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long-temps à lui rendre une réponse positive, il se servit d'un tonneau, qu'il promenoit partout devant lui, et n'eut jamais d'autre maison.

Au plus fort de l'été, lorsque le soleil brûloit toute la campagne, il se rouloit dans des sables ardents : il embrassoit au milieu de l'hiver des statues couvertes de neige pour s'accoutumer à souffrir sans peine l'incommodité du chaud et du froid. Il méprisoit tout le monde; il traitoit Platon et ses disciples de dissipateurs et de gens qui aimoient la bonne chère; il appeloit tous les orateurs des esclaves du peuple.

Il disoit que les couronnes étoient des marques de gloire aussi fragiles que ces bouteilles d'eau qui se rompoient en se formant ; et que les représentations étoient les merveilles des fous. Enfin, rien n'échappoit à sa liberté satirique.

Il mangeoit, il parloit et se couchoit indifféremment dans tous les lieux où il se trouvoit. Quelquefois, en montrant le portique de Jupiter, il s'écrioit Ah! que les Athéniens m'ont fait bâtir un bel endroit pour aller prendre mes repas.

Il disoit souvent : Quand je considère ces gouverneurs, ces médecins et ces philosophes qui sont dans le monde, je suis tenté de croire que l'homme par sa sagesse est fort élevé au-dessus des bêtes mais, d'un autre côté, lorsque je vois des devins, des interprètes des songes, et des gens que les richesses et les honneurs sont capables d'enfler extraordinairement, je ne saurois m'empêcher de croire qu'il ne soit pas le plus fou de tous les ani

maux.

Un jour, en se promenant, il aperçut un jeune enfant qui buvoit dans le creux de sa main; Diogène en eut grande honte : Quoi! dit-il, les enfants connoissent donc mieux que moi les choses dont on se peut passer? Il tira aussitôt son écuelle de sa besace, et la cassa comme un meuble qui lui étoit inutile.

Il louoit fort ceux qui avoient été tout près de se marier, et qui n'en avoient rien fait, aussi bien que ceux qui, après avoir préparé tout leur équipage pour s'embarquer, étoient restés sur la terre. Il n'estimoit pas moins les gens qu'on avoit choisis pour gouverner la république, et qui n'avoient point voulu s'engager, de même que ceux qui avoient été tout près de se mettre à table avec les rois et les grands seigneurs, et qui s'en étoient retournés chez eux.

Il ne s'attachoit qu'à la morale, et négligeoit entièrement toutes les autres sciences. Il avoit l'esprit vif, et prévoyoit aisément tout ce qu'on lui pouvoit objecter.

Il croyoit que le mariage n'étoit rien; il vouloit que toutes les femmes fussent communes, et que chacun se servit de celle à qui il auroit été capable de donner de l'amour.

Il ne croyoit pas qu'il y eût aucun mal à prendre les choses dont on avoit besoin. Il vouloit qu'on ne s'affligeât de rien. Il vaut beaucoup mieux, disoit-il, se consoler que se pendre.

Un jour il se mit à parler sur une matière assez sérieuse et fort utile; tout le monde passoit devant lui sans se mettre en peine d'écouter ce qu'il disoit. Diogène s'avisa de chanter; quantité de gens s'assemblèrent en foule autour de lui: il leur fit aussitôt une forte réprimande de ce qu'ils accouroient de tous côtés pour une bagatelle, et qu'ils ne prenoient pas seulement la peine d'écouter quand on leur parloit sur les matières les plus importantes.

Il s'étonnoit de ce que les grammairiens se tourmentoient si fort pour savoir tous les maux qu'Ulysse avoit soufferts, et qu'ils ne faisoient pas attention à leur propre misère.

Il blâmoit les musiciens de prendre beaucoup de peine à accorder leurs instruments, pendant qu'ils avoient des esprits si mal réglés, par où ils auroient dû commencer.

Il reprenoit les mathématiciens de s'amuser à contempler le soleil, la lune, et les autres astres, et de ne pas connoître les choses qui étoient à leurs pieds.

Il n'étoit pas moins irrité contre les orateurs, qui ne songeoient qu'à bien dire, et qui se mettoient peu en peine de bien faire.

Il blâmoit fort certains avares qui faisoient paroître un grand désintéressement, qui louoient même les gens qui méprisoient les richesses, et qui cependant ne songeoient à rien autre chose qu'à amasser de l'argent.

