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descriptions de Philostrate. A ce point de vue on ne peut comparer les peintures campaniennes aux tableaux de Naples, les premières étant uniquement décoratives. M. B. combat par des exemples bien choisis cette théorie que l'art antique aurait toujours eu pour les sens et l'esprit du spectateur les plus grands ménagements; l'art à son déclin n'a donc pas dû connaître des scrupules qu'il ignorait à l'époque de sa maturité. Aux exemples cités, l'auteur aurait pu ajouter toute une série de monuments antiques, les « graffiti» des cistes prénestines où les divinités sont souvent représentées sous des traits réalistes qui conviendraient plutôt à des paysans de la campagne romaine. Les métamorphoses indiquées plutôt que représentées dans les peintures campaniennes sont plus hardies dans Philostrate, mais ne dépassent pas les limites du goût. La fantaisie et la convention se retrouvant partout dans l'antiquité, pourquoi la reprocher au sophiste? M. B. étudie ensuite dans quelle mesure il a fait usage de la couleur locale, comment il a traité la peinture de paysage, la peinture de genre et les natures mortes. En résumé, les Tableaux ne présentent pas avec la peinture. campanienne un contraste violent qui puisse faire douter de leur authenticité.

Le chapitre consacré à la critique telle que l'entend Philostrate, n'est pas moins intéressant : « Ses idées sont incertaines et flottantes, il n'a point de principes; tantôt c'est telle partie de l'art qui lui paraîtra la plus importante; tantôt il n'aura d'yeux que pour telle autre. Il se laisse conduire pour ainsi dire par l'artiste; il est réaliste, quand le peintre l'est; il est naturaliste quand le peintre semblera sacrifier la beauté à la vérité. Un artiste lui paraîtra d'autant plus estimable qu'il ressemblera plus à un sophiste (p. 169) ».

Ces réflexions amènent l'auteur à traiter dans la dernière partie de son introduction du procédé de l'ecphrasis, ou description des œuvres d'art dans l'antiquité; c'était une véritable lutte de la parole et de l'art. Nous signalerons surtout au lecteur un rapprochement très ingénieux entre la critique de Philostrate et celle de Diderot (p. 188, note 1). L'ecphrasis tient une grande place dans le roman à cette époque: on la trouve même chez les Pères de l'Eglise. Philostrate emploie tous les procédés des rhéteurs. M. B., à la fin de son étude, ne se prononce pas ouvertement pour l'authenticité et ne lui attribue qu'une importance secondaire: Qu'importe que les tableaux aient existé on non, s'ils ont été imaginés par l'artiste ou par Philostrate dans l'esprit antique? » Mais cette question n'a pas été inutilement soulevée puisqu'elle a permis aux commentateurs de mieux analyser le caractère des œuvres antiques, de reconnaître la compétence des sophistes et de Philostrate dans les choses de l'art, enfin d'étudier leur critique d'art qui ne semble jamais s'être détachée de la poésie ou de la rhétorique.

Quelques remarques de détail : 1° Il serait mieux de ne pas indiquer la ciste Ficoroni, sous le nom aujourd'hui abandonné de cista mystica, (p. 65); 2° un lapsus du correcteur a défiguré le nom de l'archéologue

M. F. Lenormant (p. 66); 3o Dans le commentaire sur le tableau des Fables, M. B. se demande si Esope était représenté avec quelque ditformité ou quelque signe de faiblesse et conclut pour la négative. Il a tort de rappeler « le Démosthène du Louvre qui n'est pas non plus un type de vigueur et de beauté. » Le Démosthène du Louvre n'est qu'un composé la tête de l'orateur, le corps d'un philosophe; c'est une restauration maladroite.

D

Les gravures ne sont peut-être pas aussi nombreuses qu'on pourrait le souhaiter; M. B. a eu surtout la bonne idée de rapprocher les Amours de Raphaël de la description des Amours de Philostrate.

