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cheuses de ce talent, en ont, sans doute dégoûté nos auteurs. Lucilius, quoique dans une République, eût peut-être besoin de Scipion; sans la protection d'Auguste, Horace eût été moins ingénieux, la pointe de ses traits eût été émoussée. Quel eût été le sort de Despréaux, sans l'approba tion de Louis XIV? On risque bien moins à rimer tranquillement des idées vagues, que l'on communique à un ami, ou quelques chimères philoso phiques et morales qu'on adresse au public, qui en fait le cas qu'il lui plaît. Voilà pourquoi les Epîtres et les Discours en vers, sont aussi admirés dans leur naissance qu'ils sont promptement oubliés. Ce sont des fleurs d'un printemps; celles d'un autre en effacent le souvenir. On conçoit bien que je ne confonds pas avec ces beautés éphémères le mérite inaltérable des Epîtres du grand Rousseau, ni-les Discours (*) de M. de Voltaire. Sans doute il en est d'autres qui méritent la même exception. Je laisse au public le plaisir de les nommer.

On connoît le mérite des Satires du Prince Cantemir, par la traduction que M. l'Abbé de Guasco en a publiée en 1750; les beautés réelles, le grand art de peindre, qui attachent le lecteur dans celle du célèbre Rabener, le Despréaux de

(*) Discours en vers sur l'homme, publiés en 1740.

l'Allemagne, nous ont été communiqués par la traduction de MM. Dujardin et Sellius, en 1754. Aussi fécond que Lucilius, aussi délicat qu'Horace, peignant aussi fortement que Perse, et non-moins soutenu que Juvénal, mais moins emporté et plus gracieux dans ses tableaux, M. Rabener a mérité les éloges de toute l'Europe savante. Nos Journaux en sont remplis; il m'eût été facile de joindre ma foible voix à leurs applaudissements. Mais mon dessein me restreint aux Satiriques Latins et François. Le lecteur qui voudra connoître la Satire contre les visites du jour de l'an (1), de M. l'Abbé Dinouard; celle de M. Daquin, sur la Corruption 'du goût et du stile (1); celle de M. Robé, sur la même matière; la Satire sur les Hommes, par M. Rochon de Chabannes; et les Satires nouvelles de M. de Saint-Julien, je le renvoie aux extraits qu'en ont faits nos Juges Littéraires, lorsque ces ouvrages ont paru. Peut-être trouvera-t-on dans ces ouvrages un ton plus convenable au Discours ou à l'Epître, qu'à la Satire, un sel moins piquant, un stile plus suivi, plus élevé et moins libre que ne paroît l'exiger le genre satirique, des portraits affoiblis, parce que les couleurs vives que les traits anecdotes fournissent ne s'y trouvent pas; ne sais quel défaut d'intérêt que l'esprit, même

(1) Publiée en 1754. (2) Publiée en 1759.

prodigué,

prodigué, et la versification la plus brillante ne sauroient remplacer. Mais il faut s'en prendre à nos mœurs trop retenues, trop sages pour permettre à un écrivain d'imiter ses modèles; je veux dire pour réussir dans la Satire, qui perd son ca*ractère dès qu'on lui ôte la liberté de se livrer au feu du génie, et à la malignité du caprice qui doit l'inspirer. On veut être délicat, léger, et on est sans force :

Deficiunt animique.

Sectantem lenia, nervi

Le dirai-je, je ne crois pas que dans nos mœurs un Auteur Satirique puisse avoir quelque succès.

Avant que de passer à ma Traduction en Vers François des Satires de Perse, faisons connoître ceux qui m'ont précédé.

Le premier Traducteur des Satires de Perse, qui soit venu à ma connoissance, est ABEL FOULON, natif de Loué, au Maine, mort de poison à Orléans, en 1563 (*). Mais cette traduction que je ne connois que par ce qu'en a dit l'auteur de l'Histoire des Evêques du Mans, donna à Abel Foulon beaucoup moins de célébrité que ses connoissances dans la mécanique, et l'invention de la Fabrique des Testons au moulin.

En 1567 parut une seconde Traduction de Perse en vers François par forme de paraphrase, publiée

(*) Voy. Le Corvaisier, Hist, des Evêques du Mans, p, 536.

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par GUILLAUME DURAND, conseiller du Roi Senlis. L'auteur avoit d'abord fréquenté le barreau en qualité d'Avocat, et s'étoit apparemment distingué dans la profession, puisqu'il fut gratuitement honoré de l'office de Conseiller. C'étoit encore alors l'usage de récompenser le mérite dur citoyen par ces marques d'honneur. Avant que de juger les parties, on les avoit défendues. Durand a dédié sa traduction de Perse en vers françois. à Pierre Chevallier, Evêque de Senlis, par une Epître datée de 1567. On y apprend qu'il étoit alors âgé d'environ cinquante ans, et qu'il avoit vingt-un ans de magistrature. Il mourut en 1585, et la seconde édition de son livre, qui est celle dont je me sers, parut en 1586, in-8°, chez Denys Dupré, à Paris. Il joignit à sa traduction le texte de Perse, et un petit Commentaire latin, qui n'est pas sans mérite. L'Auteur peut passer pour un assez bon Commentateur; mais sa traduction n'est pas supportable: on en jugera par ces vers, qui sont la traduction du Prologue:

Je n'ai jamais plongé ès eaux saillantes
Du chevalin, mes lèvres ignorantes;
Ne me souviens d'avoir songes conçu

Au doux séjour du Parnasse foürchu.
A ceux, desquels les pourtraits sont pompants,
Environnés de lierres rampants,

Je laisse aller les neuf Héliconides

A Pirené, qui rend les gens pallides.

Quand est de moi, qui suis un peu lourdaut,
Bien peu versé, et à demi ruraut.

Tel est le langage et le stile de Durand,

NICOLAS LE SUEUR l'un des premiers membres de l'Académie de Soissons, avant qu'elle eût des lettres-patentes, donna un Perse en vers françois, en 16, n'étant encore qu'au College, et à l'âge de vingt ou vingt et un ans. Un auteur si jeune pouvoit-il exprimer les beautés réfléchies de Perse? Je l'ignore, n'ayant pas vu son livre duquel parle l'Auteur de l'Histoire de P'Académie de Soissons (*). Ce qu'il y a de certain, c'est que le Sueur s'acquit depuis la réputation d'un Jurisconsulte éclairé et d'un savant Littérateur.

CLAUDE NICOLE, Président de l'Election de Chartres, où il avoit été Avocat, oncle du célèbre Théologien de ce nom, publia, en 1669, une troisième Traduction de Perse en vers françois. Il paroît, par le privilége daté du 30 Décembre

(*) Voyez d'Hericourt, in Histor. Acad. Suess. p. 55. Le Sueur mourut âgé de plus de quatre-vingts ans, le 30 Septembre 1669. Arti adhuc Rhetorica in Scholis dans operam, Persii, Poëta tenebricosi, perspicuam GALLICO CARMINE edidit interpretationem.

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