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bien que limitées à un petit nombre de faits, les remarques de M. D. sont aussi décisives que nouvelles. Elles permettent à l'auteur d'établir nettement plusieurs faits, dont l'importance n'échappera à personne : unité de l'état industriel d'Hissarlik; absence de toute influence orientale, au sens ordinaire du mot; analogie entre les objets d'Hissarlik et d'autres de même nature trouvés dans les pays habités plus tard par les Grecs; enfin rapport de la céramique d'Hissarlik avec celle de la période suivante.

11. Type de Santorin. Ces vases ont été trouvés sous la couche de ponce qui s'est formée lorsque l'effondrement de la partie centrale de l'ile a déterminé sa forme actuelle. La collection la plus importante est celle de l'Ecole française d'Athènes; elle provient des fouilles faites par MM. Gorceix et Mamet près du village d'Acrotiri. Tous les archéologues consulteront avec intérêt le catalogue que donne M. D. de cette collection jusqu'ici demeurée inédite et qui ne comprend pas moins de 82 numéros. Les planches I et II reproduisent les formes principales et les éléments essentiels de la décoration. Ces vases sont certainement antérieurs à la formation de la baie de Santorin, pour laquelle M. Fouqué propose, non sans quelques réserves, la date de 2000 ans avant notre ère, en se fondant sur des raisons géologiques (Santorin et ses éruptions, p. 129). Le témoignage d'Hérodote (IV; 147-148) semble fournir une date en deçà de laquelle il est impossible de descendre. M. D. remarque que le cataclysme ne doit pas être postérieur au xvr° siècle, puisque la tradition a conservé le souvenir de la colonie conduite dans l'ile à cette époque par Membliare.

Nous ne saurions analyser ici l'étude que M. D. consacre à la civilisation de Santorin, au mode de fabrication des vases, à leurs usages : elle repose sur des observations de détail, soigneusement rapprochées. Il en ressort clairement que la population de l'île était agricole, et entretenait avec d'autres pays des relations commerciales. Tous les traits du tableau sont fort précis; mais si des fouilles partielles ont fourni des documents aussi précieux, que ne devrait-on pas espérer de recherches plus complètes! Un plein succès serait réservé à l'explorateur qui reprendrait les fouilles de MM. Gorceix et Mamet, arrêtées par des difficultés matérielles dont un outillage spécial pourrait avoir raison '.

Comparées à celles d'Hissarlik, les céramiques de Santorin marquent un progrès sensible; c'est là un point qui modifiera, croyons-nous, certaines idées reçues. Les vases sont faits au tour, et les ornements sont tracés au pinceau. M. D. analyse les formes décoratives, qui comportent: 1° les volutes et les flots; 2o les éléments végétaux; 30 les figures d'animaux; elles témoignent déjà d'une certaine recherche et d'un goût qui s'éveille. Ces vases sont bien les produits d'une industrie locale ;

1. Les difficultés provenaient de la pouzzolane, dont les couches devenaient plus hautes à mesure qu'on avançait.

l'examen au microscope y a fait découvrir des éléments qui n'appartiennent qu'au sol de l'île. Les traits de ressemblance avec les céramiques d'Hissarlik sont nombreux, et permettent de conclure à de lointains rapports d'origine ou d'imitation. D'autre part, les vases de Santorin offrent des analogies plus précises encore avec des poteries trouvées dans d'autres pays grecs (p. 37). Ces rapprochements ont une grande valeur; ils prouvent que l'île « à cette date, subissait des influences que nous retrouvons dans tout l'Orient de la Méditerranée pour le même temps ». III. Type d'Ialysos. M. D. donne le catalogue de la collection des vases découverts à Rhodes dans les tombeaux d'Ialysos (p. 43, cf., pl. III). Ces céramiques étaient à peine connues; elles forment la transition naturelle entre le type de Santorin et celui de Mycènes, et ainsi les séries se succèdent sans solution de continuité. L'art d'Ialysos est déjà plus avancé; la présence des éléments de décoration empruntés à la mer, comme le poulpe et l'octapode, est remarquable. M. D. fait observer que ce type a se retrouve déjà dans tout l'Orient grec, et se retrouvera partout ». Je puis en effet signaler, parmi les acquisitions récentes de l'Antiquarium de Berlin, un couvercle de vase trouvé à Thèbes (no 2653), qui semble pouvoir être rapproché du type d'Ialysos. Il est recouvert d'un engobe blanc, et décoré de zones rougeâtres au milieu desquelles figure un crabe. On voit sans peine quel est l'intérêt de cette série: elle est destinée à comprendre une classe de vases qu'on désignait, il y a peu de temps encore, sous le nom de Céramiques des îles, ou de Vases de style phénicien des Cyclades. Le premier titre était vague; le second avait l'inconvénient grave de préjuger une question fort délicate, celle de l'influence phénicienne. La dénomination de type d'Ialysos sera acceptée par tous les archéologues; elle servira au progrès des études, en indiquant nettement le groupe d'antiquités qui fournit les termes de comparaison les plus sûrs et les plus abondants pour cette période,

IV. Type de Mycènes. Personne n'ignore quelles controverses a soulevées l'étude de la collection de Mycènes. La nouveauté des types a causé une véritable surprise et un savant de Saint-Pétersbourg, M. Ludolph Stephani, a pu soutenir l'étrange théorie que les objets de Mycènes dataient du ne ou du ive siècle de notre ère. Ces hésitations ont pris fin dès qu'on a cessé d'étudier isolément les antiquités de Mycènes. Pour les vases en particulier, la méthode suivie par M. D. dans les précédents chapitres a déjà fait entrevoir les rapports de la céramique de Mycènes avec celles des civilisations antérieures. Le chapitre consacré à l'art de Mycènes établit clairement cette relation.

