercer ses vengeances sur le peuple chrétien; mais, lorsqu'ils auront comblé la mesure de leurs crimes par les derniers excès de leurs violences, le jour viendra où Jésus-Christ descendant des cieux fera tomber tout le poids de ses vengeances sur les ennemis du nom chrétien; et cela précisément à cause des violences qu'ils auront exercées sur le peuple chrétien, qui est aux yeux de Dieu le vrai Liban dont la maison de Juda n'était que la figure : Iniquitas Libani operiet le. Lors donc que ce fléau que saint Jean nous annonce sera près d'éclater, Dieu pourra nous adresser à nousmêmes ce qu'il disait autrefois aux enfants de Juda par la bouche d'Habacuc: Voyez, vous qui méprisez (1) L'hébreu lit, et aspirabit. Les Septante ontlu, el illuscescet,ou apparebit, comme l'exprime saint Jérôme. (2) On pourrait traduire : car elle viendra certainement, et ne différera pas; mais rien n'empêche qu'on ne prenne l'hebreu dans le sens des Septante et de saint Paul.

(3) L'hébreu lit, qui elato est animo. Les Septante lisaient, qui animo deficit.

mes paroles; soyez frappés d'étonnement, et saisis de trouble; car je vais faire er, vos jours une œuvre, une œuvre que vous ne croirez pas lors même qu'on vous la racontera. Je vais susciter les Chaldéens, cette nation dont l'âme est cruelle, et dont les progrès sont rapides ; celle nation qui s'avance de tous côtés sur la face de la terre pour s'emparer des maisons qui ne sont pas à elle. Elle porte avec elle l'horreur et l'effroi; elle ne reconnaît point d'autre juge qu'elle-même, et elle fera tous les ravages qu'il lui plaira. Ses chevaux sont plus légers que les léopards, et plus vites que les loups qui courent au soir. Sa cavalerie se répandra de toutes parts, et ses cavaliers viendront de loin : ils voleront comme un aigle qui se hâte de venir dévorer sa proie. Ils viendront tous pour exercer la violence; le souffle de leurs visages est comme un vent brûlant; et ils assembleront des troupes de captifs comme des monceaux de sable. A ces traits qui ne reconnaîtrait les ennemis du nom chrétien? Qui ne reconnaîtrait cette cavalerie nombreuse et formidable dont nous parle saint Jean, commandée par quatre anges qui sont liés sur le fleuve de l'Euphrate, et préparés pour l'heure, le jour, le mois et l'année où ils doivent tuer la troisième partie des hommes? Qui ne reconnaîtrait cette armée formidable qui, selon Joël, n'est comparée toute entière à une cavalerie que parce qu'elle en a l'ardeur et l'impétuosité? Car à les voir, dit ce prophète, on les prendrait pour des chevaux, et ils s'élanceront comme une troupe de cavalerie. Prévenons les jours de la colère du Seigneur; renonçons à l'iniquité, et gardons fidèlement sa loi. Mais fortifions-nous contre le scandale de la prospérité des ennemis du nom chrétien. Le Seigneur les a établis pour exercer ses jugements : ce sont les expressions mêmes d'Ilabacuc : Domine, in judicium posuisti cum ; et il ne les a rendus forts que pour châtier les coupables: Et fortem, ut corriperes, fundasti cum. Mais il y a encore une vision qui est réservée pour le temps marqué : Adhuc visio in tempus statutum (1). Elle paraîtra à la fin, au temps de la dernière consommation, et elle ne trompera point T'attente: Et apparebit in finem, et non mentietur. Si elle semble tarder, il ne faudra point cependant cesser de l'attendre : Si moram fecerit, expecta iilam (2). Car celui qui doit venir pour délivrer son peuple, et pour exterminer ceux qui auront corrompu la terre, viendra certainement, et il ne différera point au-delà du jour qui est marqué : Quia veniens veniet, et non tardabit. Alors les ennemis du nom chrétien porteront la juste peine de toutes leurs iniquités et de toutes les violences qu'ils auront exercées sur le peuple chrétien : Iniquit's Libani operiet te. Alors périra cette dernière Babylone dont saint Jean parle forsqu'il dit: Je vis un ange qui volait par le milieu du ciel portant l'Evangile éternel pour l'annoncer à tous

(1) Habac. 2, 3. La Vulgate porte Adhuc visus procul. L'hébreu lit: Adhuc visto in tempus statulum; et la versionales Septante y est conforme.

