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bonne heure; grand régime, parfait repos, sé- | M. l'abbé de Laval '. C'étoit un secret qui venoit vère sobriété. Si vous êtes fidèle à Dieu, il vous de trop haut, pour ne le garder pas avec un prorendra docile aux chirurgiens. Mille amitiés à la fond respect et de grandes précautions. Je le garde malade et à son cher fils. J'embrasse tendrement encore très fidèlement; mais la chose, dit-on, le petit abbé. Tout au très cher fanfan. commence à se répandre. Je ne sais qui est-ce qui a parlé. Vous me mandez qu'elle est publique; j'aime mieux que vous l'ayez apprise du public que de moi il faut que quelqu'un de ceux qui devoient se taire ait parlé.

282. AU MÊME.

Témoignages d'amitié.

A Cambrai, 27 janvier 1713.

Je vois bien, mon très cher fanfan, qu'il n'y a aucune porte ouverte pour sortir de chez notre chère malade. Dieu sait si je voudrois lui faire de la peine, manquer de confiance en elle, et refuser de lui avoir les plus grandes obligations! Mais ce que je crains le plus est que vous ne soyez tous deux malades en même temps, de manière à vous causer une peine réciproque, sans pouvoir vous entre-secourir. Le meilleur parti qui vous reste à prendre est celui de ne perdre pas un seul jour pour l'opération résolue. Choisissez, sans ménager la dépense, le meilleur de tous les chirurgiens; régime exact, grand repos; nul égard, nulle gêne, nul devoir, que celui d'obéir aux maîtres de l'art; patience, tranquillité, présence de Dieu, confiance en lui seul. L'argent ne vous manquera point. Si la paix vient, comme on l'espère, vous pourrez épargner; si la guerre continue, Dieu y pourvoira à chaque jour suffit son mal. Ne soyez pas inquiet pour demain; car demain aura soin de lui-même. La Providence, notre bonne mère, a soin des petits oiseaux. Ne craignez rien ne manquez point d'abandon au-dedans, et vous ne manquerez point de pain au-dehors. O que je veux voir un enfant de foi! Ce sera suivant la mesure de votre foi qu'il vous sera donné pour le corps et pour l'ame.

Put (M. Dupuy) arriva hier en bonne santé, après avoir passé par des abîmes de boue. Il est délassé aujourd'hui, et est bien content de se voir en repos au coin de mon feu. Je voudrois que vous y fussiez aussi avec votre jambe bien guérie; mais il faut travailler patiemment à sa guérison. Bonsoir. Mille et mille amitiés à la malade, pourvu qu'elle obéisse à M. Chirac. Tendrement et à ja

mais tout sans réserve à mon très cher fanfan.

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Il me tarde de vous savoir entre les mains des chirurgiens; la saison s'avance insensiblement. Si la paix, que je desire de si bon cœur, ne venoit point, je voudrois fort que toute votre opération eût été faite bien à loisir, et que votre jambe fût parfaitement rétablie par un long intervalle, avant les fatigues de la campagne. Ainsi je vous conjure de ne perdre pas un seul moment.

Bonsoir. Mille amitiés et sermons à notre chère malade. Tendrement et sans réserve tout à mon cher fanfan.

Je vous conjure de parler le plus tôt que vous pourrez avec M. Colin (le P. Lallemant), pour savoir si lui ou ses amis les plus éclairés ne connoîtroient point un homme de mérite, de piété, de saine doctrine, versé dans les matières de discipline, qui fût propre à être mon grand-vicaire pour me soulager. Il faudroit un homme de confiance, doux et sage; je lui donnerois ici un honnête revenu par un canonicat.

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A Cambrai, 30 janvier 1743. Je suis de plus en plus en peine de notre pauvre malade (madame de Chevry). Consolez-la, mon très cher fanfan. Ne la pressez pas trop; mais tâchez de la persuader par amitié, et de lui nontrer combien nous sommes tous affligés de voir se détruire elle-même. Le vrai courage et la sincre religion demandent qu'on se contraigne, et qu'on surmonte ses aversions.