Le catalogue des vases trouvés dans les tombeaux de Mycènes avait déjà paru en 1879, par les soins de MM. G. Loeschcke et A. Furtwaengler (Mykenische Thongefaesse, Berlin, 1879); c'est une description fort exacte, sans essai de théorie. M. D. procède autrement, et son étude comparative jette une vive lumière sur la question. Il ramène à un petit nombre de classes les formes de vases de Mycènes (p. 47. Formes des

vases) qui ne sont que le développement des formes de Santorin et d'Ialysos, et il réduit aux éléments les plus simples les motifs de décoration (p. 49. I. Ornements linéaires ou géométriques. II. Ornements végétaux. III. Règne animal). Dès lors l'unité de la collection, au premier abord si douteuse, est évidente; les objets de pierre, de terre cuite, d'or et d'argent offrent les mêmes principes de décoration. Il faudrait citer en entier les pages où M. D. analyse les caractères de ce style, qui trahit une civilisation déjà fort avancée, très riche à beaucoup d'égards, et qui semble avoir développé au dernier point les principes d'art et d'industrie contenus en germe dans les civilisations précédentes. Les relations commerciales sont fréquentes; elles sont indiquées par les objets d'importation étrangère, tels que les pierres gravées, les bijoux d'or et d'argent à motifs asiatiques. On peut souscrire en toute certitude aux conclusions suivantes de M. D. « 1° Unité générale de la collection de Mycènes; 2° Rapports évidents de cette civilisation avec celles de Santorin et d'Ialysos; développement de certains principes de décoration auxquels nous ne connaissons aucune origine étrangère; nécessité que cette civilisation ait eu derrière elle un assez long passé. Elle indique une grande richesse et une non moins grande puissance; 3o Relations avec l'Orient; importation d'objets asiatiques; imitation des types qu'ils fournissent; présence possible d'ouvriers étrangers, malgré la prédomi nance nationale ».

V. Type de Spata; Vases de Knossos. C'est la dernière étape de cette civilisation primitive. Les céramiques sont rares pour cette période, mais les autres objets d'industrie donnent lieu à des rapprochements concluants. On remarquera la comparaison des pâtes de verre de Spata, décrites par M. Haussoullier dans le Bulletin de Corr. hell. (1878), avec celles d'Ialysos, publiées pour la première fois par M. Dumont (p. 61 fig. 36). Aux principes déjà connus viennent s'ajouter des motifs purement orientaux, la fleur de lotus, la rosace à huit pétales, le sphinx, le lion et le taureau luttant. L'influence orientale est nettement marquée. On touche à la période historique, aux vases de style asiatique, qui sont depuis longtemps l'objet des études érudites.

On peut juger, par cette analyse, de la méthode rigoureuse suivie par M. D. dans toute la partie d'exposition technique. Dans un ordre d'études aussi nouveau, il était essentiel d'établir des séries comparées : il était impossible de le faire avec une critique plus sûre, et avec plus de précision. Qu'elles ne donnent pas lieu par la suite à de nouvelles subdivisions, on ne saurait l'affirmer, et telle n'est pas la pensée de M. Dumont. Mais il est permis de dire que, pour cette période naguère si obscure de l'histoire des céramiques grecques, la science est créée : les découvertes qui se produiront dans l'avenir trouveront leur place marquée d'avance. Tous les

1. Nous pouvons citer un exemple récent. Le musée de Berlin vient d'acquérir des vases de style mycénien trouvés dans la Grèce du Nord, à Thèbes en particulier.

érudits familiers avec les études d'archéologie figurée apprécieront, sans qu'il soit nécessaire d'insister, les services que la publication de M. D. est appelée à rendre.