(2) La Vulgate met illum, en le rapportant à visus: les Septante mettent aussi avrò», illum, quoiqu'ils aient mis karıs, visio.

ceux qui sont sur la terre, à toutes les nations, à toutes les tribus, à toutes les langues et à tous les peuples, et qui disait à haute voix : Craignez Dieu, et rendez-lui gloire; PARCE QUE L'HEURE DE SON JUGEMENT EST VENUE; et adorez celui qui a fait le ciel et la terre, la mer et les fontaines. Et un autre ange le suivit, lequer dit ces paroles: BABYLONE EST TOMBÉE; elle est tombée, cette grande ville qui a fait boire à toutes les nations le vin empoisonné de sa prostitution. Et le même Apôtre, décrivant les symboles qui accompagnèrent l'effusion de la septième et dernière coupe, dit aussi : Une grande voix se fit alors entendre du temple, comme venant du trône, et elle dit : C'EN EST FAIT. Aussitôt il se fit de grands bruits, des tonnerres et des éclairs, et un si grand tremblement de terre, qu'il n'y en eut jamais nn pareil depuis que les hommes sont sur la terre. La grande ville fut divisée en trois parties, et les villes des nations tombèrent; ET LA GRANDE BABYLONE REVINT EN MÉMOIRE A DIEU POUR LUI DONNER A BƆIre le calice DU VIN MORTEL DE SA COLÈRE. Ainsi Babylone, dans l'Apocalypse, représente non-seulement Rome païenne, sur laquelle Dieu a fait éclater ses vengeances au cinquième siècle de l'Église, mais encore la ville qui sera à la fin des siècles la capitale de l'empire antichrétien; c'est de celle-là que parle saint Jean dans ces deux textes; et c'est aussi particulièrement de celle-là que peut s'entendre la prophétie d'Habacuc. Après avoir opprimé et persécuté dans les derniers temps le peuple chrétien, elle périra dans la catastrophe terrible de ce dernier jour.

IV. Explication du cantique d'Habacuc: parallèle du sens littéral et du sens spirituel de ce cantique. Le cantique d'Habacuc est une suite de sa prophé tie et le même point de vue qui nous découvre le sens mystérieux de sa prophétie, nous découvre aussi le sens mystérieux de son cantique. Deux objets principaux occupent le prophète selon le sens littéral et immédiat du cantique qu'il prononce; il rappelle ce que Dieu a fait autrefois en faveur des enfants de Jacob, lorsqu'il les a retirés de la servitude d'Égypte ; il considère ce qu'il fera cncore un jour en leur faveur, lorsqu'il les délivrera de la captivité de Babylone. Ce que Dieu a fait en les tirant de la servitude d'Égypte, est la figure de ce que Jésus-Christ a fait en nous rachetant de l'esclavage du péché; ce que Dieu avait promis de faire en les délivrant de la captivité de Babylone, est la figure de ce que Jésus-Christ fera en consommant l'entière délivrance de son Église à la fin des siècles. Nous exposerons ici sommairement le sens littéral et le sens spirituel de ce cantique, qui est un des plus difficiles, non-seulement à cause des mystères qui s'y trouvent enveloppés sous le voile d'un langage figuré, mais encore à cause des différences qui sc trouvent entre le texte hébreu, la version des Septante, et la version Vulgate; différences qui donnent sujet de penser que ce cantique est un des textes qui ont le plus souffert de la part des copistes. C'est ce qui nous a donné lieu d'entrer ici dans quelque détail sur ce cantique mystérieux : les notes que nous

Joindrons ici à l'explication justifieront la version que nous préférerons.

Le prophète se rappelle tout ce qu'il a appris des merveilles que le Seigneur a faites autrefois en faveur de son peuple ses pères les lui ont racontées, et il les a entendues de leur bouche : Domine, audivi auditionem tuam. Il a entendu ce que Dieu a fait autrefois, et il espère voir ce que Dieu fera un jour; il espère voir l'œuvre merveilleuse et éclatante que Dieu fera pour délivrer son peuple: Et videbo, Domine, opus tuum (1). Ce que le prophète dit ici, nous pouvons aussi le dire nous-mêmes. Nous avons appris de nos pères ce que Jésus-Christ a fait autrefois en faveur de son peuple; et nous verrons ce qu'il fera encore à la fin des siècles, pour consommer l'entière délivrance de son peuple: Domine, audivi auditionem tuam ; et videbo, Domine, opus tuum. Le Seigneur s'est fait connaître, et il s'est montré au milieu des années par les merveilles qu'il a faites pour retirer son peuple de l'Égypte. Ou plutôt le Seigneur s'est montré et s'est fait connaître d'une manière bien plus sensible et bien plus admirable, lorsque, dans la plénitude des temps, il a envoyé son Fils par qui il a racheté le monde: In medio annorum fuisti agnitus; in medio annorum innotuisti (2). Mais le Seigneur se fera connaître encore; et après s'être mis en colère, il se souviendra de sa miséricorde.