Vous pouvez avec la malade parler à M. Colin, quand vous en aurez l'occasion. Dieu sait combien je voudrois que le bon Panta (l'abbé de Beaumont) fût occupé selon sa profession, et mis en œuvre; mais je vois qu'il s'y tourne moins que jamais. Il se noie de plus en plus dans le travail que vous savez : j'en ai une douleur que je ne puis exprimer.

'Il s'agissoit alors de nommer à l'évêché d'Ypres l'abbé de Laval, grand-vicaire de Cambrai. Ce projet fut réalisé peu de temps après.

Ce que vous voudriez prévenir arrivera, s'il | docile, courageux contre vous-même pour le régime, tranquille et patient malgré toutes les longueurs qu'il faudra essuyer. J'espère que votre docilité fera un grand bien et à vous et à la malade. En vous guérissant, cette docilité servira d'exemple pour corriger et pour guérir la personne qui en a grand besoin.

doit arriver, avant que vous ayez occasion de l'éviter. Je ne suis point surpris de la démarche que vous aviez commencée; mais il faudroit se débarrasser de ce qu'on a, ou du moins tâcher d'avoir une occasion prête et sûre pour y réussir, avant que d'entreprendre d'acquérir ce que l'on n'a pas. Ces sortes de terres ne sont pas faciles à vendre en ce temps-ci. Notre ami, qui pourra vendre dans la suite la sienne, ne le fera certainement tout au plus tôt qu'à la paix. Alors le péril qu'on craint sera fini en bien ou en mal; il ne sera plus temps. Si néanmoins il se présente quelque bonne occasion, ou si vous en prévoyez quelqu'une, ne perdez aucun moment pour nous en instruire, et pour consulter sur les lieux les amis sincères et éclairés. Je serois ravi, si vous pouviez avoir à bon marché une terre qui ne fût exposée à aucun procès. Je crois la vôtre hors de danger de procédure selon la coutume des lieux; mais je conviens avec vous qu'une autre, liquidée par un bon décret, vous mettroit encore plus en repos.

Bonsoir, mon très cher fanfan; Dieu soit avec vous, et vous dans sa main, pour faire sa volonté, et non la vôtre. Tout à vous avec tendresse.

286.

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AU MÊME.

Ses inquiétudes sur la santé du marquis et de madame de
Chevry.

A Cambrai, samedi 14 février 1715.

Quoique madame de Chevry m'ait mandé que vous aviez bien dormi la nuit après l'opération. je suis, mon très cher fanfan, bien en peine de votre santé. Je sais que vous avez beaucoup souffert, et il me tarde beaucoup d'apprendre les suites surtout je crains qu'on ne trouve l'os carié. Mais ce que je demande très fortement es! qu'on ne me cache et qu'on ne me diminue rien:

Hâtez-vous d'aller à Versailles, pour retourner à Paris, et pour vous livrer aux chirurgiens. Grand régime, repos et docilité. Bonsoir; tendre-la moindre apparence de mystère me feroit plus

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de peine que l'exposition simple du mal. Dieu sait si je ressens l'impossibilité d'être auprès de vous!

Dites à madame de Chevry que je ne veux point qu'elle nous écrive elle-même ses lettres, au lieu de nous faire plaisir, nous affligeroient. Elle ne doit se permettre aucune application. Tout ce que nous desirons d'elle est qu'elle suive fidèlement le régime prescrit par M. Chirac. Si elle compte pour rien sa santé, sa vie, le besoin que sou fils

