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CHAPITRE VII.

Pascal.

Se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher 1. Ce mot de Fascal nous apprend assez ce qu'il pensoit de cette science, si vaine dans ses principes, si variable dans ses systèmes, si désastreuse par ses effets. Nul homme ne montra jamais une plus amère pitié pour la raison humaine destituée de l'appui que la foi lui prête. Avec quel dédain il se joue de sa ridicule présomption! comme il la fait rougir d'elle-même comme il lui impose silence, si elle a la hardiesse de prononcer un mot avant d'avoir dit je crois ! Ce n'est donc pas pour le combattre que nous parlons ici de Pascal; mais au contraire pour faire voir la parfaite conformité de sa doctrine avec la nôtre, sur

▪ Pensées de Pascal, tom. I, art. x, pag. 274. Paris, 1812.

les points où celle-ci a été attaquée. On sent bien qu'il nous faut, pour cela, citer d'assez longs passages de ce grand écrivain; mais sûrement personne ne se plaindra de l'étendue de ces citations. Il divise en deux classes tous les philosophes, ceux qui affirment, et ceux qui doutent. Voyons ce qu'il dit des uns et des autres.

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« Rien n'est plus étrange dans la nature de « l'homme que les contrariétés qu'on y dé«couvre à l'égard de toutes choses. Il est fait « pour connoître la vérité; il la desire ardem<«<ment, il la cherche; et cependant, quand «<il tâche de la saisir, il s'éblouit et se con<< fond de telle sorte, qu'il donne sujet de « lui en disputer la possession. C'est ce qui a « fait naître les deux sectes de pyrrhoniens et << de dogmatistes, dont les uns ont voulu ravir « à l'homme toute connoissance de la vérité <<<< et les autres tâchent de la lui assurer; mais << chacun avec des raisons si peu vraisembla<«<bles, qu'elles augmentent la confusion et « l'embarras de l'homme, lorsqu'il n'a point « d'autre lumière que celle qu'il trouve dans « sa nature.

« Les principales raisons des pyrrhoniens

« sont que nous n'avons aucune certitude de « la vérité des principes, hors la foi et la ré« vélation, sinon en ce que nous les sentons << naturellement en nous. Or, ce sentiment << naturel n'est pas une preuve convaincante « de leur vérité, puisque, n'y ayant point << de certitude, hors la foi, si l'homme est créé <«<< par un Dieu bon ou par un démon mé<«< chant, s'il a été de tout temps ou s'il s'est <«< fait par hasard, il est en doute si ces prin<«< cipes nous sont donnés, ou véritables, ou « faux, ou incertains, selon notre origine; << de plus, que personne n'a d'assurance, hors « la foi, s'il veille ou s'il dort, vu que, du<< rant le sommeil, on ne croit pas moins fer<< mement veiller qu'en veillant effectivement. << On croit voir les espaces, les figures, les << mouvemens, on sent couler le temps, on « le mesure, et enfin on agit de même qu'é« veillé. De sorte que, la moitié de la vie se « passant en sommeil, de notre propre aveu, « où, quoi qu'il nous en paroisse, nous n'a<<<vons aucune idée du vrai, tous nos senti<< mens étant alors des illusions, qui sait si « cette moitié de la vie où nous pensons veila ler n'est pas un sommeil un peu différent

<< du premier, dont nous nous éveillons quand << nous pensons dormir, comme on rêve sou« vent qu'on rêve en entastant songes sur << songes?

» Je laisse les discours que font les pyr<< rhoniens contre les impressions de la cou<< tume, de l'éducation, des mœurs, des pays, <<< et les autres choses semblables, qui en<<< traînent la plus grande partie des hommes « qui ne dogmatisent que sur ces vains fon<< demens.

« L'unique fort des dogmatistes, c'est qu'en « parlant de bonne foi et sincèrement on ne « peut douter des principes naturels. Nous <«< connoissons, disent-ils, la vérité, non seu<«<lement par raisonnement, mais aussi par << sentiment, et par une intelligence vive et <<< lumineuse; et c'est de cette dernière sorle <«< que nous connoissons les premiers princi«pes. C'est en vain que le raisonnement, qui << n'y a point de part, essaie de les combatu tre; les pyrrhoniens, qui n'ont que cela « pour objet, y travaillent inutilement. Nous << savons que nous ne rêvons point, quelque << impuissance où nous soyons de le prouver par raison. Cette impuissance ne conclut

<< autre chose que la foiblesse de notre rai<< son, mais non pas l'incertitude de toutes <<< nos connoissances, comme ils le préten<< dent; car la connoissance des premiers prin<«< cipes, comme, par exemple, qu'il y a es« pace, temps, mouvement, nombre, matière, <<< est aussi ferme qu'aucune de celles que nos << raisonnemens nous donnent. Et c'est sur <«< ces connoissances d'intelligence et de sen<«<timent qu'il faut que la raison s'appuie, et << qu'elle fonde tout son discours. Je sens « qu'il y a trois dimensions dans l'espace, et << que les nombres sont infinis; et la raison « démontre ensuite qu'il n'y a point deux nom«<bres carrés dont l'un soit double de l'autre. « Les principes se sentent; les propositions << se concluent; le tout avec certitude, quoi<<< que par différentes voies. Et il est aussi ri<< dicule que la raison demande, au sentiment << et à l'intelligence, des preuves de ces pre<< miers principes pour y consentir, qu'il se<< roit ridicule que l'intelligence demandât à « la raison un sentiment de toutes les pro«< positions qu'elle démontre, Cette impuis<< sance ne peut donc servir qu'à humilier la <«<< raison qui voudroit juger de tout, mais non

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