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212. - OEuvres nouvelles de Des Forges Maillard, publiées avec notes, introduction et étude biographique, par Arthur de la BORDERIE et René KERVILER. Tome II Lettres nouvelles. Nantes, Société des bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne. 1882. In-8° de 237 p.

MM. de la Borderie et Kerviler comptaient faire tenir les Euvres nouvelles de Paul Des Forges Maillard dans un seul volume; ce volume s'est trouvé rempli par les Œuvres en prose, c'est-à-dire par les lettres seules. Les poésies qui, comme le rappellent les éditeurs, se composent pour la plupart de fines épigrammes, n'occuperont qu'une cin quantaine de pages. Mais, ainsi qu'ils nous en avertissent, « l'étude biographique, bibliographique et littéraire servant d'introduction, ne peut avoir d'intérêt sans prendre quelque développement : la vie de notre auteur, très peu connue, étant curieuse à examiner, à restituer dans le dé tail, avec les nouveaux documents que nous avons rassemblés. » On a donc été obligé de scinder la publication en deux volumes. De même, j'examinerai en deux articles séparés l'édition de MM. de la B. et K., espérant bien que le tome ler ne tardera pas à suivre le tome II.

Ce tome II est fort agréable à lire. Pas une des pièces dont il se compose ne figure dans les diverses éditions de la fausse Mlle Malcrais de la Vigne imprimées jusqu'ici, et leur titre de Lettres nouvelles est des mieux justifié. De ces lettres, les unes sont entièrement inédites et ont été prises sur les autographes de l'auteur ; les autres, pour me servir des pittoresques expressions des éditeurs, « sont exhumées de divers recueils du temps, dont les collections sont rares, certains même à peu près inconnus et d'ailleurs dépourvus de tables: elles gisaient donc là, perdues dans la fosse commune. » MM. de la B. et K. ont cru devoir rectifier l'orthographe par trop bizarre de ces dernières lettres, orthographe dont Des Forges Maillard n'est pas responsable, et ils ont eu, de plus, la chance d'y introduire assez souvent d'heureuses variantes, prises sur des originaux ou sur d'excellentes copies anciennes.

Le volume renferme 44 lettres, une lettre adressée de Marseille à Mile de Malcrais, le 12 août 1733, et 43 lettres écrites par elle, depuis le 3 janvier 1726 jusqu'au 30 avril 1766, la plupart du Croisic, quelques-unes de Paris, de Marseille, de Montbrison, de Nantes, de Belle Isle-en-Mer, de Poitiers, des Sables-d'Olonne. Les correspondants sont le P. du Cerceau, Voltaire, René Chevaye, le bibliophile de Nantes',

1. Les éditeurs ont scrupuleusement reproduit l'orthographe de leur auteur, coaformément au vœu qu'il avait exprimé dans une lettre du 31 mars 1749 (p. 193): « Je voudrois bien que l'on n'employât point l'ortographe moderne, qui réduit lëcriture à l'usage de la prononciation, mais qu'on se servît de la mienne, autant qu'il ne me sera pas échapé de fautes contre le rituel ordinaire. Je n'aime point de tout la nouvelle ortographe; peut-être ai-je tort, mais chacun a sa marote. »

2. Voir (p. 3) une gaie et aimable lettre du bon Père en réponse à des vœux de bonne année qui lui avaient été exprimés à la fois en prose et en vers par Des Forges Maillard.

3. Des Forges Maillard en parle ainsi (le 26 août 1744, p. 163): « J'arrive de Clis

Titon du Tillet, le président Bouhier, Mme de Hallay, l'abbé Philippe de Prétot, éditeur des Amusements du cœur et de l'esprit, le président de Robien, fondateur de l'archéologie en Bretagne, le docteur Bonamy, enfin le directeur du Journal de Verdun. Les lettres de Des Forges Maillard sont fort spirituelles, et il eût été vraiment dommage qu'elles n'eussent pas été recueillies et publiées avec autant de soin. A chaque page on trouve des traits ingénieux, et, ce qui vaut mieux encore, des particularités intéressantes. Ainsi, dans la lettre à un poète qui avait été volé (juin 1732), au milieu de plaisanteries qui font penser au célèbre distique :

L'on vient de me voler - Que je plains ton malheur!
Tous mes vers manuscrits - Que je plains le voleur!

