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de dire ce que j'en pense. Pourquoy-non?

Quand je vois qu'avec nos cheveux gris & noftre mine fevere, quand je vois qu'avec noftre gravité, dont nous nous parons au dehors, nous fommes encore auffi fols, que de jeunes gens, alors, alors je ne puis m'empefcher de .... Mais pardonnez-moy cet emportement. Non je ne diray rien. J'auray pourtant bien de la peine à me taire. Que fe ray je donc. Je ne puis retenir l'envie que j'ay de rire de nos manieres extravagantes,

Nous paffons le temps à preparer en Vers ou en Profe, quelque chofe de pompeux, & de grand, que la voix la plus forte a de la peine à bien foûtenir. Pour en faire la lecture en public, on le fait frizer: On prend une robe toute neuve: On n'oublie pas de mettre au doigt le diamant que l'on ne met que le jour de la Feste de fa Naiffance. On artofe fa gorge de frops, pour rendre la voix plus aifée & plus claire. Enfin, quand on recite, vous ne voyez qu'une affectation de geftes, & il n'y a pas jufques aux yeux, où l'on ne fonge à faire paroistre tout ce qu'il y a de plus libre: & de plus criminel dans l'ouvrage.

Croirez vous, jusques où va le defordre, & la corruption des mœurs? Les premiers des Romains applaudiffent aux Vers les plus libres. Ils fe laiffent toucher de tout ce qu'ils:

ont de plus tendre. Ils font penetrez du plaifir que l'image de la volupté excite dans leurs

cœur.

Les Tites ne font pas exempts de cette débauche d'imagination, leur fagefle n'est pas à l'épreuve de la corruption que cette molle Poëfie répand dans toute la ville.

Eft-ce ainfi, vous qui devriez eftre fage, que vous ne fongez qu'à plaire à des Lecteurs fi corrompus, que leurs loüanges mesmes vous font de la peine, & que vous eftes contraint de leur dire qu'ils vous en donnent trop, bien que d'ailleurs vous n'ayez aucune moderation?

Vous me direz peut-eftre qu'il ne fervirok de rien d'avoir appris, fi l'on ne faifoit paroiftre fon fçavoir, que c'eft un levain qui échauffe la pafte, & qui l'étend; que c'est un arbre, qui pouffe des branches.

En verité ce que vous dites, eft-il digne d'un homme qui a pâli fur les livres, qui a vieilly en étudiant? O l'étrange defordre de nos mœurs! Quoy ne pouvez-vous eftre veri tablement fçavant, fans devenir Auteur?

Mais n'est-ce pas un grand plaifit, ditesvous, d'eftre montré au doigt, & d'entendre dire autour de foy; le Voilà. C'eft luy, c'eft ce grand homme: N'eft-ce rien de voir fon Livre entouré de Lecteurs, d'apprendre qu'il a de la vogue dans le monde, & que tout ce

Heic, neque more probo videas, neque voce fe

rena

Ingentes trepidare Titos, cum carmina lum

bum

Intrant, & tremulo scalpuntur ubi intima verò Su.

Tun' vetale auriculis alienis colligis efcas? Auriculis, quibus & dicas cute perditus..ohe!

Quo didiciffe, nifi hoc fermentum, & qua femel

intus

Innata eft, rupto jecore exierit caprificus?

En pallor, feniumque. O mores! ufq; adeone

Scire tuum nihil eft, nifi te fcire hoc fciat alter?

At pulchrum eft digito monftrari, & dicier, hic

eft?

Tun'cirratoram centum dictata fuiffe

Pro nihilo pendes? Ecce inter pocula quarune
Romulida faturi, quid dia poemata narrent,

Heic aliquis, cui circum humeros hyacinthina.

lana eft,

Rancidulum quiddambalba de nare locutus,

Phyllidas, Hypfipyllas, vatum & plorabile fi

quid

Eliquat, & tenero fupplantat verba palato.

Affenfere viri. nunc non cinis ille

poeta

Felix non levior cippus nunc imprimit offa?

Landant conviva nunc non è manibus illis, Nunc non è tumulò, fortunataque favilla: Nafcentur viola? Rides (ait) & nimis uncie Naribus indulges. an erit qui vellé recufe:

Os populi meruiffe:& cedro digna locutus,

Linquere nec fcombros metuentia carmina, nec

thus ??

qu'il a de galante Jeuneffe prend la peine de fe le faire dicter ?

Ony, cela eft beau. Sur la fin d'un grand repas, lorfque la bonne chere échauffe l'efprit, on fe met à parler de ce qu'il y a de nouveautez. Un qui fe croit plus fçavant que tous les autres, parce qu'il a une plus belle robe, se met à reciter je ne fçay quels vieux Vers, qu'il croit fort nouveaux ; il les begaye, il les nonce du bout des levres, pour leur donner plus de grace. Les Phyllis, les Hypfipyles, les autres fujets des anciennes Poëfies ne font pas oubliez. Il debite tout cela affectant un ton de voix tendre & languiffant. On l'écoute, on applaudit.

pro

Eh bien le Poëte, dont on recite ainfi l'Ouvrage, eft - il pas heureux? Ses cendres devroient s'en réjouir, la terre doit les épargner. Quoy? Eftre loüé dans un festin par tout ce qu'il y a de Gens confiderables? Ah fans doute que les violetes doivent naistre sur fon tombeau, fon ombre doit eftre couronné de fleurs.

Vous riez, me dites-vous. Vous vous donnez un peu trop de liberté. Mais parlez fe rieufement. Répondez moy? Y a-t-il quelqu'un qui foit fâché tout de bon de merizer les applaudiffemens du public, & qui ayant fait un Ouvrage, qui merite d'eftre écrit fur Tome II. N

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