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<< pas à combattre notre certitude, comme << s'il n'y avoit que la raison capable de <«< nous instruire. Plût à Dieu que nous n'en <«<eussions au contraire jamais besoin, et que <<< nous connussions toutes choses par instinct <<< et par sentiment! Mais la nature nous a re<«<< fusé ce bien, et elle ne nous a donné que << très peu de connoissances de cette sorte; << toutes les autres ne peuvent être acquises « que par le raisonnement. »

Après avoir ainsi résumé les argumens des sceptiques et des dogmatistes, Pascal conti

nue en ces termes :

<< Voilà donc la guerre ouverte entre les « hommes. Il faut que chacun prenne parti, <«<et se range nécessairement, ou au dogma« tisme, ou au pyrrhonisme; car qui pense<< roit demeurer neutre seroit pyrrhonien par << excellence : cette neutralité est l'essence du << pyrrhonisme; qui n'est pas contre eux est <<< excellemment pour eux. Que fera donc <<< l'homme en cet état? Doutera-t-il de tout? << Doutera-t-il s'il veille, si on le pince, si « on le brûle? Doutera-t-il s'il doute? Dou<< tera-t-il s'il est? On ne sauroit en venir là; « et je mets en fait qu'il n'y a jamais eu de

« pyrrhonien effectif et parfait. La nature sou<«< tient la raison impuissante, et l'empêche << d'extravaguer jusqu'à ce point. Dira-t-il, << au contraire, qu'il possède certainement la «< vérité, lui qui, si peu qu'on le pousse, ne << peut en montrer aucun titre, et est forcé de << lâcher prise ?

« Qui démêlera cet embrouillement : La « nature confond les pyrrhoniens, et la rai<< son confond les dogmatistes. Que devien<< drez-vous donc, ô homme qui cherchez <<< votre véritable condition par votre raison <<< naturelle? Vous ne pouvez fuir une de ces « sectes, ni subsister dans aucune...........*

« Voilà ce que peut l'homme par lui-même « et par ses propres efforts à l'égard du vrai <«<< et du bien. Nous avons une impuissance à « prouver, invincible à tout le dogmatisme; <<< nous avons une idée de la vérité, invinci<«<ble à tout le pyrrhonisme. Nous souhaitons « la vérité, et ne trouvons en nous qu'incer«titude. Nous cherchons le bonheur, et ne <<< trouvons que misère. Nous sommes inca«pables de ne pas souhaiter la vérité et le

Pensées de Pascal, tom. II, art. 1, pag. 1 – 5.

«< bonheur, et nous sommes incapables et de <<< certitude et de bonheur. Ce desir nous est « laissé, tant pour nous punir que pour nous « faire sentir d'où nous sommes tombés >>

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Impuissance à prouver, impuissance de douter, voilà donc, selon Pascal, l'état de l'homme qui cherche la vérité par sa seule raison. Il remarque que Montaigne, dans ses Essais, « détruit insensiblement tout ce qui << passe pour le plus certain parmi les hom<< mes, non pas pour établir le contraire, avec << une certitude de laquelle seule il est enne<< mi; mais pour vous faire voir seulement que, << les apparences étant égales de part et d'au<«<< tre, on ne sait où asseoir sa croyance... >> « C'est, continue-t-il, dans cette assiette, << toute flottante et toute chancelante qu'elle <«<< est, qu'il combat avec une fermeté invin<«< cible les hérétiques de son temps, sur ce « qu'ils assuroient connoître seuls le véri<< table sens de l'Écriture; et c'est de là en<«< core qu'il foudroie l'impiété horrible de «< ceux qui osent dire que Dieu n'est point.

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Pensées de Pascal, tom. II, art. 1, pag.

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<«<< I les entreprend particulièrement dans « l'apologie de Raimond de Sébonde; et, les << trouvant dépouillés volontairement de toute « révélation et abandonnés à leur lumière << naturelle, toute foi mise à part*, il les in« terroge de quelle autorité ils entreprennent « de juger de cet Être souverain, qui est infini « par sa propre définition, eux qui ne con<<< noissent véritablement aucune des moindres << choses de la nature! Il leur demande sur << quels principes ils s'appuient, et il les presse « de les lui montrer. Il examine tous ceux << qu'ils peuvent produire; et il pénètre si << avant, par le talent où il excelle, qu'il mon<«<tre la vanité de tous ceux qui passent pour << les plus éclairés et les plus fermes. Il demande << si l'ame connoît quelque chose; si elle se << connoît elle-même; si elle est substance ou <«< accident, et s'il n'y a rien qui ne soit de « l'un de ces ordres; si elle connoît son propre « corps; si elle sait ce que c'est que matière; << comment elle peut raisonner; si elle est ma

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* C'est précisément l'état où se placent tous les philosophes.

<< tière; et comment elle peut être unie à un <«< corps particulier, et en ressentir les passions, << si elle est spirituelle. Quand a-t-elle com«< mencé d'être? Avec ou devant le corps? << Finit-elle avec lui, ou non? Ne se trompe<< t-elle jamais? Sait-elle quand elle erre? vu que << l'essence de la méprise consiste à la mécon<<noître. Il demande encore si les animaux << raisonnent, pensent, parlent; qui peut décider «< ce que c'est que le temps, l'espace, l'étendue, « le mouvement, l'unité, toutes choses qui <<< nous environnent, et entièrement inexpli<«< cables; ce que c'est que santé, maladie, « mort, vie, bien, mal, justice, péché, dont << nous parlons à toute heure; si nous avons << en nous des principes du vrai, et si ceux que <«< nous croyons, et qu'on appelle axiomes, «ou notions communes à tous les hommes, << sont conformes à la vérité essentielle. Puis<< que nous ne savons que par la seule foi qu'un « Être tout bon nous les a donnés véritables, <«<< en nous créant pour connoître la vérité, << qui saura, sans cette lumière de la foi, si, « étant formés à l'aventure, nos notions ne <<< sont pas incertaines, ou si, étant formés « par un être faux et méchant, il ne nous les

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