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core la lettre du même datée de Poitiers, 26 février 1606, qui roule sur la polémique de Scaliger et de Guillandin, et s'étend sur l'origine illustre de « M. de Lascale ».

La biographie de Scaliger doit-elle être refaite aujourd'hui? Je ne le crois pas. Il y a lieu, sans doute, de compléter les bons travaux de Bernays et de M. Ch. Nisard; mais une traduction du livre de Bernays, dont le plan est excellent, pourrait suffire et serait bien accueillie en France, si le traducteur y ajoutait une annotation nouvelle empruntée en partie aux Lettres françaises de Scaliger. Je ne puis que joindre mes souhaits à ceux de ĮM. T. de L. pour qu'il se rencontre ce traducteur de bonne volonté, qui mettra à la portée d'un plus grand nombre de travailleurs la remarquable monographie du savant allemand. En attendant, c'est à M. T. de L. lui-même de tenir au plus tôt la promesse qu'il nous fait de réimprimer, avec additions et commentaires, le curieux recueil de Jacques de Rêves, dont j'ai transcrit plus haut le titre. Cette réimpression formera le pendant du présent livre, qui, par l'intérêt du sujet, l'utilité des documents publiés, l'abondance des commentaires, est un des plus importants travaux de M. Tamizey de Larroque.

Pierre DE NOLHAC.

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223. Madame Guyon, sa vie, sa doctrine et son influence, d'après les écrits originaux et des documents inédits, par L. GUERRIER, professeur au lycée d'Orléans, docteur ès-lettres. Paris, Didier, 1881, in-8° de 515 p. prix : 7 fr. 50.

Il y a bientôt deux cents ans que Mme Guyon est célèbre; elle n'est pas encore connue. » Ainsi débute la Préface de M. Guerrier. L'auteur continue en ces termes : « On sait généralement que ce fut une mystique, qui parut à la fin du XVIe siècle, et qui entraîna Fénelon. Quant aux événements si variés de sa vie, à ses pensées intimes, à ses écrits, à son influence, on ne les connaît pas. » Il ajoute que ces choses, intéressantes en elles-mêmes, le sont davantage encore par la place qu'elles occupent dans le développement des idées mystiques, dans les préoccupations de la fin dn grand siècle et dans l'histoire religieuse du temps. On aura tout de suite le diapason de l'enthousiasme du biographe dans cette phrase (p. 1): « Aussi nous a-t-il semblé utile d'écrire la vie de cette sainte et noble femme, et de rendre enfin à sa mémoire une justice trop longtemps refusée à ses vertus. » M. G., résumant son livre dans sa Préface, nous montre Mme Guyon édifiant d'abord sa ville natale << par une piété ardente et une inépuisable charité, » puis, quittant son pays et sa famille « pour s'en aller faire aimer Dieu en de lointains pays [en Savoie, au bord du lac de Genève, à Turin, à Grenoble, à Verceil], ▸ et, après cinq ans d'une vie errante, s'établissant à Paris et y exerçant son apostolat; séduisant chacun «< par son esprit et sa beauté dans sa

1. M. G. parle très souvent de l'extrême beauté de Mm• Guyon. On regrette qu'il

jeunesse; plus tard, par sa patience inaltérable, sa simplicité, sa douceur, ses vives lumières, et sa parole enflammée; se faisant aimer tour à tour de Mme de Montbazon, de la reine d'Angleterre, de la duchesse de Longueville, de la duchesse de Béthune, de Mme de Maintenon, des trois filles de Colbert, de Mme de Miramion, des ducs de Beauvillier et de Chevreuse, de Fénelon, en un mot, selon l'expression de M. G.' (p. 3), de ce qu'il y avait de plus grand et de plus vertueux à Paris et à la cour '. >>

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Reproduisons ici un chaleureux passage de la Préface (p. 3) : « Quand vinrent les persécutions et les mauvais jours, Vincennes et la Bastille, ses amis, sûrs de sa foi et de ses vertus, lui restèrent fidèles; et Fénelon, plutôt que de l'abandonner, n'hésita point à affronter cette mémorable controverse qui devait tenir, pendant deux années entières, Rome, Versailles, la France et l'Europe en suspens. On est à se demander si l'histoire offre un autre exemple d'une si éclatante et si solennelle discussion. C'est de l'amour de Dieu qu'on dispute: quel sujet ! Et quels adversaires! Au premier rang, Fénelon et Bossuet; derrière eux, Leibnitz et Malebranche, avec Nicole, le P. Lami, Bourdaloue, La Bruyère et Fléchier; le roi, la cour, presque tous les évêques dans un camp; tous les cœurs dans l'autre ; Rome prise pour juge et restant deux ans pour décider; et pour finir, la gloire au vaincu. »