Il ne trouvoit rien de plus ridicule que certaines gens qui sacrifioient aux dieux pour les prier de les conserver en santé, et qui au sortir de la cérémonie faisoient des festins capables de faire crever.

Enfin, il disoit qu'il rencontroit bien des gens qui s'efforçoient à se surpasser les uns les autres dans des badineries; mais que personne n'avoit d'émulation pour être le premier dans le chemin de la vertu.

Un jour Diogène s'aperçut que Platon, dans un repas très magnifique, ne mangeoit que des olives. Pourquoi, lui dit-il, toi qui fais tant le sage, ne manges-tu pas librement les mets qui t'ont fait passer en Sicile? Moi, répondit Platon, je ne viyois ordinairement en Sicile que de capres, d'oli

ves et d'autres choses semblables, comme je fais | au milieu des rues, afin de les faire connoître à dans ce pays-ci. Quoi donc, répliqua Diogène, tout le monde et de les décrier. étoit-il besoin pour cela d'aller à Syracuse? est-ce que dans ce temps-là il n'y avoit ni câpres ni olives à Athènes?

Un jour Platon traitoit quelques amis de Denys le tyran. Diogène entra chez lui; il se mit à deux pieds sur un beau tapis, et dit: Je foule aux pieds le faste de Platon. Oui, Diogène, repondit Platon; mais c'est par une autre espèce de faste.

Certain sophiste voulut un jour montrer la subtilité de son esprit à Diogène : Vous n'êtes pas ce que je suis, lui dit-il ; je suis un homme, et par conséquent vous n'êtes pas un homme. Ce raisonnement seroit vrai, répondit Diogène, si tu avois commencé par dire que tu n'es pas ce que je suis, parce que tu aurois conclu que tu n'es pas un homme.

On lui demanda en quel endroit de la Grèce il avoit vu des hommes sages : J'ai bien vu des enfants à Lacédémone, répondit-il; mais pour des hommes je n'en ai vu nulle part.

Il se promenoit un jour, en plein midi, une lan- | terne allumée à la main; on lui demanda ce qu'il cherchoit. Je cherche un homme, répondit-il.

Une autre fois, il se mit à crier dans le milieu d'une rue O hommes, ô hommes ! quantité de gens s'assemblèrent autour de lui Diogène les chassoit avec son bâton : C'est des hommes que j'appelle, dit-il.

Démosthène dinoit un jour dans un cabaret; il vit passer Diogène; il se cacha aussitôt. Diogène l'aperçut: Ne te cache point, lui dit-il; car plus tu te caches dans le cabaret, et plus tu t'y enfonces. Il vit une autre fois des étrangers qui étoient venus exprès pour voir Démosthène. Diogène alla droit à eux ; il le leur montroit avec son doigt, et leur disoit en riant: Tenez, tenez, regardez-le bien; le voilà ce grand orateur d'Athènes.

Diogène se rencontra un jour dans un palais magnifique, où l'or et le marbre étoient en grande abondance. Après en avoir considéré toutes les beautés, il se mit à tousser; il fit deux ou trois efforts et cracha contre le visage d'un Phrygien qui lui montroit ce palais. Mon ami, lui dit-il, je n'ai point vu d'endroit plus sale où je pusse cracher.

Un jour il entra, à demi rasé, dans une chambre où des jeunes gens se réjouissoient ensemble; il fut contraint d'en sortir avec de bons coups. Diogène, pour les punir, écrivit sur un morceau de papier le nom de tous ceux qui l'avoient frappé; il attacha ce papier sur son épaule, et se promenoit

Un jour certain scélérat lui reprochoit sa pauvreté : Je n'ai jamais vu punir personne pour ce sujet-là, dit-il; mais j'ai bien vu pendre des gens parce qu'ils étoient des fripons.

Il disoit souvent que les choses les plus utiles étoient ordinairement les moins estimées ; qu'une statue coûtoit trois mille écus, et qu'un boisseau de farine ne se vendoit pas vingt sols.

Un jour, comme il étoit près d'entrer dans un bain, il trouva l'eau fort sale: Quand on s'est baigné ici, dit-il, où va-t-on se laver?

Diogène fut pris un jour, près de Chéronée, par des Macédoniens qui l'allèrent présenter aussitôt au roi Philippe. Philippe lui demanda ce qu'il étoit: Je suis l'espion de ton avidité insatiable, réponditil. Le roi fut si content de sa réponse, qu'il le mit en liberté et le renvoya.

