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e câreint « qu'ils aimeront »; le pronom se termine en nt comme la personne correspondante de la conjugaison dite personnelle'.

Il y là un sujet fécond d'études. On ne peut trop féliciter M. L. de l'avoir abordé. Toutefois, il me semble en avoir quelque peu exagéré l'importance quand il a écrit:

<< La vue et le sens net de l'élément pronominal dans le verbe est « un besoin impérieux chez tous les peuples ario-européens. Ce qui << nous paraît caractérisque chez les néo-celtes, c'est que cet élément « semble simplement agglutiné au verbe, qu'ils peuvent le préfixer, le « suffixer, le séparer, l'employer à différents cas avec la plus grande fa« cilité; c'est qu'ils ont une sorte de prédilection pour la construction << verbale qui consiste à faire du thème verbal le sujet et du pronom « l'objet » (p. 33).

Ces doctrines sont, à mon avis, trop absolues. Si la vue et le sens net de l'élément pronominal dans le verbe était un besoin impérieux pour tous les peuples ario-européens, il devait par exemple être senti par les Latins. Or, chez les Latins, il ne pouvait être que bien rarement satisfait. Chez eux, à l'exception de quelques premières personnes du singulier en m, les désinences verbales, comme celles d'amo, amas, amat, amamus, amatis, amant, ne correspondent en rien aux pronoms des première, seconde et troisième personnes au singulier ni au pluriel. Les Irlan dais du ixe siècle ne devaient guère être plus heureux. Je vais mettre en regard des formes de l'indicatif présent de la première conjugaison les pronoms correspondants:

Conjugaison conjointe: Conjugaison absolue :

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Pronoms:

mé, «< moi. »

té, « toi »

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De ces douze formes, une seule, la première personne du singulier de la conjugaison absolue, offre « la vue et le sens net de l'élément pronomi<«< nal dans le verbe... besoin impérieux chez tous les peuples ario euro« péens. » La désinence de berimm « je porte » offre avec le pronom

1. Guillome, ibid., p. 31, 33, 63. Cet auteur donne pour le pronom pluriel de la 3 personne l'orthographe ind, forme dialectale moderne du plus ancien int ou inti, comme l'écrit Larmery, Dictionnaire français-breton, La Haye, 1756, p. 191, cal. 2, au mot « il ». Le moderne ind se trouve déjà du reste chez Larmery au mot << eux », p. 146, col. 2.

1. Les formes abrégées que revêtent ces pronoms quand d'absolus ils deviennent suffixes sont sing. ire p. m, 2o p. t, 3 p. d, t, u, i, e; pluriel 1 p. x, 2o p, tb, 3 au datif ib, à l'accusatif u, o.

mé, « je, moi » une ressemblance évidente. Pour les onze autres désinences verbales, l'analogie avec les pronoms est au moins douteuse. La ressemblance que la désinence de la troisième personne du singulier de la conjugaison absolue, berid, offre avec le pronom neutre correspondant, ed, ne peut être considérée que comme fortuite '.

Presque tous les éléments de cette conjugaison appartiennent au domaine commun de la conjugaison indo-européenne, comme plusieurs savants, et en dernier lieu M. Windisch, l'ont clairement démontré. Les flexions personnelles spéciales aux langues celtiques et empruntées clairement aux pronoms n'apparaissent en vieil irlandais que dans la conjugaison d'une des racines du verbe substantif, et à une seule personne, la seconde : at << tu es », comparez tû « toi »; adib, « vous êtes », comparez sib, «< vous ». Le pronom pluriel suffixe de la première personne, omp en léonard, amb en vannetais, le pronom pluriel absolu de la troisième personne, îat en irlandais, int, ind en vannetais, wynt en gallois, que l'analogie a fait tirer chacun de la désinence verbale correspondante, sont de formation moderne; ils ne se rencontrent pas dans les monuments néo-celtiques les plus anciens.

Ainsi le rôle considérable de l'élément pronominal, dans le verbe néoceltique moderne est de date récente. Suivant moi M. L. a raison de constater le rôle prédominant de cet élément dans la conjugaison actuelle, il n'a pas établi l'existence de cet élément dans l'ancienne conjugaison du verbe néo-celtique.

Je ne considère pas non plus comme démontrée la prédilection que M. L. attribue aux Néo-celtes pour la construction verbale qui con<«<siste à faire du thème verbal le sujet et du pronom l'objet. » C'est à cette thèse que se rattache une doctrine nouvelle de M. Loth. Suivant lui, le passif celtique n'est autre chose qu'un substantif formé à l'aide du suffixe -ári, -ôri (pp. 85-86). En vannetais, le passif se construit avec le pronom suffixe ou complément, qui alors devient infixe, exemple em garer (lisez em harer), hin garer, hi garer (lisez hi harer), je suis aimé, il est aimé, elle est aimée. M. L. propose pour les autres dialectes bretons une formation analogue qui donnerait suivant lui am gareur « je suis aimé, » hen gareur « il est aimé », hi gareur « elle est aimée »; lisez am c'hareur « je suis aimé, » et non am gareur; he c'hareur « elle est aimée »> et non hi gareur : les lois phonétiques du breton l'exigent ainsi. Ce

1. On pourrait cependant soutenir que la désinence de la troisième personne absolue du singulier, berid, est étymologiquement identique au d qui est une des formes du pronom suffixe à la même personne du même nombre. La correspondance entre la désinence verbale et le pronom existerait dans deux formes sur douze.

