Obrázky na stránke
PDF
ePub
[ocr errors]

rienne, laquelle possède deux prépositions dérivées de ladite racine, savoir: ina (forme masculine de l'hébreu étinat) « dans, de », et ana ‹ à, vers »>, formée comme le syriaque 'ada 'ad, de 'ady. L'origine arabe reste seule admissible, et il demeure acquis que le figuier est originaire d'Arabie, notamment de la région habitée par les Bahrâ, branche des Quçà'a, qui se distinguaient par ce fait qu'ils prononçaient yiqtulu au lieu de yaqtulu, fait qui explique la vocalisation ti'n pour ta'n. D'après M. Sprenger, les Quçâ'a sont venus, de bonne heure, de la côte sud-est de l'Arabie; quant aux Bahrá, appelés anciennement Bahrân, ils vivaient du temps de Mohammed dans la plaine de la Colésyrie, mais on ignore où ils habitaient auparavant. C'est donc de cette contrée arabe que le figuier, nom et chose, a dû passer chez les autres peuples et dans les autres territoires sémitiques.

Pour ce qui concerne le sens du mot, M. de L. ayant prouvé par de nombreux exemples tirés des meilleurs écrivains arabes que la racine any signifie il était temps, il s'est approché (es war Zeit, es kam nahe), est porté à expliquer la forme demi-participielle ti'n par << arbre qui ne mûrit ses fruits qu'après avoir été rapproché d'une autre chose der Baum welcher nur durch Zugesellung Früchte trägt). C'est en effet la particularité du figuier, signalée déjà par Aristote, Théophraste, Pline et les auteurs des Géoponiques, particularité qui consiste à avoir besoin pour mûrir ses fruits de l'adjonction des figues mâles ou caprifigues, en grec èpivecí. Si l'on peut expliquer tibn par « ce avec quoi on construit,» on peut également prendre ti'n dans le sens de « ce au devant de quoi on apporte quelque chose» (das dem zu seinem Gedeihen entgegengebracht wird). Le mot isolé hébreu to'anâ (= ta'anat) « occasion, prétexte » qui doit être considéré comme la forme israélite du ti'nat quçáite, permet peut-être d'envisager le figuier comme un arbre qui a besoin pour ainsi dire d'une occasion, d'un prétexte, pour mûrir ses fruits ou pour les conserver. Le nom de la figue balas confirme également l'origine arabe du figuier, attendu que, en vertu de l'équation sch hébreus arabe, la racine hébraïque bls semble être empruntée à l'arabe.

M. de L. présente toutes ces considérations non-seulement sous une forme dubitative, mais il a soin de solliciter à plusieurs reprises l'avis de ses lecteurs, fût-il même contradictoire sur tous les points. Cela m'encourage à présenter quelques légères observations, non pour émettre une opinion, mais pour soulever une question de principe qui m'a été suggérée par quelques publications récentes sur la haute antiquité des races civilisées, question qui tend à s'assurer si la philologie est réellement apte à résoudre les problèmes préhistoriques qu'on lui demande. Je ne crois pouvoir mieux expliquer ma pensée qu'en opposant avec doute, bien entendu, deux considérations, également fortes et contradictoires, à l'argumentation irréprochable qu'on vient de lire.

Premièrement : Le mot ti'n est probablement araméen. Il y a plus

que de la vraisemblance à supposer que la racine any « rapprocher », qui est usitée dans les langues sœurs, l'ait aussi été dans l'araméen antique dont nous ne possédons que des restes infimes. Quant à la forme, la vocalisation ti'n[tâ] coïncide parfaitement avec la forme verbale, yiqtul yeqtul propre à l'araméen, fait qui ne s'observe ni dans le te'ên hébreu ni dans le tîn arabe. N'est-ce pas une présomption favorable à l'origine araméenne du figuier?

