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doctrine religieuse et morale de ces nations qu'on appelle barbares? Heureux, trop heureux, si nous avions su la conserver comme elles !

Après cette époque de paix, la philosophie d'Aristote, adoptée par les Arabes, nous est rapportée d'Orient. Aussitôt les divisions renaissent. Il se forme des écoles au sein de l'Église une on dispute, on ne s'entend plus, la raison en travail enfante des monstres, de 'nouvelles hérésies s'élèvent, et enfin la dernière de toutes, le protestantisme, père de l'incrédulité moderne.

Malgré les absurdités innombrables de la philosophie péripatéticienne, on y tenoit par habitude; le temps l'avoit accréditée, et il ne falloit rien moins que toute la puissance du génie pour triompher d'elle. Défendue avec chaleur par l'école où elle régnoit, ce ne fut qu'après un long combat que Descartes et ses disciples parvinrent à la renverser et à bâtir un édifice nouveau sur les débris de cet informe colosse.

Mais Descartes lui-même, comme on le sentit d'abord, et comme je le montrerai plus loin, ne put donner à sa philosophie une base

solide. Ce grand homme partit du même principe que les philosophes grecs, et arriva malgré lui au même résultat, le doute. L'insuffisance, disons-le franchement, la fausseté de sa doctrine, força, même de son temps, l'esprit humain à chercher un autre appui; et cette recherche, toujours malheureuse, parce qu'on ne remontoit jamais à la première cause de l'erreur, produisit une multitude de systèmes philosophiques, qui se réduisent à trois principaux.

L'homme a trois moyens de connoître, les sens, le sentiment, et le raisonnement. A ces trois moyens correspondent autant de systèmes. de philosophie. Les uns ont placé dans les sens le principe de certitude; c'est le système de Locke, Condillac, Helvétius, Cabanis; système matérialiste, et dès lors essentiellement sceptique. Aussi ses partisans, qui ne reconnoissent que des êtres matériels, ont-ils fini par soutenir qu'on peut douter de l'existence de la matière elle-même.

D'autres philosophes ont cherché dans nos impressions internes la base de la certitude. Mais, nos sentimens n'ayant de rapport nécessaire qu'à nous, ces philosophes ont été d'a

bord conduits à douter de la réalité des objets extérieurs, et bientôt après de la vérité de leurs sentimens mêmes. C'est l'idéalisme, enseigné par Kant, et modifié par ses disciples. Sous quelque forme qu'on le présente, ce système n'est, comme le précédent, que le scepticisme pur.

Le troisième système est le dogmatisme, ou le système de ceux qui fondent la certitude sur le raisonnement. Inventé par Descartes, et adopté par l'école, il fut attaqué à sa naissance par d'excellens esprits, et nous allons en effet montrer qu'au fond il n'est pas moins dangereux, moins sceptique, que les deux autres.

CHAPITRE III.

Descartes.

« On avoit philosophé trois mille ans durant « sur divers principes, et il s'élève dans un « coin de la terre un homme qui change toute « la face de la philosophie, et qui prétend << faire voir que tous ceux qui sont venus avant «< lui n'ont rien entendu dans les principes de << la nature. Et ce ne sont pas seulement de << vainės promesses, car il faut avouer que ce << nouveau venu donne plus de lumières sur la << connoissance des choses naturelles, que tous << les autres ensemble n'en avoient donné. Ce<< pendant, quelque bonheur qu'il ait eu à faire << voir le peu de solidité des principes de la << philosophie commune, il laisse encore dans «<les siens beaucoup d'obscurités impénétra«bles à l'esprit humain. Ce qu'il nous dit,

<< par exemple, de l'espace et de la nature de «< la matière, est sujet à d'étranges difficultés ; << et j'ai bien peur qu'il n'y ait plus de passion << que de lumières dans ceux qui paroissent n'en <«< être pas effrayés. Quel plus grand exemple << peut-on avoir de la foiblesse de l'esprit <<< humain »?

I

Celui qui parle ainsi étoit cartésien, et l'on voit combien il s'en faut qu'il fût satisfait de la doctrine de son maître. Mais les bons esprits, désabusés de la philosophie d'Aristote, adoptèrent naturellement celle de l'honime qui lui avoit porté le coup mortel, et se soumirent, quoiqu'en murmurant, à l'autorité du vain

queur.

Avant d'examiner ses principes et sa méthode, il est à propos d'observer qu'un système de philosophie n'est que la recherche des moyens par lesquels nous parvenons à la connoissance certaine de la vérité; car s'il n'existoit point de vérités certaines, ou si l'on ne savoit pas à quels caractères on les reconnoît, il n'y auroit plus de philosophie, il n'y

'Nicole, Traité de la foiblesse de l'homme, n. xxXIV.

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