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évidemment de fortes distractions en écrivant cet article et beaucoup des critiques de détail qu'il adresse à l'auteur tombent à faux. Au fond, un seul de ces reproches méritait d'être formulé: la transcription des textes paraît en effet assez négligée; en collationnant sur les fac-similés les chartes IV et V, on s'aperçoit tout de suite que M. D. a lu trop vite et a commis beaucoup d'inexactitudes, plus même que des inexactitudes : des mots ont été passés, d'autres changés; je laisse de côté les changements d'orthographe, qui sont beaucoup moins importants. La chose est certainement regrettable, mais on peut remarquer que les textes publiés étant tous en latin, pourront néanmoins être employés par les historiens de Terre-Sainte. Il est vraiment regrettable que M. D. ait dû, faute de temps, transcrire ces textes si rapidement et qu'il n'ait pu faire corriger ses épreuves sur les originaux.

Une fois cette critique, assez sérieuse, il est vrai, formulée, nous n'avons guère que des éloges à donner à la publication de M. D.; les notes historiques et chronologiques mises par lui au courant du volume sont pour la plupart très nettes et concluantes, et ni ces notes, ni la préface ne méritaient les rigueurs de M. l'abbé Chevalier. Dans cette préface, l'auteur raconte l'histoire des archives de Josaphat, donne quelques indications sur la diplomatique des rois latins, dont le volume renferme douze diplômes originaux, sur les sceaux qui, malheureusement, ont tous disparu aujourd'hui ; remarquons que les bulles ou sceaux de plomb étaient d'un grand usage en Palestine. M. D. relève ensuite les noms que les chartes de Josaphat permettent d'ajouter aux listes des Familles d'Outre-Mer de Du Cange, additions qui complètent sur certains points cet excellent ouvrage, dont le seul tort est de dater de deux siècles. L'auteur ne parle pas de l'état des terres et des personnes, sans doute parce qu'il a remarqué le petit nombre d'indications fournies à ce sujet par les chartes. Nous reconnaissons que ces indications sont en petit nombre, les actes qui les contiennent n'étant ni les plus nombreux ni les plus longs. Nous regrettons pourtant cet oubli; en deux ou trois pages, M. Delaborde eût dit ce qu'il y avait à dire et eût épargné au lecteur une perte de temps. Les futurs historiens de la Terre-Sainte trouveront dans les Chartes de Josaphat quelques faits intéressants sur l'état des terres, les tenures, l'aliénation des fiefs, les redevances, etc. La lecture de ces textes nous a permis de reconnaître que le régime féodal, tel qu'il fonctionnait en Palestine, était celui du nord de la France, ce qui, du reste, n'a rien d'étonnant, vu la nationalité de la plupart des princes syriens.

A. M.

46.

Claude Baduel et la Réforme des études au XVIe siècle par M. J. GAUFRÈS. Ouvrage couronné par l'Académie de Nîmes. Paris, Hachette, in-8° de x-354 p.

Je suis bien en retard avec le livre de M. Gaufrès. De longs voyages,

de grands travaux, des fatigues excessives, m'excuseront, je l'espère, auprès de l'auteur, comme auprès de la Revue critique. Du reste, je déplorerais beaucoup plus mon involontaire inexactitude, si l'ouvrage dont je puis enfin m'occuper n'avait déjà fait son chemin et si les tardifs. éloges que je viens lui donner n'étaient, en quelque sorte, superfius. Comment le livre de M. G. n'aurait-il pas été très goûté? Le sujet est des plus intéressants; il a été traité non-seulement avec conscience, mais avec amour. L'auteur, à force de patientes recherches, a trouvé une foule de choses nouvelles. Son style a du mouvement, de la chaleur, de l'éclat. Rien, en un mot, ne manque à sa monographie de ce qui constitue à la fois un agréable et excellent travail.