Il me tarde beaucoup de vous savoir retourné de Versailles à Paris. Au nom de Dieu, mon cher fanfan, ne perdez pas un seul jour pour votre opé-a de la conserver, et notre consolation, qui seroit ration. Les moindres retardements sont à craindre, supposé qu'il y ait quelque carie dans l'os, comme M. Chirac le croit. Il faudra aller tout droit au

parti le plus sûr, et voir le fond pour n'y rien laisser. Je crois que vous pouvez choisir M. Guérin, puisqu'il a la main si sûre et si légère; mais il ne faut compter sur lui que pour la main seule. Vous devez employer la tête de M. Triboulaut, et l'engager, quoi qu'il en coûte, à voir votre jambe, d'abord tous les jours, et ensuite de deux ou trois jours l'un, jusqu'à ce que la guérison soit bien achevée. Il faut aussi que M. Chirac, à la prière de madame de Chevry, vous voie tous les jours sans y manquer. Voilà l'occasion où l'argent ne vous manquera pas. Je voudrois bien pouvoir joindre Paris et Cambrai, le secours des chirurgiens et nos soins à toute heure, pour assurer votre guérison. Abandonnez-vous à Dieu; soyez

bien troublée par sa perte, au moins qu'elle pense à Dieu et à son salut; elle ne peut point en conscience s'exposer, par un goût de plaisir et de liberté indiscrète, au danger d'accourcir sa vie. Elle n'a qu'à demander à un bon et sage confes seur si j'exagère en lui disant cette vérité; mais si je n'exagère point, elle désobéira à Dieu mème en désobéissant à M. Chirac. O que je voudrois la voir ici, et vous aussi, en bonne santé, prochain! Bonsoir, mon très cher fanfan. Vous savez avec quelle tendresse je vivrai et mourrai tout à vous.

287.

- AU MÊME. Sur le même sujet.

Mercredi, 8 mars 1715.

lete

J'attends chaque jour, mon très cher fanfan. l'explication de l'état du fond de la jambe; mais je

ne vois encore rien qui me le fasse entendre. Ce qui me console de tant de longueurs est la patience que Dieu vous donne, et la grande capacité des personnes qui travaillent à vous guérir. J'avois cru, sur les lettres de notre chère malade, que Le Breton reviendroit dimanche ou lundi dernier; mais nous ne le voyons point arriver: il faut qu'il ait retardé son retour. Si ce retardement sert à nous apprendre des choses plus éclaircies et plus avancées pour la guérison, j'en aurai une grande joie.

Il me semble que la lettre de la malade, reçue ce matin, marque qu'elle est dans un vrai soulagement j'en remercie Dieu. Que ne donnerois-je point pour vous savoir tous deux entièrement guéris! Alors je ferois un autre soubait; car on enfait sans cesse en ce triste monde : ce seroit de vous voir tous deux au plus tôt ici dans une profonde paix. Mais nos desirs ne nous donnent rien de réel que de l'inquiétude. Tout ressemble aux souhaits de Blaise, excepté le desir d'être tout à Dieu. Il faut y être tout entier, point à demi : le partage déchire le cœur à pure perte. Il faut y être avec gaieté, simplicité, paix, complaisance pour le prochain, courage contre soi-même, et confiance en celui qui est lui seul toute notre ressource. Ce discours paroît bien sérieux; mais il est moins triste que l'orgueil et que les passions, qui nous tourmentent sous prétexte de nous flatter. Bonsoir, cher fanfan.

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Il ne m'appartient nullement de parler des af=faires générales; elles sont trop au-dessus de moi, = j'en ignore absolument l'état je me contente de prier Dieu tous les jours pour leur succès, sans avoir aucune curiosité sur ce qui se passe. Mais Votre Altesse sérénissime électorale veut que je prenne la liberté de lui répondre sur la question = qu'elle me fait l'honneur de me confier, et je vais lui obéir simplement. Il me semble, monseigneur, que le grand intérêt de votre maison est de conserver ses anciens états au centre de l'Empire. La maison d'Autriche peut finir tout-à-coup: alors votre maison se trouvera naturellement à la tête du parti catholique, si elle est rétablie au milieu de l'Allemagne. C'est une espérance assez prochaine, et qui peut mettre tout-à-coup votre mai