Diogène croyoit que les sages ne pouvoient jamais manquer de rien, et que c'étoit à eux à disposer de tout ce qui étoit au monde : Toutes choses appartiennent aux dieux, disoit-il; les sages sont amis des dieux; entre amis toutes choses sont communes, et par conséquent toutes choses appartiennent aux sages. C'est ce qui faisoit que, quand il avoit besoin de quelque chose, il disoit qu'il la redemandoit à ses amis.

Un jour Alexandre, passant par Corinthe, eut la curiosité de voir Diogène qui y étoit pour lors; il le trouva assis au soleil dans le Cranée, où il raccommodoit son tonneau avec de la glu. Je suis le grand roi Alexandre, lui dit-il. Et moi je suis ce chien de Diogène, répondit le philosophe. Ne me crains-tu point? continua Alexandre. Es-tu bon ou mauvais ? reprit Diogène. Je suis bon, répartit Alexandre. Hé qui est-ce qui craint ce qui est bon? reprit Diogène. Alexandre admira la subtilité d'esprit et les manières libres de Diogène. Après s'être entretenu quelque temps avec lui, il lui dit : Je vois bien que tu manques de beaucoup de choses, Diogène, je serai bien aise de te secourir; demande-moi tout ce que tu voudras. Retire-toi un peu à côté, répondit Diogène, tu empêches que je ne jouisse du soleil. Alexandre demeura fort surpris de voir un homme au-dessus de toutes les choses humaines. Lequel est le plus riche, continua Diogène, de celui qui est content de son manteau et de sa besace, ou de celui à qui un royaume entier ne suffit pas, et qui s'expose tous les jours à mille dangers afin d'en augmenter les limites? Les courtisans d'Alexandre étoient fort indignés qu'un tel roi fit tant d'honneur à un chien comme

Diogène, qui ne se levoit pas même de sa place. | et des malheureux; c'est moi qui ai vaincu des
Alexandre s'en aperçut; il se retourna, et leur hommes.
dit: Si je n'étois pas Alexandre, je voudrois être
Diogène.

Un jour, comme Diogène passoit en Égine, il fut pris par des pirates qui le menèrent en Crète, et l'exposèrent au marché il n'en fut pas plus chagrin ; il ne parut pas même se mettre en peine de son malheur. Il vit un certain Xéniade bien gras et bien habillé : Il faut me vendre à celui-ci, dit-il, car je vois qu'il a besoin d'un bon maître. Comme Xéniade s'approchoit pour le marchander, il lui dit: Viens, enfant, viens marchander un homme. On lui demanda ce qu'il savoit faire; il répondit qu'il avoit le talent de commander aux hommes. Héraut, dit-il, crie dans le marché, si quelqu'un a besoin d'un maître, qu'il le vienne acheter. Celui qui le vendoit lui défendoit de s'asseoir : Qu'importe, dit Diogène, on achète bien des poissons dans quelque posture qu'ils soient, et je m'étonne qu'on ne marchande pas seulement un couvercle de marmite sans l'avoir sonné pour connoître si le métal en est bon, et que quand on achète un homme, on se contente de le regarder. Quand le prix fut arrêté, il dit à Xéniade : Quoique je sois à présent ton esclave, tu n'as qu'à te disposer à faire ce que je voudrai; car, soit que je te serve de médecin ou d'intendant, n'importe si je suis esclave ou libre, il faudra m'obéir.

Xéniade lui donna ses enfants à instruire: Diogène en eut grand soin; il leur fit apprendre par cœur les plus beaux endroits des poètes, avec un abrégé de sa philosophie, qu'il composa exprès pour eux. Il les faisoit exercer à la lutte, à la chasse, à monter à cheval, et à tirer de l'arc et de la fronde. Il les accoutuma à vivre de choses fort simples, et à ne boire que de l'eau dans leurs repas ordinaires. Il vouloit qu'on les rasât jusqu'à la peau. Il les menoit avec lui dans les rues vêtus fort négligemment, et souvent sans sandales et sans tunique. Ces enfants, de leur côté, aimoient fort Diogène, et prenoient un soin particulier de le recommander à leurs parents.

