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Nous n'exagérons pas l'importance des classifications et des enchaînemens systématiques, qu'on peut composer sur l'origine et sur le dénombrement des facultés de l'âme.

Si nous ne pouvons encadrer nos facultés dans des divisions rigoureusement exactes et immuables, nous nous consolons de cette impuissance, par la considération qu'elle ne saurait avoir aucune suite fâcheuse, ni pour l'intensité de l'esprit, ni pour l'étendue de ses connaissances; car il n'est point à craindre que le défaut d'un nom propre donné aux diverses fonctions et aux diverses facultés de l'âme fasse perdre le sentiment des unes et oublier l'usage des autres. Nous ne connaissons aucune puissance mentale qui, demeurée dans l'assoupissement ou dans l'oubli chez les anciens, ait été tout à coup éveillée par les modernes nomenclatures. Les hommes peuvent varier la direction de leur intelligence et les objets de leurs méditations; mais aucun d'eux ne peut découvrir dans son âme une faculté inconnue aux générations précédentes. L'âme humaine n'a pas été formée par des efforts successifs, comme un recueil d'observations; les noms d'aucun philosophe ne sont attachés à la découverte de la douleur, de la mémoire, de la réflexion : comme on voit ceux d'Archimède, de Képler, de Newton, attachés à des inventions d'une autre sorte.

« L'âme humaine, dit un célèbre écrivain, depuis qu'on cherche à expliquer et à classifier ses « différentes opérations, ne s'est point perfection«née. L'essentiel est donc de nous servir avec

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avantage des facultés que la nature nous a don‹nées, sans chercher à pénétrer dans la struc« ture intime du principe de ces facultés. Archi« mède se servait admirablement bien de son intelligence, sans avoir jamais raisonné sur la psycologie : la véritable philosophie est la phia losophie usuelle. »>

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« Il est extrêmement difficile, disait Euler, de • raisonner sur les premiers principes de nos « connaissances; nous sommes condamnés à nous « servir de nos facultés, plutôt qu'à en appro«fondir la nature. »

Dans la décomposition de la pensée, dans l'énumération et le classement des actes de l'entendement et de la volonté, on peut admettre des conventions variées; mais ce que la saine philosophie exige avant tout, c'est que, premièrement, de part et d'autre, on reconnaisse franchement les faits qui existent indépendamment de nos systèmes et de nos méthodes; secondement, que, quand on a choisi une nomenclature pour les énoncer et les coordonner, on ne s'en écarte plus dans les définitions subséquentes qui doivent dériver des premières conventions.

La raison ne permet à personne d'ériger en

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DISCOURS D'INTRODUCTION.

principe général des conventions particulières pour qualifier injurieusement de vagues et d'arbitraires, d'autres conventions également per

mises.

XI. Résumé. La philosophie, telle que nous la considérons, est la culture de nos facultés dirigée vers la recherche du bonheur et la pratique de la vertu. C'est la science du beau, du bien, de l'utile et du vrai. Fixer le sens que ces grands mots doivent avoir dans le langage des hommes, en déterminant les signes sensibles et les mesures des qualités ou rapports qu'ils expriment; voilà le problème qui va nous occuper, et qui contient toute la philosophie; voilà l'objet de cette science universelle et vraiment sociale, dont Cicéron fait ce bel éloge :

Philosophia verò omnium major artium quid est, nisi, ut Plato ait, donum, ut ego inventum deorum? hæc nos primùm ad illorum cultum, deinde ad jus humanum quod situm est in generis humani societate, tum ad modestiam magnitudinemque animi erudivit : eademque ab animo tanquam ab oculis caliginem dispulit, ut omnia supera, infera, prima, ultima, media videremus. Tuscul. quæst. Lib. v.

FIN DU DISCOURS D'INTRODUCTION.

PROLEGOMÈNES.

Sous ce titre nous comprenons les explications par lesquelles nous fixons le sens des premiers mots de la langue philosophique : c'est le dictionnaire des termes techniques.

DÉFINITIONS.

1o. Sensation: C'est la perception de l'action. des objets physiques sur nos organes.

Nota. Cette définition sera justifiée dans la dis sertation spéciale sur l'existence des corps.

2o. Sens: Par ce mot on entend tantôt les or ganes, tantôt la simple faculté de sentir l'action des corps extérieurs.

La sensation est l'exercice actuel de la sensibilité; les sens sont quelquefois sans mouvement, et en quelque sorte désœuvrés; alors la sensation n'existe pas, mais les sens subsistent toujours.

On dit les cinq sens de nature; chacun de ces sens a un organe analogue par le ministère duquel il s'exerce.

3o. Organe: Ce mot désigne ici une partie extérieure du corps humain, façonnée et construite

par

la nature pour recevoir de la part des objets extérieurs une sorte d'impression, ou secousse, qui correspond toujours à la même sorte de sensation. Exemple : Les impressions faites sur l'oeil excitent les sensations de couleur, et jamais les sensations de saveur, etc.

4°. Sentiment: Ce mot est quelquefois synonyme de sensation; d'autres fois il a une signification différente: ainsi on ne saurait séparer les acceptions de ces deux expressions par une ligne de démarcation invariable.

Cependant le mot sensation désigne communément une affection vive, passagère, intermittente, produite en nous par le moyen de nos organes extérieurs, et le mot sentiment désigne ordinairement les inclinations, les habitudes, les dispositions du cœur, dont les unes sont constantes et indestructibles, comme l'amour du bonheur, par exemple, et dont les autres, plus ou moins durables, ont toutefois la propriété de survivre aux sensations qui les ont engendrées. Exemple: L'amitié, la reconnaissance, la haine. Ainsi on dit : la sensation des couleurs, des odeurs, des saveurs, des sons; et on dit : le sentiment de l'estime, du mépris, etc.

5°. Qu'est-ce que connaitre un objet, un mot? Connaître, en général, c'est démêler, séparer une chose de tout ce qui n'est pas elle.

On dit qu'on connait un objet, I. quand on

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