son au comble de la grandeur. Vos églises donnent un grand avantage à votre maison pour la mettre à la tête des catholiques mais si votre maison n'avoit plus ses états au centre de l'Empire, on commenceroit à la regarder comme une maison devenue étrangère au corps germanique; et les grands établissements de Votre Altesse électorale se trouveroient inutiles pour votre maison. Je ne sais point ce qu'on offre à Son Altesse électorale de Bavière en la place de ses anciens états; mais je crains que ce qu'on lui offrira en compensation n'ait plus d'éclat que de solidité et de revenu liquide. J'avoue qu'il doit être naturellement touché d'un titre de roi; mais ne peut-il pas l'avoir sans renoncer à ses anciens états? J'avoue que la Bavière, sans le Haut-Palatinat, est un corps démembré; mais s'il faut souffrir cette perte, je compte encore pour beaucoup la Bavière, pour mettre votre maison à la tête du corps germanique, quand le parti catholique voudra prévaloir sur le protestant. Il vous est capital, si je ne me trompe, de demeurer dans l'Empire pour en devenir le chef. Après ces réflexions, proposées au hasard et par pure obéissance, j'ajoute, monseigneur, que vous ne pouvez mieux faire que de confier vos intérêts au roi il est touché du zèle avec lequel Vos Altesses électorales ont soutenu si noblement leur alliance. Sa Majesté aime vos intérêts; elle sait mieux que personne ce qu'elle peut faire. Vous ne voulez ni empêcher ni retarder la paix générale de l'Europe, qui est si nécessaire à toutes les puissances. Ainsi, ce qui vous convient est de prendre vos dernières résolutions avec Sa Majesté. Pour moi, je prie Dieu tous les jours afin qu'il bénisse votre voyage. Vos intentions sont droites; vous voulez le bien de vos églises et de votre maison, qui est si nécessaire au soutien de la catholicité. Son Altesse électorale de Bavière n'a point d'autre intérêt que le vôtre, ni vous d'autre que le sien j'espère que vous ne serez ensemble qu'un cœur et qu'une ame dans la décision que vous allez faire. Rien ne peut jamais surpasser le profond respect et le zèle avec lequel vous sera dévoué le reste de sa vie,

:

etc.

L'électeur de Bavière, et l'électeur de Cologne son frère, furent rétablis dans leurs états par le traité de Bade en 1714, et le prince Charles-Albert, fils et successeur de l'électeur de Bavière, fut couronné empereur à Francfort le 12 février 1742, sous le nom de Charles VII. Par-là se vérifia ce qu'avoit présagé Fénelon. Mais ce prince mourut au bout de trois ans, au plus fort de la guerre occasionée par son élévation à l'Empire.

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La lettre de notre chère malade, datée du 46, me fait entendre, mon très cher fanfan, ce que M. Chirac a pensé. Je suppose que MM. Mareschal, Triboulaut, Guérin, etc., auront pensé de même. Vous jugez bien que j'attends néanmoins avec quelque impatience des nouvelles de leur consultation. Ce que je desire le plus est que ces messieurs profitent au moins du mal qu'ils ont été obligés de vous faire si long-temps, pour découvrir s'il n'y a point, outre les deux esquilles qu'ils ont cru sentir, quelque corps étranger que le coup ait enfoncé bien avant, ou quelque sac de pus et quelque carie de l'os. C'est à vous à les presser avec courage à prendre là-dessus toutes les précautions de leur art. Il faut aussi les faire décider sur le besoin des eaux de Barège, en cas que leurs opérations ne puissent nettoyer le fond de la jambe. Au nom de Dieu, mon cher fanfan, encouragez-les tous à ne vous point flatter, et à prendre le parti le plus sûr. Point de mal à pure perte: mais ne hasardons rien faute de précautions. J'espère que Dieu aura soin de vous, et qu'il sera infiniment plus secourable que les hommes les plus habiles et les plus affectionnés. Je ne puis exprimer toute ma reconnoissance pour notre chère malade : je suis en peine pour elle. Fait-elle ce que M. Chirac lui ordonne? Bonjour, mon très cher fanfan; je vais prêcher.