En résumé, ce livre est un des meilleurs ouvrages sur l'antiquité figurée qui aient paru depuis longtemps; à une connaissance très approfondie de l'antiquité, M. Bougot joint des qualités de littérateur qui feront apprécier son travail des plus délicats; il appartient à cette école d'érudition toute française qui sait que la forme sert toujours à faire valoir le fond.

Emmanuel FERNIQUE.

29.

Rome et Cicéron ou des derniers moments de la République romaine d'après ce consulaire et ses contemporains par E. P. DUBOIS-GUCHAN. Paris, Furne. 1880, vol. in-12, vi-368 p.

Reprenant à son compte la maxime de l'abbé Galiani : « l'histoire ancienne n'est que l'histoire moderne sous d'autres noms », M. DuboisGuchan s'est proposé, dans ce volume, de faire le procès de notre société contemporaine tout autant que celui de Cicéron. Ce n'est pas ici qu'il convient de discuter les opinions de l'auteur et les jugements qu'il porte sur nos mœurs politiques. M. D.-G., qui se déclare césarien- « désintéressé d'ailleurs, » -- croit devoir nous assurer à plusieurs reprises que son livre est consciencieux et sincère, qu'il ne l'a écrit que pour obéir à des convictions profondes. Ces protestations multipliées sont superflues; personne ne songera un seul instant à contester la sincérité de M. D.-G., ni la générosité de ses intentions. On se demandera seulement pourquoi, voulant nous faire la leçon, il ne nous l'a pas faite directement. Il n'était pas nécessaire de mettre en cause Cicéron et ses contemporains; en tout cas, alors même que le procédé serait légitime, il aurait fallu étudier de plus près cette histoire de la république romaine qu'on nous présente comme un enseignement ou plutôt comme un épouvantail, qui doit nous détourner à tout jamais, dans le présent et pour l'avenir, des institutions républicaines.

«Ne serait-ce point un frivole travail que l'histoire, dit l'auteur, si l'on n'en faisait pas un enseignement? Je me suis donc proposé un enseignement, » et il ajoute « avec démonstration et preuves, ce qui exclut le roman comme la satire (p. 366). L'enseignement existe peut-être; à

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coup sûr, la démonstration et les preuves laissent beaucoup à désirer. On en a déjà fait la remarque', il semble que M. D.-G. se soit refusé, de parti pris, à prendre connaissance des travaux de la critique moderne. Il cite Machiavel, Bossuet, Montesquieu, Middleton et ne paraît guère se douter que l'histoire romaine ait été étudiée dans notre siècle. Ce qui est encore plus grave, les textes anciens ne sont pas toujours connus d'une manière suffisante. Ainsi, l'auteur, qui a lu avec beaucoup de soin la correspondance de Cicéron, n'a pas accordé aux plaidoyers la même attention. Autrement, parlant du jugement porté par Cicéron sur Catilina (p. 54), il n'aurait pas oublié le passage du Pro Cœlio, qui vient si heureusement corriger et atténuer les exagérations oratoires des Catilinaires. Il invoque plusieurs fois, notamment pp. 89, 98, 288, 289, comme une autorité considérable, le témoignage de Salluste dans ses lettres à César et ne soupçonne même pas que ces lettres sont tenues aujourd'hui pour apocryphes. Sa défiance cependant aurait dû être éveillée, puisqu'il avoue lui-même (p. 289) que, quand on lit les lettres de Salluste à César, on est étonné de sa politique superficielle »; mais cette remarque, jetée en passant, ne trouble pas sa sécurité. M. D.-G. n'est pas de ceux qui lisent les textes dans les meilleures éditions, qui s'intéressent aux questions d'authenticité. Il ne s'attarde pas à ces vérifications de détail; il compose un réquisitoire et prend de toutes mains les arguments qui lui serviront à démontrer la culpabilité de Cicéron.