Le prophète voit la colère du Seigneur près d'éclater contre les enfants de Juda, par l'irruption formidable dont ce peuple est menacé de la part des Chaldéens; et en même temps il découvre que le temps viendra où le Seigneur, oubliant sa colère, répandra les effets de sa miséricorde sur les enfants de Juda, en les rappelant de Babylone. De même, à la fin des siècles, la colère de l'Agneau s'étant allumée contre le peuple chrétien (3), il permettra que ce peuple tombe sous l'oppression des ennemis de son nom; mais le temps viendra où, cessant de faire éclater sa colère contre son peuple, il montrera à tout l'univers qu'il se sera ressouvenu de sa miséricorde en faveur de son peuple: Cùm iratus fueris, misericordiæ recordaberis. Dieu est venu de Theman; et le Saint est venu de la montagne de Pharan. C'est ce que Moïse disait dans le dernier discours qu'il prononça avant sa mort: Le Seigneur est venu de Sinaï, et il s'est levé sur nous de Séir: il a fait lever sur nous sa lumière du mont Pharan (4). Sinaï, Séir, Pharan et Théman étaient différents lieux de l'Arabie-Pétrée; et ce fut dans cette région que Dieu fit éclater sa gloire aux yeux des Israélites, en leur donnant sa loi. Mais chez les

(1) Vulg.: Et timui. Hébr., et videbo.

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(2) Vulg. In medio annorum vivifica illud; et on lit de même dans l'hébreu. Mais les Septante traduisent dans un sens bien différent : In medio duorum animalium (ou duarum vitarum) cognitus eris.

(3) Apoc. 6, 16, 17: A facie sedentis super thronum, et ab irâ Agni: quoniam venit dies magnus iræ ipsorum (ou selon le grec, dies magnus iræ ejus.)

(4) Deut. 33, 2: Dominus de Sinai venit et de Seir ortus est nobis apparuit de monte Pharan.

Hébreux, Théman signifie un lieu méridional; c'est pourquoi, dans la version Vulgate du cantique d'Habacuc, il est dit que Dien viendra du midi (1); et Pharan signifie un licu distingué par sa beauté, ou par l'ombre dont on y jouit sous des branches épais. ses; de là vient que dans la version des Septante il est dit que le Saint viendra de la montagne ombragée. Jésus-Christ qui est Dieu égal à son Père a pris naissance du sein d'une vierge dans la ville de Bethlehem; c'était de cette ville que devait sortir le dominateur d'Israël (2); c'est de là que Jésus-Christ est sorti; c'est de là qu'il est venu; et ce lieu était au midi de Jérusalem; il était dans la tribu de Juda, qui était l'une des plus méridionales des douze tribus: Deus è Theman venit. Jésus-Christ qui est le Saint des saints, le Saint par excellence, a fait éclater sa grandeur jusqu'aux extrémités du monde (3) en commençant par la Judée. C'est des Juifs que le salut nous est venu (4); c'est de Sion qu'est sortie la loi du Seigneur (5); c'est de Sion que le Seigneur a fait sortir le sceptre de la puissance de son Christ (6); c'est de cette montagne ombragée que Dieu couvrait alors de l'ombre de sa protection, c'est de cette montagne glorieuse qui était alors distinguée par l'éclat de la gloire du Seigneur, c'est de là que Jésus-Christ est venu et s'est fait connaître à toutes les nations: Et Sanctus de monte Pharan. Sa gloire a couvert les cieux, et la terre a été remplie de ses louanges,