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Vos souffrances, mon cher petit homme, m'affligent. Je suis bien aise d'apprendre que vous avez plus de patience que moi je serois plus en paix, si je pouvois vous voir, vous secourir par mes soins, et vous soulager; mais il faut que la croix soit complète. Courage, mon très cher fanfan; portons-la de bon cœur plus les douleurs et les sujétions sont longues, plus il est évident qu'il étoit capital d'aller au fond de la plaie. Voilà un temps précieux d'exercer la foi, de sentir la fragilité de toutes choses, et de s'abandonner à Dieu. Je lui demande pour vous la confiance en lui, et une humble patience : la patience vaine seroit un poison. Je suis charmé et attendri des soins de notre chère malade; je ressens ses peines. Que vous êtes heureux d'être entre ses mains! Que je lui ai d'obligations!

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Je souffre, mon très cher fanfan, de vous savoir dans la douleur; mais il faut s'abandonner à Dieu et aller jusqu'au bout. Le courage humain est faux; ce n'est qu'un effet de la vanité; on cache son trouble et sa foiblesse : cette ressource est bien courte. Heureux le courage de foi et d'amour! il est simple, paisible, consolant, vrai et inépuisable, parce qu'il est puisé dans la pure source. Que ne donnerois-je point pour vous soulager! Je ne voudrois pourtant vous épargner aucune des douleurs salutaires que Dieu vous donne par amour. Je le prie souvent pour vous; je vous porte chaque jour dans mon cœur à l'autel, pour vous y mettre sur la croix avec Jésus-Christ, et pour vous y obte nir l'esprit de sacrifice : il n'y a que le détachement qui opère la vraie patience. O mon cher enfant, livre-toi à Dieu; c'est un bon père qui te portera dans son sein et entre ses bras. C'est en lui seul que je t'aime avec la plus grande tendresse.

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J'attends, mon très cher fanfan, des nouvelles de cette dernière opération qui devoit achever de découvrir l'os. Le point capital est de ne laisser rien de douteux, et d'avoir une pleine certitude d'avoir bien vu le dernier fond, pour ne s'exposer point à lui laisser ni carie, ni fente de l'os, ni esquille, ni sac, ni corps étranger; autrement nous courrions risque d'être encore bientôt à recommencer. Puisque vous vous êtes livré patiemment à une si rude et si longue opération, il faut an moins en tirer le fruit, et ne gâter rien par la moindre précipitation. Ce que je crains est qu'on ne puisse pas tirer les esquilles ou corps étrangers. et qu'on n'ose aller assez avant pour les détacher, de peur de blesser les vaisseaux sanguins. Pour la carie, l'application du feu la guérit. Il y aura seulement l'exfoliation de l'os à attendre; mais dès qu'elle sera faite, et que le fond demeurera sain les chairs croîtront bientôt, et la guérison radicale sera prompte. Il est question de nettoyer patien ment le fond: il n'y a rien de pénible et de long || qu'il ne fallût souffrir pour en venir à bout sans ¦ aucun doute. Le Dieu de patience et de soulagement vous soutiendra, si vous êtes fidèle à le cher

Il le prémunit contre le poison des amitiés mondaines, l'engage à s'ouvrir avec simplicité aux vrais amis.

A Cambrai, 28 mars 1745.

que

et

Bonsoir, mon cher fanfan je suis en peine de ta longue souffrance pour ton corps et pour ton esprit : des marques de considération diverses gens te donnent, la dissipation, la vanité, le goût du monde, sont encore plus à craindre que les caustiques. Garde-toi, petit fanfan, du poison doux et flatteur de l'amitié mondaine. Il faut recevoir avec politesse, reconnoissance, et démons