on rencontre (p. 7) un éloge inattendu d'un savant né, comme Des Forges Maillard, au Croisic, « M. Bouguer, ce mathématicien fameux « que l'Académie des sciences, qui l'a couronné trois fois, a reçu au << nombre de ses membres... » A côté de cet éloge d'un «< illustre ami ' », citons (p. 8) une oraison funèbre d'un membre de l'Académie française, Houdart de la Motte, auquel l'auteur refuse avec raison le titre de poète. Indiquons en cette même lettre (p. 7) divers renseignements auto-biographiques. Les admirateurs de Montaigne liront avec plaisir (pp. 1315) une vive et moqueuse protestation de Mlle de Malcrais contre le bizarre projet qu'avait quelqu'un de mettre les Essais en style moderne. Ce quelqu'un, d'après une note des éditeurs (p. 15), ne serait autre que l'abbé Trublet. L'idée était bien digne du ridicule compilateur que les plaisanteries de Voltaire ont rendu fameux. Parmi les personnages dont il est question dans les lettres suivantes, mentionnons (p. 20) le poète Senecé, que Des Forges Maillard vit « presque centenaire » à Mâcon et qui, dans ce grand âge, conservait un esprit << encore assez agréable, » le président Bouhier (p. 20), « qui est maître de la plus belle bibliothèque que puisse avoir en propre un particulier 3 », Brossette, le commentateur de Boileau (p. 20), Titon du Tillet, « le patron des Muses françaises », (p. 30), l'évêque de Nantes, Turpin de Crissé de Sanzay (p. 37), l'abbé d'Olivet, dont Des Forges Maillard raconte (pp. 44-45) un terrible accès de colère d'une façon d'autant plus plaisante, qu'il mêle à son récit un ironique éloge de « la douceur balsamique et melliflue du ca

son, où j'ai passé dix ou douze jours chez mon ancien ami, M. Chevaye, auditeur des Comptes, grand homme de lettres, grand homme d'esprit et grand homme de bien. Voilà, ce me semble, celui que l'on doit appeler le véritable Trismégiste. >> 1. Voir divers autres passages sur l'inventeur de l'héliomètre (pp. 29, 30, etc.). 2. Voir d'autres renseignements auto-biographiques, pp. 18, 19, 24-34 (sur la métamorphose de l'auteur en demoiselle), pp. 151-153 (sur son mariage), pp. 163165 (encore sur son mariage), etc.

3. Le nom du grand bibliophile revient souvent dans le volume. On regrette que les éditeurs n'aient pas joint à leur Table analytique une Table alphabétique des noms de personnes et de lieux.

4. Voir encore, sur Titon du Tillet, pp. 60, 61, 88, 106, 195-197, etc.

ractère de l'abbé », lequel, comme le remarquent les éditeurs (p. 47) << était connu pour l'un des plus grincheux personnages de France et de Navarre,» Néricault des Touches (p. 117), de La Condamine (p. 168), Duclos (p. 170), l'abbé Desfontaines (p. 170), l'abbé Goujet (p. 177), etc. Il faut encore signaler une lettre sur Racan (pp. 127-135), lettre dont les éditeurs ont dit bien justement (p. 136, note 9) que c'est « un excellent morceau de critique littéraire1, » une lettre sur René Gentilhomme, sieur de l'Espine, poète croisicais (pp. 172-188), une lettre sur un vers de Saint-Amant, où est aussi agréablement que paradoxalement défendu contre Boileau le vers fameux du Moïse sauvé :

Les poissons ébahis le regardent passer 2,

une lettre sur la fête du roi Grallon, à Quimper (pp. 211-213), une lettre sur la rencontre du duc d'Aiguillon et d'un monstre marin au Croisic (pp. 214-219), enfin une lettre sur diverses singularités physiologi ques (pp. 221-226).