M. G. nous apprend (p. 5) que l'analyse des doctrines et des discussions a été faite sur les écrits mêmes de Mme Guyon, de Molinos, de Fénelon et de Bossuet, qu'il a énoncé la doctrine de l'Eglise d'après les écrits les plus autorisés et que de savants théologiens l'ont éclairé de leurs lumières aux endroits particulièrement délicats. Pour les faits, il a eu recours aux livres de Mme Guyon, aux journaux et aux mémoires du temps, principalement aux correspondances. Il déclare avoir trouvé de précieux documents dans les Archives départementales du Loiret, dans les manuscrits de la bibliothèque d'Orléans, dans les collections de l'Arsenal, de la Bibliothèque nationale et surtout du séminaire de SaintSulpice.

La préface se termine ainsi (p. 6) : « Quant à l'auteur, il n'a qu'un mot à dire c'est qu'il a cherché à faire, sur un important et difficile sujet, un livre sérieux, dont la lecture ne fût pas trop fatigante; il a

n'ait pas donné, en tête du volume, une reproduction de son portrait de jeune femme, conservé au musée de Montargis. On le regrette d'autant plus, que, pour me servir des propres expressions du biographe (p. 32, note 1), « le portrait gravé dans la suite d'Odieuvre, et qui la représente à l'âge de 44 ans, ne donne plus l'idée de ce qu'elle avait été dans sa jeunesse.»

1. M. G. vante surtout en Mine Guyon (p. 4) « cette mystérieuse sérénité qui lui faisait dire, au milieu des plus terribles épreuves: Le ciel est-il plus paisible que

moi?

2. Sic. Le t est de trop. Le grand philosophe signait toujours: Leibniz. Plus loin, l'auteur adopte cette dernière orthographe. Puisque nous en sommes aux minuties, demandons-lui pourquoi il écrit (p. 151) Harlai pour Harlay?

cru, 'après de grands maîtres, que l'histoire est une œuvre d'art autant que d'érudition. »

Le livre de M. G. est à la fois une étude d'histoire et de philosophie religieuse. Je toucherai le moins possible aux questions théologiques, ne voulant pas me fourvoyer dans un pays qui m'est inconnu, et je donnerai toute mon attention au récit de la vie de « la grande mystique du XVIIe siècle en France. »

Jeanne-Marie Bouvier de La Motte naquit à Montargis le 13 avril 1648. M. G. décrit fort bien la jolie ville qui fut le berceau de son héroïne, les divers couvents où s'écoula son enfance (Bénédictines, Ursulines, Dominicaines). Il ne décrit pas moins bien, en s'aidant des sincè res et curieux mémoires rédigés par Mme Guyon pour son confesseur', le caractère de la jeune fille (p. 17): « cette âme ardente et agitée, pleine de dons éclatants, d'aspirations généreuses et de vertus, mais ouverte à toutes les influences, et emportée à tous les vents du ciel, parce qu'on aura négligé de développer en elle ces facultés maîtresses, qui sont à la fois la lumière, la force et la dignité de la vie : la raison et la volonté. » Après nous avoir fait connaître la jeune fille, il nous fait connaître la jeune femme. Jeanne fut mariée (janvier 1664) avec un riche gentilhomme de Montargis, Jacques Guyon, écuyer, seigneur de Chesnoy et de Champoulet. Elle n'avait pas encore seize ans, et il en avait trente-huit. Ce mariage ne devait pas être heureux. L'époux « rude et lourd » n'était en aucun point digne de la jeune fille si distinguée et si spirituelle qui lui avait été confiée. Il y avait, en outre, dans la maison de la rue du Four-Dieu, une belle-mère « bizarre, irritable et dure, avec qui personne ne put jamais s'accorder. » M. G. retrace avec une sympathie communicative les tourments des tous les instants qu'eut à subir la jeune femme, ces continuels coups d'épingle qui sont, à la longue, plus intolérables que des coups de poignard. Avec lui, nous plaignons de tout notre cœur Mme Guyon, et nous maudissons sans réserve son mari et surtout sa belle-mère, l'injusta noverca de Virgile. Aux détails sur la jeune mariée succèdent les détails sur son séjour à Paris, sur sa grave maladie 2, sur sa liaison avec la duchesse de Béthune-Charost, sœur du surintendant Foucquet, internée à Montargis, comme Marie de Meaupeou, leur mère, sur l'entrée de Mme Guyon dans la vie mystique, sur ses austérités 3, sur son nouveau voyage à Paris, sur la petite