Au temps de la sortie d'Égypte, la gloire du Seigneur éclata seulement sous les cieux, et il n'y eut qu'une petite portion de la terre qui fut remplie de ses louanges. Mais au temps de Jésus-Christ et en la personne de Jésus-Christ, la gloire du Seigneur a couvert les cieux; Jésus-Christ s'est élevé au-dessus des cieux, et il y a fait éclater sa gloire : il s'est fait connaître aux nations, et en peu de temps toutes les parties de la terre alors connues ont été remplies de ses louanges Operuit cœlos gloria ejus, et laudis ejus plena est terra. Son éclat a été comme celui de la lumière. Au temps de la sortie d'Égypte, à peine cette lumière pénétra-t-elle à travers les ténèbres qui couvraient alors la multitude des nations; la loi était comme un flambeau qui, au milieu d'une grande obscurité, éclairait ceux qui s'en approchaient. Mais l'Évangile a éclaté comme une grande lumière aux yeux de toute la terre. Jésus-Christ s'est levé alors comine un soleil, dont les rayons ont dissipé les ténèbres qui couvraient les nations, et ont repandu sur

(1) Vulg.: Deus ab austro veniet. Hébr.: Deus è Theman veniet, le futur pour le prétérit : c'est un hébraïsme.

(2) Mich. 5, 2: Et tu, Bethlehem Ephrata.., ex te egredietur qui sit dominator in Israel.

(3) Mich. 5, 4: Et nunc magnificabitur usque ad

terminos terræ.

(4) Joan. 4, 22 : Salus ex Judæis est.

(5) Isai. 2, 3: De Sion exibit lex, et verbum Domini de Jerusalem.

(6) Ps. 109, 2: Virgam virtutis tuæ emittet Dominus ex Sion.

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:

la terre un grand jour : Splendor ejus ut lux fuit (1). II
a dans ses mains des cornes puissantes; c'est là que
sa force est cachée. Au temps de la sortie d'Égypte,
le Seigneur s'est montré comme un conquérant armé
de force pour renverser et exterminer ses ennemis.
Mais en Jésus-Christ les expressions du prophète ort
bien une autre énergie. C'est par sa croix que ce Dieu
Sauveur a triomphé; du milieu de ses mains, percées
par les clous qui l'ont attaché à la croix, sortent des
rayons de gloire qui, semblables à des cornes pleines
de force, lui soumettent les nations, et font trembler
l'enfer Cornua in manibus ejus sunt (2). Mais cette
force est une force cachée. Les hommes charnels n'y
voient que faiblesse et ignominie; et toutefois rien
n'égale la gloire que Jésus-Christ s'est acquise par
cette ignominie apparente; rien n'égale la force ca-
chée sous cette apparente faiblesse : Ibi abscondita est
fortitudo ejus. Devant sa face marche la grêle, et les
charbons de feu sortent de devant ses pieds. C'est
précisément ce que remarque le psalmiste, lorsque,
parlant des prodiges que le Seigneur avait faits au mi-
lieu des Egyptiens, il dit que le Seigneur livra leurs
bêtes à la grêle, et leurs troupeaux aux charbons de
feu (3). Les armes de Jésus Christ ne sont, ni les char-
bons de feu, ni la grêle, mais ce sont ses paroles mė-
mes, semblables tout à la fois et à la grêle et aux
charbons de feu. Le Seigneur a tonné du haut du ciel,
dit le psalmiste; le Très-Haut a fait entendre sa voix :
les nuées se sont fondues en pluie, et il en est tombé
une grèle accompagnée de charbons de feu (4). Et sc-
lon la pensée des Pères, ces symboles nous représen-
tent les effets de la prédication de l'Evangile. Les
apôtres, semblables à des nuées remplies des eaux sa-
lutaires de la grâce, ont fait retentir dans toute la
terre le tonnerre de la prédication évangélique : leurs
paroles, semblables à une grêle qui détruit tout, dé-
truisaient l'impiété dans les cœurs en y répandant la
crainte du Seigueur; et en même temps, semblables à
des charbons de feu qui embrasent tout, elles allu-
maient dans les cœurs le feu divin de la charité. Ainsi
par eux Jésus-Christ portait de tous côtés cette grêle
salutaire, ce feu divin: Ante faciem ejus ivit grando ;
et egressus est ignis ante pedes ejus. Il s'est élevé, et la
terre a tremblé; il a regardé, et les nations ont été
renversées. Lorsque Dieu sortit à la tête de son peu-

(1) Vulg. et Hebr. lit. erit, c'est un hébraïsme.
(2) Le mot sunt est sous-entendu dans l'hébreu et
dans la Vulgate.

