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dele. Dans la Jérusalem délivrée, un saint vieillard montre au jeune Renaud toute la suite de ses descendans, et leurs exploits futurs qu'une main divine a gravés sur son bouclier. Le Camoëns a fait entrer dans divers épisodes, par des machines à peu près semblables, toute l'histoire du Portugal. Un envoyé céleste, avant d'exiler Adam du paradis terrestre, rassemble sous les yeux du père des hommes tous les siècles et tous les peuples qu'a perdus son crime, et lui fait entrevoir de loin le Messie qui doit sauver le genre humain. Henri IV enfin transporté en songe dans le palais des Destins, y voit briller d'avance les beaux jours du siècle de Louis XIV. A la fin des notes de ce chant on jettera un coup d'œil sur ces diverses imitations.

Sic fatur lacrymans, classique immittit habenas,

Et tandem Euboicis Cumarum allabitur oris.

Virgile a soin de rassembler toutes les traditions nationales; il n'omet rien de ce qui peut illustrer les fleuves, les villes, les ports et tous les lieux de l'Italie. Ce n'est pas sans raison que les larmes d'Énée honorent la mémoire du pilote qu'il a perdu : « Les Troyens, selon » Denys d'Halicarnasse, arrivèrent d'abord en Italie, au » port de Palinure ; un de leurs principaux pilotes y per» dit la vie, et ce lieu en reçut le nom. De là Énéc vina

» dans un autre port de la Campanie, où mourut Mi» sène, l'un de ses plus illustres compagnons; et le pro» montoire voisin s'appela Misène. >>

(Antiquités Rom., liv. I, ch. x1.)

Nous avons déjà vu Palinure mourir dans le livre précédent; Misène finira ses jours dans celui-ci ; et Virgile marquera dans ses vers les lieux qui doivent garder le souvenir des deux Troyens,

Eternumque tenet per sæcula nomen.

Il ne manque pas d'indiquer aussi l'origine de Cumes. Cette ville avoit été peuplée par Hippocles Cumous, né à Chalcis dans l'île d'Eubée : tel est au moins le récit de Strabon, qui semble regarder la colonie de Cumes comme le plus ancien monument du passage des Grecs en Italie. Le poëte est en tout d'accord avec le géographe. Cumes dans ses vers vient aussi de l'Eubée, oris euboicis; et plus has il l'appelle ville Chalcidienne, arx Chalcidica.

Redditus his primum terris, tibi, Phœbe, sacravit
Remigium alarum,

Cette expression si hardiment figurée est pourtant d'une extrême justesse : l'air est un fluide comme l'eau.

Dédale ramoit donc avec des ailes dans ce nouvel océan.

Lucrèce avoit déjà employé cette image pour les oiseaux.

Cùm advenere volantes,

Remigii oblite pennarum vela remittunt.

Ce n'est pas le seul emprunt que Virgile ait fait à Lucrèce. C'est ainsi que l'art de Racine reprenoit quelquefois des expressions jetées par le génie de Corneille, et leur rendoit un nouvel éclat en les mettant à leur véritable place. On trouve dans Alzire une métaphore du même genre:

Je montrai le premier aux peuples du Mexique
L'appareil, inoui pour ces mortels nouveaux,
De nos châteaux ailés qui voloient sur les eaux.

Cæca regens filo vestigia.

Catulle avoit dit non moins bien :

Errabunda regens tenui vestigia filo.

Ce vers se trouve dans l'épisode d'Ariane qui est un si brillant hors-d'œuvre du poëme de Thétis et de Péléc. On y reconnoît l'original de ces deux vers de Racine :

Pour en développer l'embarras incertain

Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.

Tu quoque magnam

Partem opere in tanto, sineret dolor, Icare,
Bis conatus erat casus effingere in auro;

Bis patriæ cecidere manus.

haberes..

Il n'est pas besoin de faire admirer cette apostrophe touchante à Icare: les vers se soulèvent et retombent avec la main paternelle qui veut en vain graver la funeste aventure de son fils; ils font sentir tour à tour l'effort et l'affaissement de la douleur.

Ante fores,

Poscere fata

Tempus, ait: deus, ecce, deus. Cui talia fanti
subito non vultus, non color unus,
Non compte mansere come; sed pectus anhelum
Et rabie fera corda tument, majorque videri,

Nec mortale sonans, etc.

L'abbé Desfontaines observe fort bien que, ce tableau de la Sibylle échevelée, hors d'elle-même, et luttant contre le dieu qui veut la dompter, a fourni les plus belles images des premieres strophes de l'ode au comte du Luc. Rousseau compare fort heureusement les approches du génie qui vient s'emparer du poëte à celles de la divinité qui veut subjuguer la prêtresse:

Tel, aux premiers accès d'une sainte manie,
Mon esprit alarmé redoute du génie

L'assaut victorieux;

Il frémit, il combat l'ardeur qui le possède,
Et voudroit secouer du démon qui l'obsède
Le joug impérieux.

Ces vers sont l'imitation de ceux-ci de Virgile:

Bacchatur vates, magnum si pectore possit
Excussisse deum...

Rousseau ajoute:

Mais sitôt que cédant à la fureur divine
Il reconnoît enfin du dieu qui le domine
Les souveraines lois,

Alors, tout pénétré de sa vertu suprême,
Ce n'est plus un mortel, c'est Apollon lui-même
Qui parle par ma voix.

Virgile dit aussi dans la même occasion :

Nec mortale sonans...

Majorque videri,

Cette description de la Sibylle est sans doute admirable: mais, comme l'a dit un critique moderne, celle de Joad saisi de l'esprit prophétique semble encore supéricure. On sent, pour ainsi dire, l'effort et le trouble du mensonge dans les mouvemens désordonnés qui transportent la prêtresse d'Apollon; mais l'enthousiasme du prophète a quelque chose de naturel et de tranquille comme la vérité. Il se livre sans résistance à l'esprit divin

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