Deuxièmement Le mot ti'n est probablement hébreu. Pour la charpente consonnantique, il est avéré que la racine any s'emploie dans plusieurs voix verbales et l'emploi ancien du qal est attesté par la forme demi-participielle to'anâ. En ce qui concerne la vocalisation te'énâ pour tô'ná, la raison en semble résider, d'une part, dans la nécessité de le distinguer du mot tố'aná précité lequel a un sens différent, de l'autre, dans l'assimilation par analogie aux mots 'abêdâ, genébá, serêphá, car le caractère adventice du t initial de ce mot devenu un substantif concret a été entièrement oublié. La coexistence des mots te'ênâ et tổ'aná qui servent à expliquer l'un l'autre, toute particulière à l'hébreu et inconnue aux langues sœurs, semble ajouter un poids considérable à l'hypothèse de l'origine hébréo-phénicienne du figuier.

Nous voilà donc en présence de trois solutions bien divergentes, fondées sur des argumentations philologiques également correctes, au moins en apparence, les unes et les autres; mais quel est le critérium qui pourra fixer et bien fixer notre choix?

Obligé de réduire considérablement nos ambitions d'archéologue, nous ne demanderons à la philologie que ce qu'elle peut nous donner et nous maintenons comme une précieuse acquisition l'interprétation du mot ti'n présentée par M. de Lagarde. Que le figuier soit originaire de la Mésopotamie, de la Syrie ou de l'Arabie ou bien commun à tous ces pays, une chose est sûre, c'est que le nom de cet arbre et de son fruit rappelle une opération d'arboriculture qui suppose une longue série de tentatives en vue de perfectionner un produit de la nature. Les ancêtres des Sémites qui ont donné un nom au figuier, étaient déjà bien loin des ages primitifs; de plus, ils étaient sédentaires et adonnés à la culture du sol, car le nomade est tout ce qu'il y a de plus indifférent aux expérimentations botaniques. Ce résultat rectifie d'une manière remarquable les idées que certaines écoles ont propagées sur le caractère fondamental de la race sémitique c'est toujours une erreur de moins au passif de l'ethnologie.

M. de L. termine son savant mémoire par des remarques sur trois autres mots sémitiques : l'arabe 'Afår et Markh, noms des deux morceaux de bois par le frottement desquels on produit du feu, les mots syriaques Nisseyôn et gilleyón et l'hébreu 'ânî. L'auteur montre que 'Afar est la prononciation incorrecte de 'Athtar Astarte, en sorte que ce nom désigne le bois inférieur, la femme, et celui de March, le bois supérieur, l'homme. Quant aux mots syriaques précités, ils viennent

[ocr errors]

directement de l'hébreu, tandis que les formes proprement syriaques sont gilleyán, nusseyân. La troisième proposition, d'après laquelle l'hébreu ání = çanúa a modeste » serait d'origine araméenne, me paraît moins probable.

Je complèterai ce compte-rendu par quelques remarques sur divers points traités en second ordre par M. de Lagarde.

[ocr errors]

