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société dont le Prince est la tragédie ». C'est un tableau de mœurs palpitant et vivant, où le réalisme le plus grossier est racheté par une forme exquise et par un grand art.

Disons encore deux mots à propos des documents publiés en appendice à chacun des trois volumes de M. Villari, ils sont au nombre d'environ 150, répartis en 78 numéros, presque tous inédits, beaucoup d'une réelle valeur. Notons dans le premier volume une lettre de Piero Alamanni, ambassadeur florentin à Milan (31 mars 1494) où est insérée une phrase qui lui fut dite par Ludovic le Maure, phrase qui peint au vif le sentiment, si souvent mis en doute, de ce tyran sur les choses italiennes: « Vous me parlez toujours de l'Italie, mais moi je ne l'ai jamais vue. » Plusieurs lettres, écrites à Machiavel par des employés de la Chancellerie florentine, pendant qu'il était auprès du duc de Valentinois, renferment, en un langage familier et souvent peu décent, la petite chronique de la bureaucratie florentine. On trouve encore dans ce premier volume deux lettres fort intéressantes d'Agostino Vespucci, écrites de Rome en 1501, qui renferment une peinture très vive de la ville des Borgia, et décrivent en un style ému la corruption de la cour et de la cité.

Dans le volume II, il faut noter les lettres adressées à Machiavel par Francesco Vettori (Rome, 1513-1515), qui font pendant à d'autres let tres de Machiavel lui-même, déjà publiées dans ses œuvres. Nous citerons encore une lettre du fameux Micheletto de Coreglia, le vieux sicaire de César Borgia, dont Machiavel s'était servi pour l'organisation militaire du territoire florentin (1508), et une autre du cardinal Jean de Médicis, sur le sac de Prato (1512); mais le document le plus curieux de ce volume est les annotations autographes de l'ex-reine Christine de Suède, et une traduction française du Prince écrites en marge d'une édition de 1683.

Dans le volume III, nous avons été heureux de trouver réimprimée dans son texte original une lettre de Marietta Corsini, femme de Nicolas Machiavel, écrite à son mari absent de Florence; cette lettre, la seule qu'on possède, fait honneur au caractère affable et à la vertu domestique de cette femme qui a été si injustement calomniée. D'autres lettres de parents ou d'amis complètent la biographie intime de Machiavel, et font désirer que sa correspondance privée soit publiée en entier, et dans une forme meilleure que celle des éditions ordinaires.

C. PAOLI.

226.

Vicomte d'HAUSSONVILLE, ancien député. Le salon de Mme Necker, d'après des documents tirés des archives de Coppet. París, C. Lévy, 1882, 2 vol. in-18 de 361 et 305 p. Prix : 7 fr.

Louons tout d'abord et sans réserve la pensée qui a inspiré ce livre. Tandis que presque tous les descendants des personnages célèbres du XVIII° siècle s'efforcent de décourager, par leur inertie ou leur mauvais

vouloir, les travailleurs soucieux de remettre en lumière le nom ou les œuvres de leurs ancêtres, M. le vicomte Othenin d'Haussonville n'a pas hésité à tirer des archives de Coppet un livre dont le titre indique le plan. Dans un cadre ingénieux, l'auteur a groupé tous ceux qui ont tenu un rang dans les affections de Me Necker ou simplement même traversé son salon. Sans doute, le rôle politique et les travaux de publiciste de M. Necker, l'enfance, les débuts dans le monde et le mariage de Germaine Necker fournissent quelques chapitres à M. d'H., mais c'est bien Sophie Curchod de Nasse, devenue, en 1764, Mme Necker, ce sont bien les amitiés, et, qui le croirait? les passions qu'elle inspira dans sa jeunesse, ce sont surtout les volumineuses correspondances reliées à Coppet en vingt-sept volumes (dit M. d'H., t. I, p. 4), qui prêtent à ce livre un intérêt soutenu. On y trouve tour à tour des lettres inédites de Gibbon qui, par un jeu piquant du sort, fut le premier soupirant de Mme Necker, et le dernier ami à qui elle survécut, de la duchesse d'Enville, de Marmontel, de Morellet, de Grimm, de Diderot, de d'Alembert, de Mile de Lespinasse, de Galiani, de Bernardin de Saint-Pierre, de Dorat, de Mme de Vermenoux, de Mme Geoffrin, de la duchesse de Lauzun, de Me de La Ferté-Imbault, de Mme de Marchais, de Mme d'Houdetot, de Moultou, de Buffon, de Thomas, de Mme de Choiseul, du maréchal de Mouchy, du comte de Tressan, de Mme d'Epinay, de la marquise de Créquy, de Cambon, évêque de Mirepoix, de Boisgelin de Cucé, archevêque d'Aix, de Vergniaud, de l'abbé Maury, etc., etc.