2. Il y a déjà dans la Vie de sainte Nonne, xv siècle, des exemples de cette combinaison du verbe passif avec un pronom infixe, Grammatica celtica, 2o édition, pp 374, 375, 530. Pour ce qui concerne l'action exercée aujourd'hui par les pronoms infixes de la première personne, am, et de la troisième personne du féminin hi, he,

qu'il y a aussi de certain, c'est qu'on trouve le passif conjugué avec le pronom absolu: me a garer, me a gareur 1, et que là le pronom a dû, au moins à l'origine, avoir valeur du sujet.

Aux yeux de M. L., ce qui prouve que le verbe passif est, dans les langues néo-celtiques, un substantif (p. 85), c'est que ce verbe en breton n'a pour chaque temps qu'une forme, celle qui, dans l'opinion reçue, est la troisième du singulier. Mais cette doctrine de M. L. se heurte à de graves difficultés. L'une est que dans le vieil irlandais le passif a deux formes pour chaque temps, et que de ces deux formes, l'une pour le singulier carthir = * caratir « il est aimé, » l'autre pour le pluriel caritir

* carantir « ils sont aimés », la seconde se distingue de la première par une modification de désinence qui appartient à la conjugaison et non à la déclinaison.

Une autre difficulté est que le déponent du vieil irlandais a les flexions du passif avec trois personnes et deux nombres à chaque temps, d'où il y a lieu de conclure qu'originairement le passif irlandais a eu aussi à chaque temps trois personnes et deux nombres à chaque personne. Suivant M. L., le verbe déponent irlandais est une création grammaticale postérieure à la date où l'irlandais s'est séparé du breton. Mais cette hypothèse est contredite par le déponent gallois gwyr « il sait » (Grammatica celtica, 2o édition, p. 602), en cornique gwor (ibidem, p. 603), en moyen breton goar (ibidem, p. 604), de la racine VID, dont, en vieil irlandais, le futur déponent fessur « je saurai » et le parfait déponent fetar « je sais sont d'usage si fréquent 2.

Il n'est donc pas établi à nos yeux que l'on doive reconnaître un substantif dans la forme verbale bretonne que les grammairiens ont jusqu'ici considérée comme la troisième personne du singulier du passif.

Ainsi je ne partage pas sous tous points les doctrines de M. Loth qui me paraît avoir subi un peu trop profondément l'influence du vannetais, c'est-à-dire du dialecte breton qu'il a eu le précieux avantage de parler dès son enfance. Mais j'ai été heureux de trouver dans son mémoire, outre un tableau complet du verbe néo-celtique qui nous manquait jusqu'ici, une foule d'observations intéressantes et justes sur l'his toire de ce verbe, surtout aux époques rapprochées de nous. C'est ce qui fait la valeur principale de son travail. Quant aux théories, suivant moi un peu absolues, que je critique, elles perdraient la plupart du temps, je crois, ce caractère, si l'auteur avait donné plus de développement à l'ex

sur la consonne initiale du verbe suivant, voyez Guillome, Grammaire françaisebretonne, p. 131; Le Gonidec, Grammaire bretonne, édition La Villemarqué, p. 10. 11; Rotrenen, Grammaire française celtique, Rennes, 1738. p. 13.

1. Le Gonidec, Grammaire bretonne, édition La Villemarqué, p. 37, note **; ct. p. 53.

2. B. Gueterbock et R. Thurneysen, Indices glossarum et vocabulorum hiberat corum quæ in Grammaticæ Celticæ editione altera explanantur, p. 114, aux mets ro-fetar, finnad.

pression de sa pensée en évitant l'excessive concision de formules trop courtes avec lesquelles l'inexactitude est un résultat presque inévitable. Qu'à l'avenir il donne à son exposition plus d'ampleur et il n'aura pas de peine à justifier les espérances que les amis des études celtiques font reposer sur son début.

H. d'ARBOIS DE JUBAINVILLE.

225.- PASQUALE VILLARI. Niccolo Machiavelli e i suoi tempi illustrati con nuovi documenti. Firenze, successori Le Monnier. 1877-1882. 3 vol. in-8°.

