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contre les innovations des individus. En ce qui touche aux grands intérêts de l'ordre intellectuel et moral, la nouveauté est suspecte aux hommes ; ils ne croient pas au pouvoir de créer des vérités*, et cela même est peut-être de toutes les vérités la plus importante; car jamais

* Créer des vérités, ce seroit créer des êtres; car la vérité, dit Bossuet, c'est ce qui est; et les vérités nécessaires, les vérités qui sont le fondement de la société de Dieu et de l'homme, et des hommes entre eux, ont été toujours connues ; ce qui n'empêche pas qu'on ne puisse, à certaines époques, en mieux apercevoir le principe, la liaison, les conséquences; et c'est en cela que consiste le progrès de la raison humaine, qui se développe de la même manière que la raison de l'individu. Bossuet, que nous venons de citer, ne connoissoit pas plus de vérités que l'enfant à qui l'on a enseigné le cathéchisme; mais il les connoissoit mieux. Dans les sciences mêmes, que fait-on? On constate ce qui est, on observe des faits, et on en cherche la liaison, soit avec d'autres faits, soit avec des principes universellement connus : voilà tout. Pour peu qu'on y réfléchisse, on reconnoîtra même que les sciences physiques n'ont point de principes proprement dits; elles se composent uniquement de faits. La raison en est que l'idée de principe renferme nécessairement celle de cause, et qu'il n'y a de véritable cause que dans l'ordre spirituel.

on ne s'égare que parce qu'on la méconnoît. L'homme ne crée rien; il reçoit, conserve, transmet; sa puissance ne va pas plus loin. Sitôt donc que quelqu'un se présente seul avec ses idées, une juste prévention s'établit d'abord contre lui; on le rappelle à l'antiquité, à l'universalité, comme à la règle immuable du vrai dans toutes les croyances nécessaires; et si sa doctrine, soumise à cette épreuve, ne la soutient pas, elle est avec raison condamnée sans

retour.

Il est assez singulier peut-être qu'ayant voulu prouver l'excellence et la nécessité de cette règle on nous l'ait opposée pour défendre une philosophie qui repose sur des principes essentiellement différens, de sorte qu'on a vu les partisans du jugement privé nous combattre par l'autorité dont nous essayons de soutenir les droits, et présupposer par conséquent la vérité de la doctrine même qu'ils attaquoient; tant cette doctrine est profondément enracinée dans notre

nature.

Quelque étrange que paroisse la contradic tion que j'indique, il est facile de l'expliquer. Les adversaires de l'Essai, sans trop consi dérer à quel point cela s'accorde avec leur

système, conviennent au moins implicitement qu'on ne peut sans témérité et même sans folie s'écarter des sentimens anciens généralement reçus; puis, oubliant que la philosophie de l'école n'est ni ancienne ni adoptée généralement, ils réclament en sa faveur la prescription du temps et le consentement commun; ce qui les conduit à un raisonnement tout-àfait extraordinaire. Il s'agit de savoir quel est le criterium de la vérité : selon nous, c'est l'autorité; d'après leur philosophie, c'est l'évidence individuelle. Qui a tort d'eux ou de nous ; et que répondent-ils aux preuves que nous donnons de notre sentiment ? « Quelque évidentes, « disent-ils, que soient ces preuves à vos yeux, << vous vous trompez cependant, car l'autorité « de tous les philosophes est contre vous ». Nous n'examinons pas le fait en ce moment; mais, qu'il soit exact ou non, nous devons certes des remercîmens à ceux qui nous l'opposent. Nous croyons les voir lever le bras pour nous frapper; et point du tout, ils nous tendent la main.

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Il n'y a pas lieu de s'en étonner; car, sur quelque point que ce soit, la discussion ramène toujours à l'autorité, comme au dernier

principe de décision, Malgré soi, il en faut venir là, ou renoncer au raisonnement. Le raisonnement, c'est le plaidoyer; mais que sert-il de plaider, s'il n'existe un juge?

Au reste toutes les personnes qui ont cherché à répandre de nouvelles lumières sur le sujet que nous avons traité ont droit à notre reconnoissance. Quelques objections nous ont été proposées publiquement, on nous en a communiqué d'autres par écrit et de vive voix. Il nous sera, du moins nous le pensons, d'autant plus aisé d'y répondre, que presque toujours il suffira de substituer nos véritables sentimens aux opinions qu'on nous a prêtées; qu'il y ait un peu de notre faute, si quelques lecteurs ne nous ont pas mieux compris, nous sommes très disposés à en convenir en voulant trop abréger, on néglige quelquefois des développemens nécessaires. Nous croyons cependant que les aveux pourroient être réciproques; car, lorsque nous disons formellement le contraire de ce qu'on nous fait dire, l'inadvertance ou l'oubli ne sauroit, à ce qu'il semble, être de notre côté.

On l'a déjà reconnu en partie. Plusieurs

reproches qu'on nous adressoit sont désavoués généralement. La réflexion a calmé d'étranges inquiétudes que nous n'avions pu prévoir ni prévenir. Certainement il y a eu beaucoup de jugemens peu exacts portés sur le second volume de l'Essai, puisqu'ils ont été si divers. Un grand nombre d'évidences individuelles se sont, à l'occasion de cet ouvrage, trouvées en défaut cela ne prouve pas trop en faveur de la philosophie que l'auteur combat; et, quoi qu'il en soit de sa doctrine au fond, les controverses qu'elle a fait naître suffiroient seules pour montrer la nécessité indispensable d'un tribunal plus élevé que la raison particulière de chaque homme.

Pour ne pas interrompre la discussion où nous allons entrer, nous répondrons ici à une question qu'on a faite. A quoi bon chercher, a-t-on dit, de nouvelles preuves de la religion? Pourquoi ne pas se contenter des anciennes ? Pourquoi ? Parce qu'on a fait des objections nouvelles, parce que l'état des esprits n'est plus le même, parce que l'erreur dans ses progrès, étant parvenue au fond de l'abîme, il a fallu porter jusque-là le flambeau de la vérité. Comment s'arrêter quand

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