Pendant que Diogène étoit ainsi dans l'esclavage, quelques amis s'intéressèrent pour l'en tirer. Vous êtes des fous, leur dit-il, vous vous moquez bien de moi; ne savez-vous pas que le lion n'est jamais esclave de ceux qui le nourrissent? Au contraire, ce sont ceux qui le nourrissent qui sont ses esclaves.

Un jour Diogène entendit un héraut qui publioit que Dioxipe avoit vaincu des hommes aux jeux olympiques. Mon ami, lui dit-il, dis des esclaves

Quand on lui disoit : Vous êtes vieux, il faudroit vous reposer à présent. Quoi, dit-il, si je courois, faudroit-il me relâcher à la fin de ma course? Ne seroit-il pas plus à propos que je fisse tous mes efforts?

En se promenant dans les rues, il aperçut un homme qui avoit laissé tomber du pain, et qui avoit honte de le relever; Diogène ramassa une bouteille cassée, et la promena par toute la ville, pour lui faire connoître qu'on ne devoit pas rougir quand on tâchoit à ne rien perdre.

Je suis comme les bons musiciens, disoit-il, je quitte le son véritable pour le faire prendre aux autres.

Un homme le vint un jour trouver pour être son disciple; Diogène lui donna un jambon à porter, et lui dit de le suivre cet homme eut honte de porter ce jambon dans les rues, il le jeta à terre et s'en alla. Diogène le rencontra quelques jours après : Quoi, lui dit-il, un jambon a rompu notre amitié!

Il'aperçut, en se promenant, une femme tellement prosternée devant les dieux, qu'elle en étoit même découverte par-derrière; Diogène accourut à elle : Ne crains-tu pas, pauvre femme, dit-il, que les dieux, qui sont aussi bien derrière toi que devant, te voient dans une posture indécente?

lui

Quand Diogène réfléchissoit sur sa vie, il disoit en riant, que toutes les imprécations qu'on faisoit ordinairement dans les tragédies étoient tombées sur lui; qu'il étoit sans maison, sans ville, sans patrie, pauvre, vivant au jour le jour; mais qu'il opposoit sa fermeté à la fortune, la nature à la coutume, et la raison aux troubles de l'ame.

Un homme vint un jour le consulter pour savoir à quelle heure il devoit manger : Si tu es riche, lui dit-il, mange quand tu voudras; si tu es pauvre, quand tu pourras.

Les Athéniens le prièrent de se faire associer dans leurs mystères, et lui assurèrent que ceux qui y étoient initiés tenoient le premier rang dans l'autre monde : Ce seroit une chose bien ridicule, répondit Diogène, qu'Agesilaüs et Epaminondas restassent dans la boue, pendant que vos initiés, qui sont des malheureux, habiteroient des îles fortunées.

Il avoit coutume de se parfumer les pieds : quand on lui en demandoit la raison, il disoit que l'odeur des parfums qu'on se mettoit à la tête étoit aussitôt perdue dans l'air, au lieu que, quand on se

parfumoit les pieds, l'odeur en montoit au nez. Un infâme eunuque avoit fait écrire sur la porte de sa maison: Qu'il n'entre rien de mauvais par cette porte. Diogène dit: Et le maître du logis, par où entrera-t-il ?

Quelques philosophes vouloient un jour lui prouver qu'il n'y avoit point de mouvement: Diogène se leva, et commença à se promener : Que faitesvous, lui dit un de ces philosophes? Je réfute tes raisons, répondit Diogène.

Quand quelqu'un lui parloit d'astrologie, il lui disoit Y a-t-il long-temps que tu es revenu des cieux ?

Platon avoit défini que l'homme étoit un animal à deux pieds, sans plumes: Diogène pluma un coq qu'il cacha sous son manteau, et s'en alla à l'académie : il tira aussitôt le coq de dessous son manteau, et dit, en le jetant au milieu de l'école : Voilà l'homme de Platon. Platon fut obligé d'ajouter à sa définition, que cet animal avoit de larges ongles.

Diogène, passant par Mégare, vit des enfants tout nus, et des moutons bien couverts de laine : Il vaut beaucoup mieux, dit-il, être ici mouton qu'enfant..

Un jour, comme il mangeoit, il vit de petites souris ramasser des miettes de pain sous sa table : Ah! dit-il, Diogène nourrit aussi des parasites.

Comme il sortoit du bain, on lui demanda s'il y avoit beaucoup d'hommes qui se baignoient; il répondit, que non : Mais, lui dit-on, n'y a-t-il pas une grande confusion de monde? Oui, répondit-il, très grande.