Il a tort, en effet, de se défendre d'avoir voulu faire une satire. Si son livre a de la valeur, c'est grâce à la passion qui l'anime. Ce volume compact, assez confus et assez mal composé, se lit jusqu'au bout sans fatigue. On est souvent surpris, irrité même par l'étrangeté de certains jugements mais la curiosité est tenue en éveil. M. D.-G. est l'ennemi personnel de Cicéron; il interroge avec une sévérité impitoyable tous les actes, toutes les paroles de son adversaire et, sa haine venant en aide à sa sagacité, il le prend en faute sur tous les points. La vie entière de l'orateur est incriminée et condamnée, sa vie privée, sa vie publique ; Cicéron a été coupable envers tout le monde, envers Térentia, qu'il a répudiée alors qu'elle lui était si supérieure par le cœur et par l'intelligence politique, envers Pompée, envers César. Son éloquence n'est pas mieux traitée que son caractère: âme vulgaire, Cicéron n'a été qu'un grand petit esprit » (p. 178), vaniteux et ridicule. Chemin faisant, on rencontre de singulières révélations : dans le commerce d'amitié qui a uni Cicéron à Atticus, « si l'un fait honneur à l'autre, c'est le second » (p. 269); • » sa générosité n'était ni précaire ni calculée (p. 270). Tandis que

Cicéron parlait beaucoup de vertu, sans être véritablement vertueux, Atticus possédait ces grandes et nobles qualités qui manquaient à son

1. Revue Historique. No de juillet-août 1880, chronique.

2. Ch. v et vi.

ami « c'est qu'il n'étudiait pas la philosophie pour la montre, mais pour en mieux vivre. » (Ibid.) Il y a même un certain passage où la passion de M. D.-G. l'emporte au-delà de toutes les bornes : à propos de l'affection que Cicéron portait à sa fille Tullia (p. 142), je relève une insinuation odieuse que l'auteur, je dois le dire, retire aussitôt après l'avoir lancée. Il n'en est pas moins vrai qu'il y a là quelques mots que M. D.-G. n'aurait jamais dû écrire, et il est regrettable qu'un homme de son caractère se soit laissé ainsi entraîner.

Avec de pareilles dispositions d'esprit, on peut composer un pamphlet; on n'écrit pas une histoire, surtout l'histoire de Cicéron. Pour bien apprécier, pour mettre dans son jour véritable cette figure si complexe et si mobile, il faut une souplesse, un sentiment des nuances, une finesse d'observation qui manquent à M. Dubois-Guchan. On a déjà renvoyé M. D.-G. au beau livre de M. Boissier, Cicéron et ses amis. Je ne puis que souscrire à ce jugement; tout ce que j'ajouterai, c'est que des attaques de ce genre sont comme un hommage involontaire rendu à la mémoire de Cicéron. D'instinct, l'auteur a compris en quoi consistait la véritable gloire de l'orateur romain et c'est pour cette raison que, n'aimant ni les gouvernements parlementaires, ni la libre discussion, il l'a choisi pour adversaire. Le caractère et la politique de Cicéron ne sont pas irréprochables; il a commis bien des fautes, mais il valait mieux que la plupart des hommes de son siècle. Dans un temps où tout se décidait par la corruption et par la violence, il a cru à la puissance de la parole et de l'opinion. Les triomphes de l'intrigue et de la force brutale, qui l'ont attristé et parfois même l'ont troublé au point de l'entraîner dans des défaillances regrettables, ne l'ont jamais désabusé complètement. Sans doute la faiblesse de son caractère, sa vanité et une certaine naïveté, que l'on est étonné de rencontrer chez un homme aussi spirituel, contribuaient à l'entretenir dans cette croyance: mais il y avait aussi en lui un fonds d'illusions généreuses, qu'il est juste de respecter. Aux yeux de M. Dubois-Guchan, ces illusions sont des chimères détestables qu'il importe de combattre; mais, heureusement pour la mémoire de Cicéron, tout le monde n'est pas de cet avis.