Il est inutile de déclarer que les notes, fort nombreuses, des éditeurs sont telles qu'on pouvait les attendre de deux des plus savants bibliophi les et des meilleurs travailleurs de toute la Bretagne. Le beau volume (papier vergé), si bien imprimé par MM. V. Forest et E. Grimaud, ren ferme, sans parler de mille ornements d'un goût exquis, deux vues très habilement dessinées d'après nature par M. Kerviler, l'une du manoir de Brederac, à quatre lieues du Croisic, manoir que Des Forges Mail

1. Reproduisons cet hommage rendu par Des Forges Maillard en si bons termes à nos vieux poètes (p. 128): « Tout ce qui nous reste de ces hommes immortels n'est point à négliger. On retrouve dans leurs moindres ouvrages les vestiges de la flamme divine dont ils étaient animés. »>

2. En revanche, Des Forges Maillard critique le vers de Racine :

Le flot qui l'apporta recule épouvanté.

« Il ne paraît, » dit-il (p. 208), « guère raisonnable de personnifier un flot, et j'admire l'imagination du poète qui inspire à la mer un effroi si prodigieux à l'aspect d'un monstre qu'elle avait nourri dans son sein et auquel elle devait être accoutumée. » A cette spirituelle critique, j'ajouterai cette judicieuse observation d'un marin qui me disait, un jour, au bord de l'Océan : Racine a-t-il donc oublié que le flot au rait reculé tout naturellement, quand même il n'aurait pas apporté le monstre?

3. Même si je m'arme de ma loupe la plus grossissante, je trouve tout au plus à relever en tant de notes deux légères inexactitudes. On lit (p. 35, note 8) : « Melon, ou plutôt Melun, était conseiller au parlement de Bordeaux. » L'auteur de l'Essai politique sur le commerce (1734, in-12) ne s'est jamais appelé Melun et n'a jamais été conseiller au parlement de Bordeaux. » Jean-François Melon fut inspecteur-général des fermes à Bordeaux, et plus tard, successivement premier commis du cardinal Dubois, de Law, et secrétaire du Régent. On lit (p. 146, note 1): « La GrangeChancel (Joseph de), poète satirique, né à Périgueux, en 1675, mort en 1758.» L'auteur des Philippiques naquit deux ans plus tard, le 1er janvier 1677, comme l'a établi, d'après des documents authentiques, M. A. Dujarric--Descombes, le der nier éditeur des terribles stances (Périgueux, 1878). Les plus intéressantes de toutes les autres notes sont les notes sur René Chevaye (p. 21), Titon du Tillet (p. 41), le président Bouhier (p. 46), Mme du Hallay (p. 58), le président de Robien (p. 119), René Gentilhomme (p. 179), le docteur Bonamy (p. 216).

lard appelait sa case champêtre, et où il passait, tous les ans, la belle saison; l'autre du pavillon où, au Croisic, il écrivait ses vers et sa prose. Cette dernière gravure me semble particulièrement remarquable. T. DE L.

213. Das Volksschauspiel Doctor Johann Faust, herausgegeben mit geschichtlichen Nachrichten von Karl ENGEL, zweite umgearbeitete und vielfach ergænzte Auflage. Oldenburg, Schulze. 1882. In-8°, iv et 254 p. 4 mark. Johann Faust, ein allegorisches Drama, gedruckt 1775, ohne Angabe des Verfassers und ein nürnberger Textbuch desselben Dramas, gedruckt 1777, herausgegeben von Karl ENGEL, zweite durch das nürnberger Textbuch vermehrte Auflage. Oldenburg, Schulze 1882. In-8°, vi et 79 p.

