fe. C'est elle qui nous fait ioindre nos pleurs à ceux de nos amis; qui nous fait prendre part à l'affliction des malheureux, qui deffent, contre un tuteur iniufte, un pupille qui a les yeux baignés de larmes, eftant d'ailleurs aufi beau qu'une fille. par C'eft l'inftinct de la nature, que nous pleurons, lors que nous rencontrons les Funerailles d'une ieune fille, ou que l'on enterre un enfant, qui meurt trop ieune, pour eftre porté fur le bûcher. En effet, y a-t-il un honnefte homme? Y a-t-il un homme de bien ? En un mot, y a-t-il un homme, qui merite d'avoir part aux Sacrifices fecrets de Cerés, qui ne confidere auffi tous les malheurs, qui arrivent aux autres, comme les fiens. C'eft cette tendreffe, c'eft cette compaffion qui nous diftingue des animaux. C'eft, pour avoir le cœur fenfible, que les Dieux nous ont donné la raifon, & que nous avons un esprit, qui s'éleve iusqu'à avoir commerce avec les Dieux, qui eft capable des Arts, & des Sciences, enfin qui a trouvé tant de chofes neceffaires, ou agreables, pendant que les autres animaux, qui n'ont pas eu le mefme avantage, rampent fur la terre. Le commun Auteur de toutes chofes leur a donné la vie; mais il n'a donné la raifon qu'aux hommes, afin qu'elle leur enfeignast afe demander les uns aux autres du fecours, & Ora puellares faciunt incerta capilli Natura imperio gemimus, oum funus adulia Arcana qualem Cereris vult effe facerdos, di Principio indulfit communis conditor illis Tantum animas, nobis animum quoque mu tuus ut nos Affectus petere auxilium, & præftare juberet, Ut collata daret fiducia protegere armis Expiravit aper maioris dentibus apri ? Indica Tigris agit rabida cum Tigride pacens Aft homini ferrum lethale incude nefanda Produxiffe parum eft, cum raftra & farcula tan tum Affueti coquere, & matris: ac vomere laffi Nefcierint primi gladios extendere fabri. Aspicimus populos; quorum non fufficit ira Occidiffe aliquem, fed pectora, brachia, vul tum Crediderint genus effe cibi. Quid diceret er go ; à fe le donner; à s'affembler dans les mefmes lieux à fe retirer des forefts, qui ont efté, leur premiere demeure ; à baftir des maisons; à les ioindre les unes aux autres, afin que la feureté, qu'ils fe donnoient, en s'approchant ainsi, leur donnast un fommeil plus tranquille; à proteger par la force leurs voifins, où les citoyens de la mefme ville; à fe ranger fous les mefmes drapeaux au mefme fon des trompetes; à fe deffendre dans les mefmes murailles; & à eftre enfermés fous la mefme porte. Mais aujourd'huy il y a plus de concorde & de paix parmi les ferpens. Un Tygre ne fait point la guerre contre un Tygre. Quand un lion puiffant a t. il ofté la vie à un lion plus foible? En quelle foreft un fanglier a-t-il efté devoré par un plus fort? Il y a une paix per petuelle entre les beftes les plus farouches: Les ours s'accordent bien enfemble. Il n'y a plus que les hommes, qui ne peuvent vivre les uns avec les autres fans peril. Il ne leur fuffit pas d'avoir forgé fur des enclumes criminelles des armes pernicieuses. Helas, ils ne travailloient autrefois qu'à leurs rafteaux, à leurs hoües, & à leurs charrues. Ces premiers forgerons ne fçavoient point ce que c'eftoit que d'étendre le fer, & d'en faire des lames d'épées. Mais aujourd'huy nous voyons tout un grand peuple dont la colere n'eft pas affouvie par la mort d'un ennemi, mais qui fe raf fafie cruellement de tout fon corps. Que ne diroit donc pas, ou plûtost: Où ne fuïroit pas Pythagore, s'il voyoic prefentement un fi épouvantable defordie, luy qui s'abstenoit autant de la chair de tous les animaux, que de celle des hommes, & qui ne fe permettoit pas mefmes indifferemment toute forte de legumes, Fin de la quinziéme Satyre. |