On le pria un jour de se trouver à un festin; il ne le voulut pas, parce qu'il y avoit été le jour précédent, et qu'on ne l'en avoit point remercié.

Un homme portant une poutre sur son épaule, le heurta sans y penser, et lui dit : Prenez garde. Comment, répondit Diogène, veux-tu me frapper une seconde fois? Quelque temps après il eut encore une pareille aventure : il donna un coup de bâton à celui qui l'avoit heurté, et lui dit : Prends garde toi-même.

Il étoit un jour si percé de pluie, que l'eau dégouttoit de tous les endroits de son manteau: ceux qui le regardoient avoient grande compassion de lui. Platon, qui se trouva là par hasard, leur dit Si vous voulez qu'il soit véritablement malheureux, allez-vous-en et ne le regardez pas.

pour qu'on lui donnât un soufflet : Un casque, répondit-il.

Midias un jour lui donna plusieurs coups de poing, et lui dit : Va te plaindre, tu auras trois mille livres d'amende. Le lendemain, Diogène prit un gantelet de fer, et alla décharger un grand coup de poing sur la tête de Midias Va-t'en te plaindre toi-même, tu auras une pareille amende.

Lysias l'apothicaire lui demanda s'il croyoit qu'il y eût des dieux : Comment ne le croirois-je pas, puisque je sais qu'ils n'ont point de plus grands ennemis que toi.

Un jour Diogène vit un homme qui se lavoit dans de l'eau, espérant se purifier: O malheureux, lui dit-il, ne sais-tu pas bien que quand tu te laverois jusqu'à demain, cela ne t'empêcheroit point de faire des fautes de grammaire! cela ne te délivrera pas non plus de tes crimes.

Il aperçut une autre fois un enfant dans une posture indécente; il courut droit à son précepteur et lui donna un coup de bâton: Pourquoi instruistu si mal ton disciple? lui dit-il.

Un homme vint un jour lui montrer une horoscope qu'il avoit dressée : Voilà quelque chose de beau, dit Diogène; mais c'est pour nous empêcher de mourir de faim.

Il blâmoit fort tous ceux qui se plaignoient de la fortune: Les hommes, disoit-il, demandent toujours ce qui leur paroît être un bien, mais non pas ce qui l'est véritablement.

Diogène savoit bien que plusieurs personnes approuvoient sa vie; mais comme peu de gens se mettoient en devoir de l'imiter, il disoit qu'il étoit un chien fort estimé; mais qu'aucun de ceux qui le louoient n'avoit assez de courage pour venir à la chasse avec lui.

Il reprochoit à ceux qui étoient épouvantés de leurs songes, qu'ils ne faisoient aucune attention aux choses qui leur venoient dans l'esprit lorsqu'ils veilloient, et qu'ils examinoient avec superstition tout ce qui se passoit dans leur imagination pendant qu'ils dormoient.

Un jour, en se promenant, il aperçut une femme dans une litière; il dit: Ce ne devroit pas être là une cage pour un si méchant animal.

Les Athéniens aimoient fort Diogène, et avoient beaucoup de considération pour lui. Ils firent fouetter publiquement un jeune homme qui avoit cassé son tonneau, et lui en redonnèrent un autre.

Un jour un homme lui donna un soufflet: Je ne Tout le monde publioit le bonheur de Callisthène, savois pas, dit-il, que je dusse marcher dans les qui étoit tous les jours à faire bonne chère à la tarues la tête armée. ble d'Alexandre: Et moi, disoit Diogène, je trouve Une autre fois on lui demanda ce qu'il vouloit Callisthène bien malheureux, par la seule raison

qu'il dine et soupe tous les jours avec Alexandre. Cratère fit tout ce qu'il put pour l'attirer chez lui: Diogène lui dit qu'il aimoit beaucoup mieux ne manger que du pain à Athènes, que d'aller vivre magnifiquement dans son palais.

Perdiccas le menaça un jour de le tuer s'il ne le venoit voir : Tu ne feras pas là une grande action, répondit Diogène; le moindre petit animal venimeux en pourroit bien faire autant; et je t'assure que Diogène n'a aucun besoin de Perdiccas ni de sa grandeur pour vivre heureux. Hélas! s'éerioit-il, les dieux sont fort libéraux à accorder la vie aux hommes mais tous les agréments qui y sont attachés demeurent méconnus aux gens qui ne songent qu'à faire bonne chère, et à se parfumer.