Dans le premier de ces volumes, M. K. Engel donne une seconde édition de la pièce populaire le docteur Faust qu'il avait publiée déjà en 1874, dans le premier fascicule de son recueil de comédies à marionnettes (pp. 197-250). Il a fait précéder ce texte intéressant d'une longue étude (pp. 1-196) sur Faust et son histoire littéraire et théâtrale. Dans le chapitre intitulé « Geschichtliche Nachrichten über den Träger der Faustsage» (pp. 1-26), on remarquera nombre de renseignements nouveaux qui font honneur au zèle investigateur de M. E., et, entre autres informations jusqu'ici peu ou nullement connues, la suivante (p. 17); elle est tirée de la Zimmerische Chronik, récemment publiée en seconde édition par le bibliothécaire de Strasbourg, M. Barack, et mentionne le wunderbarlicher nigromanta, du nom de Faust, qui mourut vers 1541 à Staufen, petite ville du Brisgau, ou non loin de là, dans un àge avancé (ist ein alter Mann worden). Le chapitre suivant, qui a pour titre Bühnengeschichte des Faust (pp. 27-191), contient aussi de nombreux détails importants et curieux sur les représentations de Faust depuis le xvIe siècle jusqu'à nos jours: beaucoup de ces détails sont inédits ou empruntés à des ouvrages peu connus ou peu accessibles; c'est ainsi que M. E. communique le passage tiré du Journal du conseiller G. Schröder (qu'il reproduit d'après le manuscrit de Danzig, année 1669, p. 33-35), des affiches du XVIIIe siècle, le récit de Nicolai (1781) etc.; en un mot, on a là, grâce à de patientes et minutieuses recherches, une histoire presque complète de la vieille comédie allemande de Faust ainsi que des représentations du Faust de Goethe; il est seulement regrettable que M. E. ait voulu faire œuvre de littérateur; il n'a pas réussi à classer et à ordonner ces précieux matériaux, rassemblés avec tant de peine. N'eût-il pas mieux fait de nous donner ces documents tels quels, en ne les reliant que par de brèves notices? Il y a trop de confusion et de désordre dans toute la partie du volume relative à l'histoire théâtrale de Faust.

Le deuxième volume, récemment publié par M. E., renferme la 1. Deutsche Puppenkomœdien, en huit petits volumes.

deuxième édition d'un Jean Faust, drame allégorique en cinq actes, publié en 1775 à Munich, et dont l'auteur a gardé l'anonyme; on l'a vait attribué sans raison à Lessing; plusieurs prétendent qu'il est, soit de Weidmann, soit de Schink. M. Engel a réimprimé, avec ce texte, un opuscule paru à Nuremberg en 1777 sous le titre : Arien aus dem allegorischen Drama Johann Faust von der Moserischen Gesellschaft abgesungen.

C.

CORRESPONDANCE

A propos de l'article sur la jeunesse de Fléchier.

Un ami, qui est en même temps un ami de la Revue critique, notre savant collaborateur M. Defrémery, appelle mon attention sur la faute d'impression qui, dans le compte-rendu de l'ouvrage de M. l'abbé Fabre (no du 4 septembre, p. 184), a fait asseoir l'évêque d'Aire Fromentières sur le siège d'Aix. Tous nos lecteurs auront certainement corrigé une faute que leur dénonçait l'impossibilité de voir un évêque là où, comme à Aix, existe un archevêché. Aussi n'aurais-je pas relevé la coquille de notre excellent imprimeur, si je n'avais eu à vous fournir un petit supplément à mon article sur la jeunesse de Fléchier. Je tire ce supplé ment d'une communication fort intéressante qui a été provoquée par une question d'un des plus grands curieux qu'il y ait au monde, communication due à un patient et habile chercheur du Comtat-Venaissin. M. de Joannis. C'est dans la Provence à travers champs des 10 et 17 juin dernier que M. de Joannis a parfaitement prouvé, d'après l'acte de baptême de Fléchier, conservé aux archives municipales de Pernes, et d'après le Livre de raison du père du futur évêque de Nîmes, que l'illustre orateur naquit le 18 juin 1632 et fut baptisé le len demain. M. l'abbé Fabre a donc eu tort de prétendre (tome I, p. 1) que Fléchier naquit le 10 juin, et d'ajouter en note : « M. l'abbé Delacroix fait naître Fléchier le 19 juin; Ménard et Ducreux fixent le 10 juin : ces deux biographes de l'évêque de Nîmes sont si bien informés qu'il est difficile de ne pas s'en rapporter à eux. » Le terrible questionneur dont je parlais tout à l'heure, questionneur auquel ses amis ont donné pour emblème un point d'interrogation accompagné de cette devise: Tes pourquoi, dit le Dieu, ne finiront jamais!

avait ainsi prévu (Provence à travers champs du 29 avril 1882) la réponse qui devait lui être faite : « Je demande la permission d'objecter à M. l'abbé Fabre que le renseignement donné par l'abbé Delacroix (Histoire de Fléchier, 1865, in-8°) a été emprunté à l'Histoire de Pernes par le docteur Jean-Julien Giberti, concitoyen de Fléchier, histoire dont le manuscrit original appartient à la bibliothèque de Carpentras. Pourquoi Giberti, qui écrivait en 1748 l'histoire de sa ville

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