De nombreuses publications relatives à Machiavel ont paru dans ces derniers temps, surtout en Italie: le concours ouvert à Florence en 1869, à l'occasion des fêtes du 4° centenaire de la naissance de Machiavel, y a été pour quelque chose, mais il faut chercher la cause véritable de l'intérêt qui s'attache au secrétaire de la République florentine dans la gravité même des problèmes politiques et sociaux qui se posent aujourd'hui à tous les esprits sérieux; on a senti plus fortement le besoin d'étudier à fond les actes et les pensées d'un homme dont les théories politiques et morales ont excité à la fois tant de séduction et tant de répulsion. Ces théories, il faut le reconnaître, quelque jugement qu'on porte sur elles, ont rompu avec toutes les traditions du moyen âge et préparé la conception de l'Etat moderne. C'est à un point de vue de critique politique, en même temps que de critique historique, que M. Pasquale Villari a composé son ouvrage sur Machiavel, dont nous sommes heureux de saluer aujourd'hui l'achèvement.

Quel est le point de vue fondamental de l'ouvrage de M. Villari? C'est que, pour juger avec équité le caractère politique et moral de Machiavel, il faut l'étudier dans ses relations avec son temps, et, si je puis dire, le replacer dans son milieu. Il est nécessaire de savoir quelle influence ont exercée sur son esprit les conditions politiques et morales de son temps et de son pays, par quels actes se sont manifestés son génie propre et ses tendances personnelles. Les moralistes peuvent juger ce qu'il a pu y avoir de juste ou d'injuste, de louable ou de blâmable dans ses doctrines; le philosophe et le critique trouvent plus intéressant d'étudier les causes historiques ou psychologiques qui les ont formées et les expliquent. C'est ce qu'a fait M. V., et, à mon sens, avec une réelle supériorité. Son livre n'est ni une simple biographie, ni un livre d'apologie ou de polémique; c'est une œuvre de haute critique his

1. Je pourrais aussi lui donner le conseil de s'adresser à un imprimeur plus attentif à la corection des épreuves. Jamais je n'ai vu une collection de lettres cassées comparable à celle qu'offrent les pages 60 et 61. Une grande partie de la page 61 est littéralement illisible.

torique, où Machiavel est étudié à fond, où sa vie, ses œuvres, le milieu où il s'est développé sent soumis à un minutieux examen. Il est vrai que, sur plus d'un point, cette étude aboutit à une justification; dans sa con. clusion, l'auteur exprime, en termes enthousiastes, sa sympathie pour son héros; l'étude des faits n'en est pas moins conduite avec une rigoureuse impartialité. On pourra différer de jugement avec M. V., mais quicon. que lira attentivement son livre, lui reconnaîtra le mérite d'avoir placé Machiavel dans son vrai jour; d'avoir permis à chacun de se former un jugement raisonné sur son compte, et d'avoir dissipé un certain nombre de préjugés contraires à la vérité historique.

L'ouvrage s'ouvre (t. I, 1-300) par une longue introduction sur la Renaissance italienne examinée au point de vue politique, moral et littéraire. Cette introduction se divise en quatre chapitres. Après un aperçu général sur la Renaissance (ch. 1), l'auteur étudie successivement le rôle politique et social de chacun des principaux Etats italiens: Milan, Florence, Venise, Rome et Naples (ch. 11); puis il expose le mouvement littéraire de Pétrarque à Machiavel (ch. . M. V. aurait dû placer ici le tableau du mouvement artistique, qu'il a inséré au début du II volume, et qui interrompt fâcheusement l'exposé de la vie de Machiavel); enfin il résume la situation politique de l'Italie à la fin du xve siècle (ch. iv). Cette introduction est déjà un livre, qui, à lui seul, ferait honneur à un écrivain. L'auteur a tenu compte de toutes les recherches récentes dont les événements de cette période ont été l'objet, il a groupé les faits dans un tableau lumineux, et les a jugés avec l'élévation et la sérénité d'esprit d'un vrai critique.

On a reproché à cette introduction d'être hors de proportion avec le reste de l'ouvrage et de n'avoir que peu de rapports avec la biographie de Machiavel. Je ne partage pas cette opinion. L'objection aurait de la force si M. V. n'avait voulu faire qu'une simple biographie. Il n'en est point ainsi son plan est plus large et plus complexe cette grande étude préliminaire fournit la base même des jugements qui peuvent être portés sur Machiavel comme homme, comme homme d'état, comme écrivain.

En dehors de l'introduction, l'ouvrage se compose de deux livres correspondant aux deux grandes époques de la vie de Machiavel: l'épo que de son activité politique et l'époque de son activité littéraire. Le premier livre, comprenant seize chapitres, contient la biographie de Machiavel depuis sa naissance jusqu'à la restauration du gouvernement médicéen en 1512, restauration qui eut pour conséquence la destitution de Machiavel de son office de secrétaire de la République, et son éloignement des affaires publiques. Le second livre, comprenant dix-huit chapitres, s'étend de 1512 à la mort de Machiavel, et contient l'examen des ouvrages politiques, historiques et littéraires composés par lui dans cette seconde période de sa vie; période d'inaction au point de vue politique; période malheureuse pour Machiavel, mais heureuse pour nous:

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