R. LALLIER.

30. -T. Livii Historiarum Romanarum libri qui supersunt, ex recensione Jo. Nic. MADVIGII. Tertium ediderunt Jo. Nic. MADVIGIUS et Jo. L. USSINGIUS. Vol. II, 1 partie, livres xx-xxv. Copenhague, Hegel. 1880, xxvin et 274 p. in-8°. T. Livi ab urbe condita libri. Recognovit H. J. MÜLLER. Pars VI (livres xxv-xxvi). Berlin, Weidmann. 1881, vi et 86 p. in-8o.

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La réputation de M. Madvig comme latiniste est trop euro

1. L'accusation dont je parle, se trouve déjà exprimée dans la déclamation de Salluste contre Cicéron; quoi qu'il en soit, M. D. G. n'aurait pas dû la recueillir; peut-être cependant a-t-il pensé que cette déclamation était authentique.

péenne et ses travaux sur T. Live en particulier sont trop justement célèbres pour qu'il soit nécessaire d'en faire ici l'éloge et de recommander cette 3o édition des livres XXI-XXV. Disons seulement qu'elle diffère de l'édition précédente par des modifications de détail assez importantes et qu'en beaucoup de passages le texte a encore été amélioré 1. Une collation nouvelle du Puteaneus par M. Luchs a permis à M. M. de rectifier le texte de plusieurs passages, pour lesquels il semble que ce ms. n'avait pas été, jusqu'ici, examiné avec assez d'attention. D'autre part, diverses conjectures heureuses ont pour la première fois trouvé place dans le texte pour citer un exemple, le locus desperatus 22, 49, 15 est restitué par M. M. d'une façon très vraisemblable, grâce à la simple substitution de tanta<dem> à tanta. C'est ainsi encore que M. M. a adopté avec raison, 22, 59, 1, l'ingénieuse correction de M. Harant : « M. Juni vosque, etc. »

Je ne crois pas manquer au respect et à l'admiration très grande que j'ai pour M. M. en disant que son édition de T. Live n'échappe pas à la condition commune de tous les travaux de ce genre: il reste bien des passages pour lesquels on n'est pas encore arrivé et pour lesquels on n'arrivera peut-être jamais à une entière certitude; dans ces passages, les diverses restitutions proposées jusqu'ici ne se distinguent que par une vraisemblance plus ou moins grande, au sujet de laquelle les appréciations peuvent varier. Il y a ainsi un certain nombre de cas où je crois devoir m'écarter du texte de M. M. je renvoie, pour la liste complète des passages de ce genre, à la petite édition des livres XXI-XXII que j'ai publiée dans la collection Hachette, ainsi qu'à mon édition des livres XXIII-XXV, qui paraîtra, je l'espère, dans le courant de cette année. Je me contenterai ici de deux exemples: 22, 10, 2, je ne vois pas de restitution qui me satisfasse pleinement, mais, en tout cas, je ne saurais adopter celle de M. M., « sic<ut> velim voveamque » velim signifie « je voudrais », mais comment justifier le subjonctif voveam? c'est << velim voveoque » qu'on attendrait. D'autre part, 24, 6, 7, le texte de M. M. porte: « convenit ut, quum Romanos Sicilia expulissent,..... Himera amnis, qui ferme dividit <insulam> 3, finis regni Syracusani ac Punici imperii esset. » L'addition de insulam manque d'évidence paléographique; on ne voit pas la raison qui aurait pu amener la disparition de ce mot sous la plume d'un copiste. Je propose de lire : « qui

1. M. H. Müller a donné, dans les Jahresberichte des philologischen Vereins de 1881. Compte-rendu relatif à Tite-Live, une liste complète de toutes les différences de texte entre la 3e édition et la 2o; c'est ce qui fait que nous croyons inutile de redonner ici la même liste.

2. Par exemple, 21, 58, 9; 22, 27, 1. 42, 2. 49, 10 (v. mon éd. des livres XXI-XXII de T. Live, p. 376).

3. Cette restitution est de Weissenborn; en voici d'autres : « Qui ferme insulam> dividit » vulgate ; » qui ferme dividit Siciliam> » Hertz; « qui ferme <eam dividit Harant, etc.

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