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n'a pas égalé encore le cantique de Moïse au passage de la mer Rouge, l'ode magnifique qu'on pourrait appeler son chant de mort, l'originalité sublime du livre de Job, ni les hymnes du roi prophète. Belle, mais souvent âpre et gigantesque, la poésie lyrique des Hébreux dut ce caractère sans doute à l'influence d'un climat sévère, à des circonstances presque toujours douloureuses, à d'amers souvenirs d'oppression et d'esclavage, et enfin à l'inspiration vive et brûlante (quelle qu'ait été sa nature) qui présida à la plupart des compositions hébraïques. Transportée de l'Orient chez les Grecs, qui professaient le culte de la beauté, la poésie lyrique fut brillante, pompeuse, eut la majestueuse élégance de la sculpture, et s'associa aux fêtes publiques. Alcée la fit naître fière et armée; appelée par Tyrtée à la défense de la patrie, elle enfanta des héros; sur le luth d'Anacreon, elle ne chanta que le plaisir, et fut gracieuse comme un printemps de l'Attique; consacrée par Pindare aux jeux Olympiques, solennités dont l'influence morale était immense, elle redevint nationale, et eut alors une sublime perfection de formes mais ce ne fut plus, chez ce poète, qu'une beauté d'athlète. Admise par Eschyle dans la tragédie, elle y introduisit son caractère patriotique, qu'elle conserva toujours. Elle s'éteignit avec l'indépendance de la Grèce pour se réveiller chez les Romains, lorsque finissait la liberté de Rome. Elle prit tous les tons sur la lyre

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d'Horace, fut tour-à-tour sérieuse et enjouée, se consacra à la sagesse et au plaisir, emprunta ses sujets à Rome et à la Grèce, à la fable et à l'histoire, et eut pour but principal de plaire et de consoler.

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« C'est dans ses odes surtout qu'Horace est entièrement original comme écrivain, comme versificateur. Catulle avait, il est vrai, avant lui, adapté à la langue latine la mesure des vers lyriques de la Grèce; mais ce poète, dont les essais en ce genre ne furent pas heureux, et dont l'élégante pureté est trop souvent dénuée de force et d'harmonie, semble avoir cédé la gloire de l'invention à l'écrivain vraiment créateur qui, loin de montrer aucune gêne sous les entraves d'un rhythme encore inconnu, paraît au contraire puiser dans les difficultés mêmes de ce rhythme les beautés les plus variées et les plus neuves.

« Le langage dont Horace se sert semble lui appartenir en propre; en soumettant la poésie latine à la vivacité des mètres grecs, il lui donna un nouvel aspect, lui imprima un nouvel essor. Quel puissant secours ne prêtait point le mouvement pittoresque de ces mètres gracieux aux pensées vives du poète et aux richesses de cette langue pour ainsi dire colorée, qui, à la fois féconde et concise, gracieuse et ferme, était si digne d'une nation, la plus rapide des nations conquérantes, et chez laquelle la rudesse stoïque de Sparte se trouvait réunie aux grâces aimables d'Athènes !

Horace. I.

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Aussi le talent d'Horace a-t-il un type particulier d'éclat, d'abondance et de vigueur; aussi est-ce sans contredit le poète latin dont l'on a retenu le plus de vers: c'est celui peut-être qu'on aime le mieux à relire. On se rappelle tous ses termes, depuis les plus hardis jusqu'aux moins saillans : chez tous les peuples civilisés, il a obtenu la même estime, la même gloire, la même popularité; nonseulement les savans, mais les gens du monde, mais tous ceux dont l'esprit a reçu quelque culture, se sont familiarisés avec lui; partout où la littérature est en honneur, ses vers ont pris place parmi les productions indigènes; il est devenu un écrivain national, un poète du pays'. »

Voilà ce que j'écrivais sur Horace il y a six ans; je relis ces pages, et je trouve qu'elles contiennent sur ce poète toute ma pensée. De nouvelles études ont fixé mon attention sur le chantre de Tibur; un nouveau travail a rendu plus intimes ces rapports qu'avaient établis entre lui et moi mes premiers travaux sur ce poète inimitable, et je trouve que mes impressions sont toujours les mêmes; j'ai pu me tromper, mais je n'ai rien à changer au jugement que je portais alors sur son caractère et sur son génie.

Si l'admiration qu'Horace a inspirée et inspire encore est unanime, il est un fait non moins unanimement reconnu : c'est l'extrême difficulté de

1 Préface de ma traduction en vers; 2o édition, un vol. in-8°, 1824.

reproduire, soit en prose, soit en vers, ces chants inspirés où la pensée est si souvent inséparable de la forme, du rhythme et du coloris.

Plusieurs fois des critiques, se fondant sur l'extrême variété des poésies d'Horace, sur la merveilleuse souplesse avec laquelle il change de physionomie et de ton, enfin sur cette réunion de qualités si diverses qui ne sont point d'ordinaire le partage d'une seule organisation, et où semblent respirer plusieurs individualités, avaient exprimé la pensée qu'Horace ne pouvait être traduit par un seul écrivain, et formé le vœu que plusieurs se réunissent et se partageassent les productions de ce poète, selon leurs sympathies d'hommes et d'artistes, et la nature de leurs talens. La traduction que nous publions réalise en partie ce désir.

En effet, M. PANCKOUCKE a conçu l'heureuse idée de faire coopérer à une traduction d'Horace plusieurs écrivains réunis par leur admiration pour ce poète et le désir de lui payer un tribut d'hommages. Des hommes illustres à juste titre par l'importance et l'éclat de leurs travaux, ont bien voulu joindre leurs efforts aux miens, et je dois leur adresser ici mes remercîmens publics, tout en leur exprimant le vif regret que, dans ce partage des poésies d'Horace, ils aient laissé la plus forte tâche au moins capable de la remplir avec succès.

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Il est naturel que, dans cette traduction faite en commun, chacun ait choisi ses odes de prédilec

tion: chacun aussi les a traduites avec amour. Dans le choix des morceaux et la signature des traducteurs, le public remarquera souvent des rapports justement prévus, ou des contrastes singuliers en apparence. Ainsi personne ne sera surpris de voir le nom de M. Andrieux au bas de cette ode à Licinius, où Horace chante avec une si douce persuasion les avantages de la modération dans les désirs. C'est l'auteur de ces contes charmans où respire une philosophie si pure et si touchante, qui traduisait alors notre poète; mais quand M. Andrieux nous a reproduit cette belle ode à Lollius, où Horace célèbre en poète la puissance de la poésie, c'est l'auteur de Junius Brutus qui alors tenait la plume du traducteur.

L'énergique et habile peintre de Germanicus, des Vénitiens, et de tant de productions mâles et sévères, a choisi, entre autres morceaux, l'ode à Sestius, sur le Printemps. On pourrait s'en étonner, si l'on ne savait depuis long-temps que l'auteur de Marius a aussi produit cette délicieuse fable de la Feuille, dont se serait glorifié La Fontaine, si La Fontaine avait pu se glorifier de quelque chose.

Un homme trop tôt enlevé du milieu de nous, M. Daru, nous avait promis quelques odes et la traduction d'une épître. Quelques jours avant la mort cruelle qui priva la patrie d'un de ses meilleurs citoyens, et la littérature d'une de ses illustrations les plus pures, M. Daru avait tenu sa parole avec cette exactitude consciencieuse qui le

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