J'ai suivi dans cette énumération l'ordre même des chapitres, afin de montrer tout ce que le lecteur y trouvera de nouveau et de curieux; le commentaire qui accompagne ces révélations, parfois tronquées (comme le sont notamment les lettres de Diderot), est délicat et piquant, mais le plus souvent mélancolique. On devinerait, si l'auteur ne le disait luimême, que ce livre a été écrit dans la tourelle des archives de Coppet, devant les portraits de famille, à deux pas du tombeau des deux époux et de leur fille. De là le charme intime du récit, de là aussi l'embarras du narrateur quand il se trouve en présence des contradictions de caractère si fréquentes chez son aïeule; mais, comme l'a dit Sainte-Beuve, «< apprécier Me Necker n'est pas une étude sans difficulté. Ses défauts sont de ceux qui choquent le plus aisément en France, ce ne sont pas des défauts français; et ses qualités sont de celles qui ne viennent trop souvent dans le monde qu'après les choses de tact et de goût, car elles tiennent â l'âme et au caractère ».

En insistant sur l'agrément littéraire de certaines pages de ce livre, telles que le début (sur le charme de l'inédit à notre époque) ou cette apostrophe aux femmes du xviie siècle (t. I, p. 289), qui rappelle presque un de ces « couplets » où Sainte-Beuve excellait, je craindrais de sortir du rôle assigné à la Revue critique. J'y reviens, en indiquant à M. d'H. quelques menues erreurs que les errata de chacun de ses deux volumes n'ont point relevées.

Tome I, p. 128. Si la Biographie universelle ne fait pas mention du financier Montauron, M. d'H. eût trouvé quelques détails sur ce personnage dans l'excellente édition de Corneille, due à M. Ch. Marty-Laveaux, t. III, p. 369.

P. 130. Marmontel n'est pas mort à Paris, mais à Habboville, commune de Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), le 31 décembre 1799.

P. 184. M. d'H. attribue à Dorat (j'ignore en vertu de quelle autorité) un livre intitulé l'Esprit de Caraccioli, et qui, d'après cette note, aurait été écrit en l'honneur de l'ambassadeur de Naples! Or, ce livre (Liège et Dunkerque, 1774, in-12) est tout simplement un extrait des innombra. bles rapsodies de Louis-Antoine Caraccioli, l'auteur de la Jouissance de soi-même, du Langage de la raison, des Lettres récréatives, etc., et, bien que la préface se propose « d'honorer la mémoire » d'un écrivain qui avait << immortalisé ses talents » par la défense de la religion, Dorat est certainement étranger à une compilation qui revient de plein droit à celui qu'elle célébrait. L.-A. Caraccioli n'était point mort à cette date, comme la phrase citée pourrait le faire croire: il ne cessa d'écrire qu'en 1803. Son homonyme l'avait précédé de quatorze ans dans la tombe.

P. 226. Besenval n'a pas laissé deux, mais quatre volumes de Mémoires dont la publication, par les soins du vicomte A. J. P. de Ségur, son exécuteur testamentaire, ne laissa pas que de causer une vive contrariété à sa famille. On trouve ce sujet dans la Décade philosophique (t. XLVII, p. 126) une lettre de MM. U. A. J. de Besenval et Besenval le jeune, datée de Soleure, 27 septembre 1805.

P. 321. A propos de la Visite de Hérault de Séchelle à Buffon, M. d'H. est tombé dans une erreur déjà commise jadis par M. Flourens '. « Publiée, dit-il, au lendemain de la mort de Buffon, elle contient d'intéres sants détails mêlés à des assertions qui paraissent calomnieuses. » Buffon est mort le 16 avril 1788 et la Visite en question (Paris, 1785, in-8, 53 pp.) est datée, sur le titre : Septembre 1785, et à la dernière page: « Ecrit dans les allées de Bréaux près du couvent, octobre 1785, » ce qui prouve surabondamment que cette brochure fut rédigée au lendemain même des entretiens du jeune avocat avec le brillant naturaliste. Les détails que donne Hérault de Séchelles sur certaines particularités de la vie privée de Buffon, égalent, s'ils ne les dépassent, les plus effrontés « reportages » actuels. Mais, au moment de leur mise au jour, ces « informations semblent avoir été tolérées par celui-là même qui en était l'objet, et sa famille songea si peu à s'en affecter qu'Hérault de Séchelles fut, en 1793, un des témoins de Buffon fils lorsqu'il épousa en secondes noces Betzy Daubenton.

Tome II, p. 80. La note sur la compilation bien connue intitulée :

1. Les manuscrits de Buffon (Garnier frères, 1860, in-18), p. LXXIV. M. Flourens ajoute que le récit d'Hérault de Séchelles fut publié en cette même année 1785 par le Magasin encyclopédique, dont la première série ne parut qu'en 1792.

Paris, Versailles et les provinces au xvII° siècle, aurait pu être complétée par un détail qui n'avait rien d'oiseux la première édition (Lyon et Paris, 1809, 2 vol. in-8) contient sur M. Necker des anecdotes qui disparurent des éditions subséquentes (3 vol. in-8) à la prière du libraire Nicolle, l'un des éditeurs de Mme de Staël.