(3) Psalm. 77, 48: Tradidit grandini jumenta eorum et possessionem (Hébr. pecus) eorum igni. Le mot hébreu que saint Jérôme a traduit par diabolus, signifie simplement des charbons du feu. Il a encore la même signification dans le ps. 75, où, au lieu de potentias arcuum, on lit dans l'hébren scintillas arcus, les flanimèches ou les charbons enflammés que jette l'arc en lançant ses flèches.

(4) Ps. 17, 13, 14: Præ fulgore in conspectu ejus nubes transierunt, grando et carbones ignis. (Hébr. alit. • Præ fulgore ejus diffluxerunt nubes ejus exarserunt grando et carbones ignis.) Et intonuit de cœlo Dominus, et Altissimus dedit vocemi suam. Voyez ce que dit saint Augustin sur ce texte qu'il explique de la prédication évangélique.

ple et passa dans le désert, la terre fut ébranlée : il• porta ses regards sur les nations qui habitaient la terre de Chanaan, et il y jeta la consternation et l'effroi.

Lorsque Jésus-Christ sortit à la tête de son peuple, lorsque, élevé au-dessus des cieux, il se fut assis à la droite de Dicu son Père, pour conduire de là son peu ple, et pour se soumettre de là les nations par la parole de l'Évangile, il se fit dans toute la terre un ébranlement universel: ce monarque divin, ce guerrier invincible porta sur les nations ses regards puissants qui firent fondre tous les cœurs, les uns se soumet tant à lui, les autres ne lui opposant que d'inutiles efforts: Stetit, et contremuit terra; aspexit, et dissolutæ sunt gentes (1). Les montagnes éternelles ont été brisées; les collines éternelles se sont abaissées. Les plus grands obstacles ont cédé devant le Seigneur, lorsqu'il a voulu introduire son peuple dans la terre qu'il lui avait promise. Lorsque Jésus-Christ a établi son règne sur la terre, il a brisé et réduit en poudre l'empire romain idolâtre, qui se regardait comme un empire éternel, et qui renfermait en lui les anciens empires qui avaient été autrefois si puissants, et qu'il avait subjugués. Jésus-Christ les a tous brisés en brisant celui qui les avait réunis (2), et qui se promettait une éternelle durée: Contriti sunt montes æterni, et incurvati sunt colles æterni (3). Ses démarches sont secrètes et cachées. Dieu a marché au milieu de la mer; il s'est fait un chemin au milieu des grandes eaux; et l'on n'a pu reconnaitre les traces de ses pas (4). Les démarches de Jésus-Christ sont de même secrètes et cachées; il abandonne les Juifs, et il appelle les gentils, sans que personne puisse comprendre la raison d'une conduite si étonnante; ses jugements sont incompréhensibles et ses voies sont impénétrables (5). Incessus absconsionis ei sunt (6). Sous l'idole les tentes de Chusan ont été ébranlées, et le trouble s'est ré

(1) La Vulgate lit: Stetit, et mensus est terram : aspexit, et dissolvit (hébr.,et subsilire fecit) gentes. Les Septante lisaient dans le premier membre: et subsiliit, ou contremuit, et dans le second membre, et dissolutæ sunt.

(2) Dan. 2, 44: Comminuet autem et consumet universa regna hæc.

(5) La Vulgate à la lettre Montes seculi, colles mundi. L'hébreu à la lettre Montes ævi, colles seculi; mais ce sont deux expressions qui marquent toutes deux l'éternité.

(4) Psal. 76, 20: In mari via tua, et semitæ tuæ in aquis multis, el vestigia tua non cognoscentur.

(5) Rom. 11, 33: Quàm incomprehensibilia sunt judicia ejus, et investigabiles viæ ejus!

(6) La Vulgate porte: Ab itineribus æternitatis ejus. Mais 1° la préposition ab n'est ni dans l'hébreu, ni dans la version des Septante. 2° Le mot halicoth est celuilà même qui se trouve employé au ps. 67, 25, où la Vulgate porte: Viderunt ingressus tuos, Deus, ingressus Dei mei, Regis mei qui est in Sancto. Et il signifie proprement, incessus. 5° En supposant que le mot olam signifiât ici l'éternité, il faudrait traduire : Incessus æternitatis ei sunt; ou, ingressus æternos habet. Mais ce mot dérive de la racine alam qui signifie cacher; et il pourrait bien signifier ce qui est secret et caché: Incessus absconsionis ei sunt; ou, incessus absconditos habet. Ce sens, qui me semble être le plus naturel, convient également et au sens littéral du cantique et au sens spirituel.

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