1. La vie de Mme J. M. B. de La Motte-Guion (sic), écrite par elle-même, Cologne, 1720.

2. M. G. s'indigne plaisamment (p. 35) contre les médecins de Me Guyon qui la saignèrent à outrance : « Les médecins s'employèrent avec énergie; ils lui tirèrent quarante-huit palettes de sang en sept jours. Elle n'en avait plus qu'ils en voulaient tirer encore, et, l'ayant presque tuée, ils déclarèrent qu'il n'y avait plus d'espoir. Voir sur l'abus que de tout temps les médecins français ont fait de la saignée la Cor respondance littéraire (édition de M. Maurice Tourneux, t. IV, p. 120). Grimm declare que nos médecins « sont décriés pour cela dans toute l'Europe. »

3. Nous lisons (pp. 42-43) : « Mme Guyon s'était aisément détachée du monde, et

vérole qui lui enleva toute la beauté dont elle était si fière ', sur le P. La Combe, Barnabite, natif de Thonon, au diocèse de Genève, qui fut son directeur, et qui occupa une si grande place dans sa vie, sur la mort de son mari (21 juillet 1676), sur son séjour à Gex, à Thonon 2, à Turin, à Grenoble 3, à Marseille, à Alexandrie, à Gênes, à Verceil, sur le Moyen court, petit livre écrit à Thonon avant les Torrents, imprimé à Grenoble au commencement de 1685, dont cinq éditions s'enlevèrent en peu de jours, et, à cette occasion, sur la doctrine renfermée dans les deux opuscules, sur le quiétisme représenté par Falconi, par Malaval et par Molinos, sur l'arrivée à Paris de Mme Guyon, sur son entrevue avec M. de Harlay, archevêque de Paris, sur son emprisonnement et sa mise en liberté, sur ses premières relations avec Fénelon et Mme de Maintenon, sur son influence à Saint-Cyr, sur ses entretiens avec Nicole, l'abbé J.-J. Boileau, Bossuet et sur les conférences d'Issy, sur la seconde cap

surtout de son mari; elle mit plus de temps à se détacher d'elle-même. Pourtant elle ne s'épargnait pas. Elle se donnait tous les jours la discipline, avec des instruments armés de fer; elle portait des ceintures de crin, se fouettait avec des orties, se déchirait avec des ronces, mettait des pierres dans ses souliers, de l'absinthe dans sa bouche, de la coloquinte dans sa nourriture: elle n'en avait jamais assez. »

1. M Guyon s'accusait de trop tenir à cette beauté, mais ses confesseurs, ditelle, loin de la blâmer, flattaient cette faiblesse. « Ils savaient sans doute, » ajoute agréablement M. G. (p. 45), « excuser un peu de vanité, dans une si belle pénitente, tant ils en connaissaient d'autres, qui étaient plus vaines, sans aucun motif. >>

2. M Guyon resta plus de deux ans chez les Ursulines de Thonon. Ce fut là, comme elle le déclare elle-même, qu'elle écrivit son livre des Torrents, au commencement de 1683. Michelet (Le prêtre, la femme et la famille, ch. vii), s'est doublement trompé en faisant composer ce livre « à Annecy, aux Nouvelles Converties. » Les Nouvelles Converties étaient à Gex, et M Guyon ne résida jamais à Annecy. 3. M. G. consacre de piquantes pages à l'évêque Etienne Le Camus et à son clergé (pp. 82, 83). Là, il s'est servi de la correspondance de Le Camus avec M. de Pontchâteau. Ce fut à Grenoble qu'en quelques mois M" Guyon écrivit (p. 87) son explication sur l'Ecriture-Sainte, publiée depuis en vingt volumes. M. G. emprunte à l'auto-biographie de son héroïne diverses informations sur la manière dont elle écrivait ses inspirations, « la main ne pouvant presque suivre l'esprit qui dictait, »>< et la vitesse étant si grande « que le bras m'enfla et devint tout roide. » Que l'on s'étonne, après cela, du nombre effrayant de volumes laissés par M Guyon et que M. G. a eu le mérite de lire jusqu'au bout!