La vie de Claude Baduel (né à Nîmes en 1491, mort à Genève le 8 septembre 1561) était imparfaitement connue. M. G. n'a négligé aucune recherche pour nous faire bien connaître cette vie qui fut si tourmentée. Les livres rares, les documents inédits lui ont fourni toutes sortes de particularités curieuses; il s'est surtout avantageusement servi des lettres familières du savant humaniste qui ne nous sont parvenues au nombre de 124 que dans une belle copie du xvire siècle conservée à la bibliothèque de la ville d'Avignon (Epistolæ familiares et orationes) 2. Sur la naissance de Baduel, sur sa famille, sur ses voyages, sur son professorat, sur son rectorat, sur ses amis, sur ses adversaires, sur ses disciples, sur ses procès, sur ses ouvrages, sur ses idées, sur sa fin, il a réuni des renseignements non moins fidèles que nombreux. Autant les récits antérieurs étaient défectueux, autant ses propres récits sont irréprochables. Ce n'est pas seulement dans la biographie de Baduel que M. G. se montre sûrement informé : c'est aussi dans sa description de Nîmes en 1540, dans son étude sur l'université et le collège des arts de cette ville, qui est sa ville natale, et dont il parle avec une sympathie communicative, dans son histoire des études classiques en France, histoire où, pour la première fois, a été signalée l'influence exercée sur le développement de nos études secondaires par les universités des Bays-Bas, de l'Alsace et de la Suisse française, dans sa notice très considérable sur Guillaume Bigot, l'odieux rival de Baduel 3, dans ses notices

1. Dans le Moréri de 1759, quatre lignes seulement sont accordées à Baduel. Les articles de la Biographie universelle et de la Nouvelle biographie générale sont un peu plus longs, mais ils ne nous apprennent pas grand'chose. L'article du Dictionnaire critique de Bayle n'a pas été cité par M. G., lequel ne cite pas non plus les Remarques de l'abbé Joly sur ce Dictionnaire. Quant à l'article de la nouvelle édition de la France protestante, il a été rédigé d'après des notes communiquées par M. G. lui-même.

2. Voir, sur ce manuscrit, un court passage de la préface (p. 1x), un passage plus étendu (p. 293).

3. M. G. dit (p. vi): « Baduel fut un autre Ramus dont Bigot fut, à certains égards, le Charpentier. « Cette comparaison était imprimée avant que M. Joseph Bertrand eût établi, dans la Revue des Deux-Mondes, que les torts de Charpentier ont été infiniment exagérés.

plus rapides sur Jean de Mansancal, premier président du parlement de Toulouse, Jean de Téronde, Morlet, René Gasne, le naturaliste Guillaume Rondellet, le fondateur de l'ichthyologie, Gabriel Isnard, François de Valériole, médecin d'Arles, Renaud d'Alen, etc.

Un des plus grands attraits du livre que j'examine, c'est son extrême variété. M. G. nous transporte un peu partout sur les pas de son héros; à Toulouse, à Paris, à Louvain, à Wittemberg, à Bruges, à Strasbourg, à Carpentras, à Montpellier, à Lyon, à Genève. Il nous présente successivement je ne sais combien de personnages célèbres avec qui Baduel fut en relation, Jean Sturm, Philippe Mélanchton, Marguerite de Navarre, la sœur de François Ier, Louis Vivès, Guillaume Budé, Jean Calvin, le cardinal Sadolet, Jean de Saint-Gelais, évêque d'Uzès, Guillaume Pellicier, évêque de Montpellier 2, Jean de Lettes, évêque de Montauban, l'actif et habile imprimeur Sébastien Gryphius, etc. On ne pourra désormais s'occuper de la plupart de ces personnages sans consulter le livre de M. Gaufrès. Mais ce livre devra surtout être cité avec honneur et avec reconnaissance par tous ceux qui s'occuperont de ces essais de rénovation scolaire « qui se relient étroitement au grand mouvement de la Renaissance, » et, pour mieux dire, par tous ceux qui voudront étudier la marche des idées, le progrès de l'esprit public au XVIe siècle.