Les conclusions générales de M. D. ont surtout un caractère historique elles résument les notions que les céramiques primitives peuvent fournir sur les civilisations auxquelles elles appartiennent, et éclairent ainsi l'histoire d'une période qu'on était habitué à considérer comme légendaire. Cette période a été fort étendue : elle correspond à un état d'industrie qui a été commun à tous les pays du bassin oriental de la Méditerranée, et qui suppose une population ancienne, commerçante, industrieuse. Elle a, de plus, eu des phases très distinctes : « Hissarlik marque une époque toute primitive; Santorin, un état déjà beaucoup plus avancé; Ialysos, la perfection de l'ornementation végétale et géométrique, telle que ce style la comporte; Mycènes, l'abus de ces principes de décoration; Spata touche au moment où l'influence asiatique va devenir prépondérante » (p. 69). Les dates que M. D. attribue à ces cinq périodes sont approximatives: on comprendra quelles réserves imposaient la nouveauté de ces recherches et la rareté des documents. Néanmoins il est impossible de ne pas reconnaître la parfaite concordance des renseignements qui se dégagent: 1o des faits archéologiques; 2° des témoignages orientaux; 3o des légendes et des traditions grecques. Les faits archéologiques exposés au cours de l'ouvrage fournissent les résultats suivants. Si la date d'Hissarlik est incertaine, celle de la civilisation, de Santorin est certainement antérieure à l'éruption, et la colonisation de Membliare et de Théras donne une date minima qui est le xvr® siècle. La présence d'un scarabée avec le cartouche d'Aménophis III parmi les objets trouvé à Ialysos ne permet pas de remonter au delà du xvie siècle. La décoration des objets de Mycènes qui sont de style asiatique est antérieure aux principes d'ornementation qui prévalent à Ninive au Xe siècle. Enfin certains objets de Spata rappellent le style ninivite du xe siècle. Les documents orientaux confirment ces données, et y ajoutent de nouvelles certitudes, pour l'histoire des relations de ces peuples primitifs avec l'Egypte et la Phénicie, et par suite avec l'Assyrie; ils permettent de fixer avec quelque vraisemblance la date où les influences asiatiques commencent à se faire sentir, encore faibles à Mycènes, beaucoup plus accusées à Spata. On aurait ainsi les dates suivantes : « avant le xvre siècle, Hissarlik; au xvi Santorin; au xive Ialysos; au xm ou au xòe siècle, Mycènes et au x1o Spata. » Les légendes grecques ramenées à quelques points fort simples, en dépit de leur diversité apparente, sont d'accord avec ces faits. Elles ne s'expliquent que si l'on considère la Méditerranée

(Voir G. Treu: Erwerbungen des Berliner Antiquariums, 1880, Arch. Zeitg. 1881, p. 255, D. Vasen). Ils seront prochainement publiés par MM. Loeschcke et Furtwaengler. Rien ne justifie mieux les conclusions de M. D. (p. 19) qui pense avec raison. que les vases de ce style doivent se trouver également dans la Grèce du Nord.

orientale comme un grand lac, dont les peuples riverains sont en relations fréquentes, et subissent plus ou moins l'action des grands empires asiatiques et des Phéniciens. Ces populations sont maritimes. A l'époque qui précède immédiatement le retour des Héraclides, et qui est marquée par de grandes migrations, par les agitations de la race grecque qui s'organise, elles sont déjà parvenues à un singulier degré de richesse; la royauté d'Argos domine sur un grand nombre d'iles; on entrevoit nettement une puissance maritime à la fois asiatique et grecque.

Ce serait défigurer les conclusions de M. D. que de les ramener à des formules trop précises; sur un terrain aussi nouveau, rien ne serait plus contraire à la méthode scientifique. Elles ont ce rare mérite de montrer avec une clarté parfaite ce qui est acquis à la science, et ce qu'il faut encore attendre des découvertes ultérieures; elles dégagent des vérités certaines, et prouvent l'unité d'une civilisation qu'on soupçonnait à peine. Avant le Ix siècle, on n'entrevoyait que légendes et mythes; c'est toute une période qui entre dans l'ordre des faits historiques. On peut dire que, grâce à cette première partie de l'ouvrage de M. Dumont, nous possédons les lignes essentielles de l'histoire primitive des pays grecs. Max. COLLIGNON.

64.

Histoire de Charles VII, par G. DU FRESNE DE BEAUCOURT. Tome I, Le Dauphin, 1403–1422. Paris, 1881, LXXXVII et 480 pp. gr. in-8°.

Dès 1856, M. du Fresne de Beaucourt se posait en champion de Charles VII l'apparition du tome VI de l'Histoire de France de M. Henri Martin (4° édition), où le caractère de ce prince était jugé très sévèrement, lui fit écrire alors une longue brochure apologétique en faveur du monarque calomnié. Depuis, l'infatigable directeur de la Revue des questions historiques n'a cessé de recueillir des documents de toute sorte sur son époque de prédilection, et l'Histoire de Charles VII, dont nous avons aujourd'hui le premier volume entre les mains, est offerte au public comme le fruit de vingt-cinq années de recherches ininterrompues. Le public, il faut le dire, l'attendait depuis longtemps; depuis longtemps on savait que M. de B. préparait cette histoire, depuis trop longtemps, peut-être, car quelques impatients ou quelques sceptiques commençaient déjà à croire qu'à force de vouloir entasser des documents, le savant auteur ne trouverait plus le temps de les mettre en œuvre. Son

1. Le règne de Charles VII d'après M. Henri Martin et d'après les sources contemporaines. Paris, 1856, in-8o de 115 p.

2. En 1874, M. de Beaucourt avait déjà publié un essai sur le caractère de Charles VII, où étaient mis en œuvre de nombreux documents inédits; la Revue critique ne l'a pas laissé échapper et en a donné une appréciation très favorable (année 1874, 2o semestre, p. 58).

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