4. Cette arrivée est du 21 juillet 1686. Le cardinal de Bausset (Histoire de Fénelon) fait à tort revenir Mm Guyon en 1687. Michelet (Louis XIV et la révocation de l'édit de Nantes) place le séjour de Mme Guyon à Paris entre les années 1670 et 1680. Il en fait, à ce moment, « une veuve de vingt ans, » quand elle en avait trentehuit. Plusieurs écrivains ont ainsi notablement rajeuni Mme Guyon. M. G. reprend plusieurs fois encore le cardinal de Bausset et Michelet (toujours de compagnie). C'est ainsi que (p. 284), il substitue, pour le sacre de Fénelon, la date du 10 juillet à la date du 10 juin, donnée par le premier, et, comme prélat assistant, l'évêque d'Amiens, à l'évêque de Chartres, désigné par le second. De même (p. 457), il rappelle que de Bausset fait mourir le P. La Combe dès 1699 et que Michelet le fait mourir plus vite encore (Le prêtre, la femme et la famille, ch. vii). La vérité est que le Père La Combe ne mourut qu'en 1715, à 75 ans.

tivité de Mme Guyon, sur la lutte entre l'évêque de Meaux et l'archevèque de Cambrai, lutte à propos de laquelle l'auteur signale des écrits et des circonstances jusqu'à présent négligés ou inconnus et complète, sans les reproduire, les récits qu'on peut lire ailleurs, sur les persécutions qu'eurent à subir le P. La Combe (mis à Vincennes), Mme Guyon (mise à la Bastille), les principaux amis de Fénelon (exilés de la cour), enfin sur les dernières années, la maladie et la mort (9 juin 1717) de celle à qui l'on peut reprocher bien des imprudences et des exagérations, mais qui doit nous trouver profondément indulgents, car, suivant le joli mot de la fin (p. 515), « il est juste, après tout, de pardonner quelque chose à ceux dont le seul tort est de vouloir trop aimer Dieu. »

M. Guerrier nous avait promis une étude sérieusement faite et qui ne fût pas d'une pénible lecture 2. Il a tenu parole et tous ses lecteurs penseront ou plutôt ont déjà pensé (car le présent article parait trop tard pour prédire un succès déjà constaté) tous ses lecteurs, dis-je, ont déjà pensé qu'il n'y a pas dans son livre moins d'art que d'érudition.

T. DE L.

1. De Vincennes, Mine Guyon fut transportée chez les Filles de Saint-Thomas à Vaugirard où elle fut cruellement traitée. Voir la description de ses souffrances tiree d'une de ses lettres inédites au duc de Chevreuse (p. 321, note 2). Ces lettres, comme beaucoup d'autres documents dont M. G. a tiré parti le premier, appartiennent à la bibliothèque de Saint-Sulpice.

2. Loin d'être aride, l'étude de M. G., généralement attrayante, devient même parfois amusante. L'auteur mêle à ses récits une foule de mots heureux, spirituels. Citons-en quelques-uns : « Les religieuses étaient sous le charme..., les religieux encore plus... » (Préface, p. 2). Le prédicateur Séraphin « bon homme au fond, qui mangeait et buvait largement, pour mieux prêcher la pénitence, et dévora, peadant un carême, plus de cent pistoles à l'archevêque de Paris » (p. 145). — Sachet, curé de Saint-Gervais, « le directeur préféré des âmes tendres. Etait-il menacé de l'apparence d'un rhume, toutes les dévotes se mettaient à lui préparer un bouillon, et il allait en prendre un peu partout, afin de ne pas faire de jalouses » (p. 153). — Le futur cardinal Le Camus « manœuvra avec une habileté sans égale, tendant amoureusement sa voile à tous les vents qui lui venaient de Rome, et abaissant, jusqu'à le cacher, le pavillon des libertés gallicanes, sur le vaisseau qui portait sa fortune» (p. 243). — « Le scandale [de l'intimité de M" de Harlay avec la duchesse de Lesdiguières] était plus grand que le péché, à l'âge où était l'archevêque » (p. 285. — « Une créature... qui vous porte le poing sur la hanche, quand elle ne vous le met pas sous le nez... » (p. 321, note 2). Je ne retrouve pas la page où, à propos de l'opuscule de Mme Guyon, M. G. a mis (peut-être sans préméditation) cet autre bon mot « Les Torrents se répandirent plus librement. »

3. L'art, en certains passages, se montre un peu trop. La phrase affecte parfois la forme du vers, comme celle-ci (p. 34) : « tout ce que

Le temps jaloux emporte ou flétrit de son aile. »

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C'est sans doute une faute d'impression qui, dans la même page, place Mm Guyon <«< au milieu de la verdure des fleurs.» Je suppose que l'auteur a voulu dire : au lieu de la verdure et des fleurs. A côté de quelques taches, brillent des morceaux remarquables, tels que l'éloge de Mme de Maintenon (p. 191), l'éloge de Fénelon vaincu et acceptant si noblement la défaite qui devient plus glorieuse qu'une victoire (p. 467). M. G. dit, au sujet de la mort de Fénelon (p. 489): Le monde perdait une des plus belles âmes qui aient jamais paru sur la terre. » 4. Indiquons deux ou trois fautes d'impression: Juillet 1671 pour juillet 1091

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