L'Appendice (pp. 289-354) est d'une richesse extrême. Les renseignements et documents qui y sont reproduits sont à la fois le complément et la justification du récit. Parmi les documents justificatifs, on remarque ceux qui ont autorisé l'auteur à s'écarter sur certains points de Ménard, le savant historien de Nîmes, et des écrivains qui l'ont suivi (Documents relatifs au collège des Arts, tirés des archives municipales de Nîmes, pp. 341-350). Les listes analytiques des ouvrages de Baduel (pp. 291-293) et des ouvrages de Bigot (pp. 304-306) sont dressées avec beaucoup de soin et seront précieuses pour les bibliographes. Les spécimens des écrits des deux professeurs (pp. 294-303 et 306-323) seront lus avec d'autant plus de curiosité, que ces écrits sont moins accessibles, et que, dans le livre même, les extraits de ces écrits ont été traduits et souvent abrégés. Mentionnons, à la suite de ces spécimens, deux lettres adres

1. M. G. reproduit (pp. 28-30) une lettre de recommandation de Mélanchton à Marguerite, en faveur de Baduel, et (p. 35) une lettre de recommandation de cette princesse, en faveur du même, adressée aux consuls de la ville de Nîmes.

2. Il a été rendu compte ici d'un ouvrage de M. Zeller, ouvrage qui ne permet plus de dire que ce prélat « n'est pas exactement connu. » Je veux parler de : « La diplomatie française vers le milieu du xvi siècle, d'après la correspondance de Guillaume Pellicier, ambassadeur de François Ier à Venise, 1539-1542. » Paris, 1880, in-8°. 3. Dans le chapitre Iv, M. G. a traduit en totalité l'opuscule de Baduel (De collegio et Universitate Nemausensi, Lyon, 1540) sous ce titre : Le prospectus du college des Arts. Dans le chapitre x1, il a traduit, avec quelques suppressions, le règlement du même collège restauré (Instituta litteraria, à la suite des Annotationes in Cic pro Mileno et pro Marcello Orationes (Lyon, 1552). De plus, on rencontre çà et là divers fragments des lettres et traités de Baduel et de Bigot.

sées à Bigot par Jean Boyssonné, ancien professeur de droit à l'Université de Toulouse, conseiller au parlement de Chambéry, un contrat de Bigot avec la ville de Nîmes, un contrat du même avec la ville de Montauban, tirés des archives municipales de ces deux villes, la généalogie de la famille Baduel, le contrat de mariage de Claude Baduel et divers actes notariés relatifs à la famille de ce dernier, tirés des archives départementales du Gard.

Je n'ai que bien peu d'observations à présenter au savant biographe. N'exagère-t-il pas (p. 52) le mérite de Thomas à Kempis comme théologien ? Pourquoi n'a-t-il pas rappelé (p. 129), à propos de la lettre écrite par Baduel à Sadolet sur les devoirs de ceux qui s'appliquent à l'éducation de la jeunesse, que ce dernier, de son côté, avait composé un traité: De liberis recte instituendis (Venise, 1533) ? Pourquoi n'a-t-il pas consulté, au sujet de Gabriel Isnard (p. 219), divers manuscrits conservés dans la bibliothèque d'Inguimbert, à Carpentras, et signalés par le docteur Barjavel ? Dans la même bibliothèque il aurait pu trouver un manuscrit que n'a pas connu le docteur Barjavel, un registre de la chambre apostolique du Comtat Venaissin, où (fo 415) est inséré un acte par lequel le cardinal de Bourbon, légat d'Avignon, fait don au capitaine Lisle de tous les biens meubles et immeubles qui appartinrent à Gabriel Isnard, docteur ès lois, et qui avaient été adjugés audit légat par confiscation, attendu que Gabriel Isnard était de la nouvelle religion. Si, comme je l'espère, M. G. donne bientôt une nouvelle édition de son livre, il pourrait tirer de ces divers manuscrits les éléments d'une notice qui complèterait à merveille, en ce qui regarde Gabriel Isnard, le chapitre consacré aux amis de Claude Baduel. M. G., après avoir dit (p. 222) que Jacques de Renaud, seigneur d'Alen, « appartenait à l'une des plus anciennes familles du pays,» ajoute cette famille a disparu, croyons-nous, sans laisser de traces. Je puis apprendre à M. G., que le dernier Renaud d'Alen est mort à Paris, il y a une quarantaine d'an

1. De officio et munere eorum qui erudiendam juventutem suscipiunt, epistola ad card. Sadoletum (Lyon, Gryphe, 1549).

2. Il en a été donné, en 1555, une édition sous ce titre : Traité d'éducation du cardinal Sadolet et vie de l'auteur par Antoine Florebelli traduits pour la première fois avec texte latin, notes explicatives et justificatives, par P. CHARPENNE (Paris, Plon, in-8°).

3. Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département de Vaucluse (Carpentras, 1841, 2 vol. grand in-8°, t. II, p. 86).

4. Liber regestorum camera apostolicæ Comitatus Venicini, manuscrit classé sous le n° II, lettre A.

5. Le capitaine Lisle, célèbre dans les guerres de religion de la Provence et du Dauphiné, n'était autre que Jean des Isnards, frère de Gabriel. Ils étaient fils de noble Gaucher des Isnards et ils figurent, avec un autre fils et trois filles, dans le testament dudit Gaucher des Isnards, du 17 avril 1556, pièce qui fait partie des archives de la rectorie de Carpentras déposées dans les combles du palais de justice de cette ville. Ce testament, que n'avait pas vu le dr Barjavel, m'a été signalé par M. Barrès, le très obligeant conservateur de la bibliothèque d'Inguimbert.

nées, ne laissant que deux filles, l'une mariée avec le commandant Delmas de Grammont, et l'autre avec M. de Châteauneuf. En plusieurs endroits de son livre, M. Gaufrès vante le style, l'éloquence de Baduel. Je ne veux pas diminuer, à cet égard, le mérite de son héros, mais je suis obligé de rappeler qu'un sérieux critique, l'abbé Joly, reprochant à Bayle une trop indulgente appréciation, a déclaré que Baduel lui paraît très médiocre, comme écrivain, très froid, comme orateur.

T. DE L.

47.

Aspects of poetry, being Lectures delivered at Oxford by John CAMPBELL SHAIRP, LL. D. Professor of Poetry, Oxford: Principal of the United College, St. Andrews; Oxford, at the Clarendon Press, 1881. 1 vol. in-8°, pp. x1, 464.

Ce volume est composé de quinze essais sur la poésie, dont douze sont des leçons qui ont été professées à la chaire de poésie d'Oxford au courant des quatre dernières années. Ce n'est ni un traité systématique sur la poésie, ni un cours suivi sur une époque poétique : dans certains chapitres, l'auteur traite quelques questions générales de philosophie littéraire; dans d'autres, il recherche la caractéristique de certains œuvres poétiques, la plupart appartenant à l'Angleterre moderne. Voici la table des sujets traités : Le domaine de la poésie; Critique et création; Le côté spirituel de la poésie; Le poète comme révélateur. - Le style poétique dans la poésie moderne en Angleterre; Virgile comme poète religieux; Les chants écossais et Burns; Shelley comme poète lyrique; La poésie des Highlands (Ossian); Bardes gaéliques contemporains (Mac Intyre); Les trois Yarrow; La biche blanche de Rylstone; L'esprit homérique dans Walter Scott; Poètes en prose (Carlyle, cardinal Newman). L'unité de l'ouvrage réside dans la personnalité de l'auteur plus que dans le sujet ; elle est dans une teinte très prononcée de Wordsworthisme (pardon du mot, mais il devient nécessaire) qui le pénètre d'un bout à l'autre : il est clair que Wordsworth est de tous les modernes celui qui va le plus directement au cœur de l'auteur, et, bien qu'il ne dissimule pas les limitations trop visibles de son poète, Wordsworth est pour lui le révélateur par excellence. Je ne m'étendrai pas sur les chapitres spécialement consacrés à Wordsworth, ayant déjà eu l'occasion d'en dire quelques mots à propos du livre de M. Myers 2; disons seulement que, même après M. Myers, l'on lira avec plaisir les pages de M. Shairp sur la Biche blanche de Rylstone, et surtout sur les trois poèmes relatifs à la Yarrow, - quelque chose comme la Voulsie de Wordsworth et l'une des plus jolies rivières qui aient jamais coulé entre les rimes d'une ballade : le critique suit à la piste le génie du poète à tra

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1. Bayle avait dit : Il écrivait bien en latin, et il était bon orateur. » 2. Revue critique, 1882, no 3.

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