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est en même temps le principe de vertu, comme le principe d'erreur est le principe de désordre; et cette considération nous semble bien propre à faire sentir l'importance de la doctrine que nous avons soutenue. Quand l'homme commet le mal, quand il se livre, par exemple, à un mouvement de vengeance, à un desir sensuel, etc., que se passe-t-il en lui? Il s'imagine qu'il sera heureux en satisfaisant sa passion; ou, en d'autres termes, il croit que l'objet de sa passion est un bien réel. Il se trompe en cela, et aussi en juge-t-il par sa raison particulière; car partout la raison générale met le meurtre, l'adultère, etc., au nombre des crimes, c'est-à-dire, au nombre des maux. Partout elle menace du remords la conscience criminelle, et ne la menace jamais en vain. Ainsi le crime est une erreur de même nature que l'hérésie; et toute erreur de conduite, comme de doctrine, a pour cause la préférence que l'homme accorde à son autorité personnelle sur l'autorité générale.

Nous pourrions faire observer encore comment le principe que nous avons établi unit les hommes et maintient l'ordre dans la société, et comment le principe opposé les divise et ren

verse tout ordre social. Mais nous abandonnons au lecteur ces réflexions, qui nous arrêteroient trop long-temps. Il suffit d'avoir montré que la doctrine exposée dans l'Essai fournit une base solide à nos croyances, une règle sûre à nos jugemens; et des argumens rigoureux contre tous les genres d'incrédules; de sorte que par elle on est conduit à la vérité catholique, et qu'en la rejetant on ne peut éviter le scepticisme absolu.

La précipitation avec laquelle on s'est cru obligé de nous attaquer, n'ayant pas permis de prendre le temps nécessaire pour nous comprendre, il n'est pas surprenant qu'on n'ait rien dit qui s'applique à la question. Nous allons donc expliquer ce qu'il faudroit faire pour nous répondre, afin que la discussion, si elle continue, ait du moins un objet réel, et puisse éclairer les esprits restés en suspens.

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CHAPITRE XIII.

Ce qu'il faudroit faire pour réfuter la doctrine exposée dans l'Essai sur l'Indifférence en matière de Religion.

Quand on veut réfuter un auteur, deux choses sont nécessaires : la première, de savoir ce qu'il dit; et la seconde, de savoir ce qu'on dit soimême. Pour faciliter aux critiques l'observation de cette double règle, nous réduirons notre doctrine à quatre propositions très précises.

I. La philosophie qui place dans l'homme individuel le principe de certitude ne peut parvenir à trouver une première vérité certaine, d'où elle déduise toutes les autres, y compris l'existence de Dieu.

II. Cette philosophie ne donne point à l'homme individuel une règle infaillible de ses jugemens.

III. Pour éviter le scepticisme où conduit

la philosophie de l'homme isolé, au lieu de chercher en soi la certitude rationnelle d'une première vérité, il faut partir d'un fait, qui est cette foi insurmontable inhérente à notre nature, et admettre comme vrai ce que tous les hommes croient invinciblement.

IV. L'autorité, ou la raison générale, le consentement commun, est la règle des jugemens de l'homme individuel.

Cette dernière proposition est une conséquence nécessaire de la précédente; car, convenir d'admettre comme vrai ce que tous les hommes croient être vrai, c'est dire que l'uniformité, ou l'accord des perceptions, est pour nous la marque de la vérité, et par conséquent la règle de nos jugemens.

Cela posé, il n'existe qu'un moyen de nous réfuter; c'est de faire ce que, de leur aveu, tous les philosophes n'ont pu faire jusqu'à ce jour, c'est-à-dire, démontrer pleinement une première vérité, sans supposer l'existence de Dieu, et donner à l'homme individuel une règle infaillible de ses jugemens, sans recourir à l'autorité des autres hommes.

Jusqu'à ce qu'on ait trouvé cette démonstration et cette règle, nos deux premières

propositions demeurent intactes; et si, ces propositions subsistant, on nie les deux dernières, on se déclare sceptique, puisqu'on n'a plus ni principe de certitude ni règle de jugement.

Au reste, nier ce qu'un autre affirme, ce n'est pas le réfuter, et nous ne craignons point d'assurer que jamais on ne réfutera nos deux propositions fondamentales; et voici pourquoi. Dépendantes l'une de l'autre, elles se réduisent, comme on vient de le voir, à supposer que ce que la raison de tous les hommes ou la raison humaine croit être vrai est vrai. Or, comment prouveroit-on que ce que la raison humaine croit vrai n'est pas vrai? De quelle raison se serviroit-on pour combattre la raison humaine ? Où prendroit - on hors d'elle l'idée même de la vérité? Pour soulever ce poids, il ne manqueroit que deux choses, un levier et un point d'appui.

On conviendra, nous l'espérons, que rien ne nous oblige à suivre nos adversaires dans le vaste champ où leur zèle les emporte. Ils prouvent admirablement que c'est un grand malheur et une grande folie d'être sceptique, et que, lorsqu'on doute de tout, on ne croit à

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