P. 369. A côté de la forme hébraïque te'ên, on aurait dû mentionner la forme phénicienne t, y, n qui figure sur une inscription de Carthage, et en déterminer la vocalisation'.-P. 373. Si je ne me trompe, le persan tádj= tâg « couronne » a été rapproché du perse taka, qui figure dans le composé takabara, mais je ne saurais dire si c'est avec raison. En tout cas, le peuple frère des Perses, les Mèdes, qui avaient depuis longtemps des rois, devaient avoir un mot propre pour « couronne », et ne pas être réduits à emprunter un mot étranger; ou bien, si nécessité il y avait, ils auraient certainement accueilli le mot populaire assyrien agu, au lieu d'en créer une forme tág qui n'existe nulle part.-P. 375. La vocalisation ta'anâ Jérémie, 11, 24) semble très exacte, témoin les formes analogues ta'awa, ta' alá. P. 380. L'hébreu mischnaïtique possède un mot ribqâ qui désigne l'endroit de l'aire où les vaches attendent chacune son tour pour battre le blé; ceci motive l'explication de Philon: Pe6exx noрový. P. 383. Le mot unique to anâ (Juges, xiv, 4) est communément traduit par occasion, prétexte », mais le contexte exige le sens de « querelle, dispute, chicane » qu'il a du reste chez les talmudistes, lesquels voient dans le choix des ceintures en feuilles de figuier, te'êná (Genèse, 1, 7) une allusion aux ennuis, to'anâ, que le péché des ancêtres a apportés à leurs descendants. Dans ce cas, il y aurait entre te'êná et tổ'aná un parallélisme analogue à celui qui s'observe entre èpivség et epig. La nuance du dernier mot pourrait aussi résider dans Εριννύς = sanser. saranyu et le sens primitif de tous serait «< accourir ou s'approcher rapidement 3». — P. 388. En admettant que le rapprochement de répa « roche, pierre >> et de répa = allem. Feder « ce qui traverse en volant, plume » soit exact, les interprétations mythologiques de Kuhn resteraient encore à démontrer, attendu que ce nom peut avoir désigné primitivement la pierre de fronde et ne s'être généralisé que plus tard. Pp. 391-394. Je suis frappé de la difficulté que les commentateurs européens — je n'ai lu que les commentaires juifs- trouvent dans cette circonstance que les feuilles de figuier ne peuvent ni être cousues ni servir à couvrir le corps. Je crois que cette difficulté n'existe proprement pas, car, d'une part, le verbe taphar ne

D

3

1. Ce passage porte: weTYN yae laban laqa'hat tischqod « tu auras soin de prendre une belle figue blanche ». Le y paraît être une consonne, attendu que l'orthographe phénicienne marque très rarement les voyelles longues au moyen des lettres faibles.

2. Midrasch Rabbá I, chapitre 11.

3. Cf. le verbe hébreu qârab « s'approcher » qui produit le substantif qerab « dispute, querelle, lutte ».

[ocr errors]

signifie pas seulement coudre, mais aussi « attacher, lier» (Job, xvII, 15), de l'autre, le mot 'alé n'est pas seulement la feuille, mais aussi la branche avec ses feuilles (Néhémie, vIII, 15). P. 398. L'heureuse interprétation que M. de L. donne à 'Afâr 'Athtar me conduit à penser que le nom du bois supérieur Markh ne doit pas être séparé de Mirrîkh, la planète Mars. La réunion de 'Athtar et de Mirrîkh dans les légendes arabes offre donc une très intéressante analogie à la réunion d'Arès et d'Aphro dite dans la mythologie grecque. En ce qui concerne le nom de Mirrîkh, qui n'a certainement rien à faire avec la racine marakha, j'inclinerais à y voir l'altération du nom mandéen de Mars, Nirîg (= Nergal), résultant des formes équivoques de l'écriture arabe. Je soumets ce sentiment au jugement de M. de Lagarde. — Pp. 398-400. Le h final de 'Atar'atê indique probablement la voyelle é, comme le prouve la transcription grecque 'A0. Strabon a déjà remarqué que la forme grecque 'Ataypatis était corrompue et que la forme vraie du premier élément était 'A0apa. Simplicius, qui interprète Αταράτη par τόπος Θεῶν, commet la même erreur que celle dans laquelle tombent d'ordinaire, par exemple, Philon et Josèphe, lorsqu'ils expliquent les noms propres hébreux d'après leur son sans avoir égard à l'orthographe. - P. 405. Je ne crois pas qu'on doive voir dans le du mot hébreu 'ânáw « humble, modeste », qui est toujours orthographié sans yod, la trace de l'antique désinence du nominatif u; les formes moabites waye'annéw, 'a'annêw font voir que le west radical.

En terminant, je tiens à cœur d'exprimer le désir que les ouvrages de M. de Lagarde soient mieux connus chez nous. Il serait très regrettable que des recherches aussi originales, aussi pleines de faits que celles dont cette dissertation présente le type accompli, demeurâssent ignorées de nos sémitisants.

J. HALÉVY.

45.

--

Chartes de Terre-Sainte, provenant de l'abbaye de N.-D. de Josaphat, publiées par H.-François DELABORDE, ancien élève de l'Ecole des Chartes, ancien membre de l'école française de Rome (Bibliothèque des écoles françaises d'Athènes et de Rome, 19e fascicule). Paris, Thorin. 1880, in-8°, 153 pages.