Il vit un jour un homme qui se faisoit chausser par un esclave: Tu ne seras pas content, dit-il, jusqu'à ce qu'il te mouche; de quoi te servent tes mains?

Une autre fois, en passant, il vit des juges qui menoient au supplice un homme qui avoit volé une petite fiole dans le trésor public: Voilà de grands voleurs, dit-il, qui en conduisent un petit. Il disoit qu'un riche ignorant étoit une brebis couverte d'une toison d'or.

Un jour, comme il étoit au milieu d'un marché, il se mit à se gratter. Ah! plût aux dieux, dit-il, qu'à force de me gratter le ventre, je pusse me faire passer la faim quand je voudrois.

Comme il entroit dans un bain, il aperçut un jeune homme qui faisoit des mouvements fort adroits, mais peu honnêtes : Plus tu feras bien, plus tu seras blåmable, lui dit-il.

Une autre fois, en traversant une rue, il vit au-dessus de la maison d'un prodigue, un écriteau qui marquoit qu'elle étoit à vendre : Je savois bien, dit-il, que la grande ivrognerie obligeroit ton maître à vomir.

Un jour un homme lui reprocha son exil: Ah! pauvre malheureux, lui dit Diogène, j'en suis trèscontent; c'est ce qui a fait que je suis devenu philosophe.

Un autre lui dit quelque temps après Les Sinopéens t'ont condamné à un bannissement perpétuel. Et moi, répondit-il, je les ai condamnés à rester dans leur vilain pays sur le rivage du Pont-Euxin.

Il prioit quelquefois des statues de lui accorder des graces; on lui en demandoit la raison : C'est afin, disoit-il, de m'accoutumer à être refusé.

Quand sa pauvreté l'obligeoit à demander l'aumône, il disoit au premier qu'il rencontroit: Si

tu as déja donné quelque chose à quelqu'un, fais-moi aussi la même grâce; et si tu n'as jamais rien donné à personne, commence par moi.

On lui demandoit un jour de quelle manière Denys le tyran en usoit avec ses amis: Comme on fait, dit-il, avec des bouteilles, qu'on prend quand elles sont pleines, et qu'on jette lorsqu'elles sont vides.

Il aperçut un jour dans un cabaret un prodigue qui ne mangeoit que des olives: Si tu avois toujours dîné ainsi, tu ne souperois pas si mal à présent.

Il disoit que les desirs déréglés étoient la source de tous malheurs ;

Que les honnêtes gens étoient les portraits des dieux;

Que le ventre étoit le gouffre de la vie ; Qu'un discours bien poli étoit un filet de miel, et que l'amour étoit l'occupation des gens oisifs. On lui demanda un jour quel étoit l'état le plus malheureux : C'est d'être vieux et pauvre, répondit-il.

Une autre fois on lui demanda ce qu'il y avoit de meilleur dans le monde : il dit que c'étoit la liberté.

Quelqu'un s'avisa de lui dire : Quelle est la bête qui mort le plus fort? Entre les farouches, répondit-il, c'est un médisant ; et entre les apprivoisées, c'est un flatteur.

Un jour en se promenant, il vit des femmes pendues à des branches d'oliviers. Ah! plût aux dieux s'écria-t-il, que tous les arbres rapportassent de tels fruits.

Un homme vint lui demander à quel âge il falloit se marier Quand on est jeune, répondit Diogène, il n'est pas encore temps; et quand on est vieux, il est trop tard.

On lui demanda pourquoi l'or étoit d'une couleur pâle : C'est qu'il a beaucoup d'envieux, répondit-il.

On le pressoit un jour de courir après Manès son esclave, qui s'étoit enfui: Il seroit fort ridicule, dit-il, que Manès se passât bien de Diogène, et que Diogène ne pût se passer de Manès.

Certain tyran lui demanda un jour quel airain étoit le plus propre à faire une statue : C'est celui dont on a fait celles d'Harmodius et d'Aristogiton, grands ennemis des tyrans.

Un jour Platon expliquoit ses idées, et parloit de la forme d'une table, et de celle d'un verre: Je vois bien une table et un verre, lui dit Diogène, mais je ne sais ce que c'est que la forme d'une table non plus que celle d'un verre. Cela est

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