cher souvent au-dedans de vous avec une confiance | besoin que ceux qui l'exercent lui en fassent; car il filiale. A quel propos disons-nous tous les jours: est en soi bien douteux, et souvent exercé par des Notre père qui êtes aux cieux, si nous ne voulons hommes superficiels. Les systèmes ne sont que de pas être dans son sein et entre ses bras comme des beaux romans, et les expériences demandent une enfants tendres, simples et dociles? Comment êtes- patience avec une justesse d'esprit qui sont très vous avec moi, vous qui savez combien je vous rares parmi les hommes. Bonsoir, très cher fanfan. aime? Oh! combien le Père céleste est-il plus père, 293. plus compatissant, plus bienfaisant, plus aimant AU MÈME. que moi! Toute mon amitié pour vous n'est qu'un foible écoulement de la sienne. La mienne n'est qu'empruntée de son cœur ; ce n'est qu'une goutte qui vient de cette source intarissable de bonté. Celui qui a compté les cheveux de votre tête, pour n'en laisser tomber aucun qu'à propos et utilement, compte vos douleurs et les heures de vos épreuves. Il est fidèle à ses promesses et à son amour; il ne permettra pas que la douleur vous tente au-dessus de ce que vous pouvez souffrir; mais il tirera votre progrès de la tentation ou épreuve. Abandonnezvous donc à lui; laissez-le faire. Portez votre chère croix, qui sera précieuse pour vous, si vous la por-trations propres à contenter le monde ce que le tez bien. Apprenez à souffrir; en l'apprenant, on apprend tout. Que sait celui qui n'a point été tenté? Il ne connoît ni la bonté de Dieu, ni sa propre foiblesse. Je suis ravi de ce que vous vous accoutumez à parler à cœur ouvert à la bonne duchesse (de Chevreuse); elle vous fera du bien. L'exercice de la simplicité élargit le cœur ; il s'étrécit en ne s'ouvrant point. On ne se renferme au-dedans de soi même que pour se posséder seul par une jalousie d'amour-propre et par une honte d'orgueil. Je reçois avec grand plaisir ce que vous me mandez sur vos deux frères. Il m'est impossible de les inviter à venir cette semaine, où nous aurons le sacre de M. d'Ypres1, avec beaucoup d'étrangers et d'embarras; mais ensuite je prendrai des mesures pour

les avoir en liberté et avec une amitié cordiale.

Je vous prie de faire dire à madame la duchesse de Béthune, comme vous n'êtes pas en état de l'aller voir, combien je suis en peine de sa santé, et plein de zèle pour ce qui la regarde. Je suis très dévoué à elle et à M. son fils.

Mille amitiés à notre chère malade, dont les soins surpassent ce qu'on auroit pu imaginer: Dieu le lui rende! Je suis en peine de sa triste santé.

L'abbé de Beaumont est mieux,

Mille remercîments à M. Chirac. Il doit être plus touché de mes sentiments que de ceux d'un autre: non-seulement il fait plaisir de près, mais encore il charme de loin. Je voudrois bien connoître un tel homme il fait honneur à un art qui a grand L'abbé de Laval, qui avoit été chanoine et grand-vicaire de Cambrai.

monde fait d'obligeant; mais il faut réserver la vraie ouverture et la sincère union de cœur pour les vrais amis, qui sont les seuls enfants de Dieu : par exemple, tu trouveras, dans madame la duchesse de Mortemart et dans un très petit nombre d'autres personnes, ce que les plus estimables amis mondains ne peuvent te donner. Il faut l'ouvrir avec ces bonnes personnes, malgré ta répugnance à le faire. D'un côté, cet effort sert à élargir le cœur, à mourir à la propre sagesse, et à se déposséder de soi. D'un autre côté, vous avez besoin de trouver à Paris des amis de grace qui remplacent le petit secours que je tâche de vous donner quand vous êtes ici, et qui vous nourrissent intérieurement. Faute de cette union, tu tomberas insensiblement dans un vide, un dessèchement et une dissipation dangereuse, Le chevalier est bon, tu peux en faire un grand usage; mais madame de Mortemart te feroit encore plus de bien, quoique je ne songe nullement à faire en sorte que tu prennes d'elle des conseils suivis. Pense-s-y devant Dieu, fanfan, sans t'écouter, et n'écoutant que lui. Je t'aime plus que jamais. Tu ne pourrois comprendre la nature de cette amitié : Dieu, qui l'a faite, te la fera voir un jour. Je te veux à lui, et non à moi; et je me veux tout à toi par lui.

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et

Je suis ravi, mon très cher fanfan, de votre pa

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