Pour écrire l'histoire des croisades et du royaume latin de Jérusalem, on a employé exclusivement jusqu'ici les chroniques, les lettres, les relations de toute espèce dont on possède une si grande quantité; le nombre des documents diplomatiques relatifs à ce sujet est, au contraire, extrê mement restreint. Cette disette de textes administratifs et judiciaires nous prive de renseignements sur l'organisation du pays par les croisés, sur la condition des terres et des personnes dans le royaume de Jérusalem. Nous avons, il est vrai, les Assises de Jérusalem, texte incomparable au point de vue législatif, mais qui aurait, sur plus d'un point, besoin d'ê

tre complété et contrôlé à l'aide des chartes privées. Jusqu'ici il n'a été publié que deux recueils importants de textes relatifs à la Terre-Sainte, let Cartulaire du Saint-Sépulcre, édité par M. de Rozière, et le chartrier de l'ordre Teutonique, par M. Strehlke. Cette pénurie de textes tient à la dispersion des documents, plutôt qu'elle ne prouve leur destruction; sans doute, beaucoup d'archives ecclésiastiques et seigneuriales ont dû disparaître lors de la conquête sarrasine et de la perte de Jérusalem; mais les monastères latins, qui survécurent à cette première invasion, eurent tout un siècle pour mettre leurs chartes en sûreté, et nul doute qu'on ne retrouve bonne partie de ces documents dans quelque petite ville d'Espagne ou d'Italie '.

La découverte faite en 1878 à Palerme par M. le chanoine Carini du chartrier de l'abbaye de Josaphat est de nature à entretenir cet espoir chez tous les érudits qui s'occupent de l'histoire de l'Orient latin. On savait par Pirri, auteur du Sicilia sacra, que le dernier abbé de Josaphat avait, quelques mois avant la prise d'Acre par les Sarrasins en 1291, transporté en Sicile, où depuis longtemps le couvent possédait de grands domaines, les reliques et le trésor sauvés en 1187; mais jamais on n'avait cherché dans cette direction les débris des archives de Josaphat. L'heureuse trouvaille faite en Sicile fut bientôt connue de tous les érudits. M. Delaborde, alors à Rome, n'hésita pas à faire le voyage de Palerme pour examiner ces documents, et, grâce à l'obligeance de M. Carini, il a pu ajouter quelques textes intéressants au Cartulaire du Saint-Sépulcre et aux Tabulae de Strehlke.

Les chartes publiées par M. D. sont au nombre de cinquante-neuf, comprises entre 1112 et 1289; la plupart sont vraiment intéressantes, soit pour l'histoire du royaume latin, soit pour celle des institutions qui, pendant quatre-vingt-dix ans, régirent la Syrie. On peut regretter, avec M. le comte Riant, que M. D. n'ait pas donné quelques indications sur les autres pièces inédites restées à Palerme; nul doute qu'il n'eût trouvé dans ces actes, tous siciliens, beaucoup de faits intéressant l'histoire. de l'Orient latin et des croisades. Sur cinquante-neuf actes publiés par M. D., cinquante-six existent en originaux à Palerme; l'éditeur a consacré à leur étude diplomatique une partie de sa préface, et a pu ajouter beaucoup de choses à ce que l'on savait avant lui sur la chancellerie des rois de Jérusalem; l'écriture élégante des deux chartes, dont le fac-similé est joint au volume, prouve que cette chancellerie employait des scribes. exercés et soigneux.

Celui qui jugerait la publication de M. D. d'après un article de critique, publié par M. l'abbé Ulysse Chevalier dans le Bulletin critique de littérature, d'histoire et de théologie, 15 déc. 1880-1er janvier 1881, risquerait de s'en faire une idée assez fausse. L'éminent bibliographe a eu

1. Voir, à ce sujet, un article de M. le comte Riant, Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1881, pp. 13-18.

« PredošláPokračovať »