Terminons ces chicanes par un vœu que tous les lettres souhaiteraient de voir exaucé. Puisque M. d'Haussonville a entr'ouvert la porte si longtemps close des archives de Coppet, et qu'il y signale l'existence de la correspondance « à peine classée » de Mme de Staël, il devrait quelque jour rendre à la fille le même hommage qu'à la mère, et remettre en lumière, par la publication intégrale de ces documents, ce mâle talent et ce noble caractère.

Maurice TOURNEUX.

227.

Albrecht von Hallers Gedichte herausgegeben und eingeleitet von Dr. Ludwig HIRZEL, ord. Professor der deutschen Literatur an der Universität zu Bern. Frauenfeld, Huber. In-8°, XII, DXXXVI et 423 p. 12 mark.

La publication de M. Louis Hirzel (qui forme le IIIe volume de la << Bibliothèque des anciennes œuvres de la Suisse allemande » dirigée par MM. Fritz Baechtold et Ferd. Vetter) renferme deux parties : 1° l'introduction consacrée à la vie et aux œuvres de Haller; 2° le texte des poésies du grand Bernois. - L'introduction est le travail le plus complet et le mieux fait qui ait encore paru sur Haller; elle comprend plus de la moitié du volume et renferme une foule de détails et de documents jusqu'ici inconnus ou passés presque inaperçus. M. Hirzel a consulté et mis en œuvre l'autobiographie composée par Haller en 1732 (qui se trouve à la Bibliothèque de la Brera à Milan, ainsi qu'une partie de sa bibliothèque vendue après sa mort par ses fils à l'empereur Joseph II qui la distribua aux villes de Milan, de Padoue et de Pavie); le journal du voyage que Haller, alors étudiant à Leyde, fit en 1726 dans la Basse-Allemagne, en compagnie de Marlot et de Diesbach; les notes de son séjour à Paris et à Londres; les impressions qu'il recueillit de sa grande excursion dans les Alpes en 1728; sa correspondance (aujourd'hui à la Bibliothèque de la ville, à Berne) qui renferme en plus de 60 volumes 13,000 lettres adressées à Haller dans les années 1724-1777 par plus de 1,200 correspondants. Parmi les lettres insérées par M. Hirzel dans le cours de sa belle étude sur le grand poète suisse, signalons de suite une lettre de Gottsched, de Grimm, de Jérusalem, de Pyra, de Voltaire, de Wieland, un fragment d'une lettre de Klopstock, etc. Mais les lettres mêmes de Haller ne manquent pas; citons parmi les plus remarquables celles qu'il écrit à son fils, et sa correspondance avec Gemmingen et Bodmer '. Mais, outre ces documents nouveaux, 1. La correspondance avec Gemmingen est surtout importante; cp. les jugements

M. Hirzel a reproduit dans son introduction un grand nombre de faits intéressants et habilement groupés, concernant la vie même de Haller, les influences qu'il a subies et ses relations avec ses contemporains. On lit avec grand intérêt le récit des années que Haller passa à Berne et à Biel dans son enfance, à Tubingue où le jeune étudiant en médecine s'indignait déjà contre le despotisme du duc de Wurtemberg, à Leyde où son esprit avide de s'instruire trouva, comme disait son ami Gmelin, son paradis, cù il admira l'industrie, la simplicité, le sérieux des Hollandais, où il fut l'élève enthousiaste de Boerhave et d'Albinus, à Londres où il loua les honneurs rendus par la nation à ses savants, à Paris où il eut pour maîtres Winslöw et Le Dran, à Bâle où il suit le cours de mathématiques de Bernoulli et se lie avec Drollinger et Stähelin, à Berne où il s'établit comme médecin et commence les grands travaux scientifiques qui lui valent sa nomination à l'Université de Goettingue récemment fondée. On remarquera ensuite les pages relatives à la société bernoise dont Haller châtia dans ses vers la corruption et les vices (Verdorbene Sitten); M. Hirzel fait très bien voir tout ce qu'avait d'arrogant, d'exclusif et de despotique le gouvernement oligarchique de Berne; il cite, en passant, de nombreux témoignages dee contemporains attestant l'ignorance, l'égoïsme et la tyrannie des quelques familles patriciennes auxquelles appartenait l'autorité; il rappelle les noms de Samuel Henzi et de Samuel König bannis, après la pétition hardie de 1744, par l'aristocratie bernoise. Pourtant Haller aimait Berne; il n'y fut jamais apprécié comme il méritait de l'être; mais son plus ardent souhait était d'y revenir, d'y occuper une place dans le conseil des Deux Cents, et d'arriver au pouvoir. Même lorsqu'il était à Gœttingue un des professeurs les plus considérés et les plus fêtés de la Georgia Augusta, et voyait accourir à son cours une foule de jeunes gens venus de tous les points de l'Europe, sa pensée se reportait toujours vers Berne. M. Hirzel insiste là-dessus avec raison; il met pour la première fois dans tout leur jour les motifs puissants qui déterminèrent l'illustre savant et poète à quitter Goettingue pour Berne, et, après qu'il eut été nommé membre du grand conseil, à abandonner sa chaire pour un poste qui semblait fort modeste, celui de bailli de l'hôtel de ville (Rathhausammann ou, comme on disait par dérision, janitor du conseil); mais, cinq ans après, Haller devenait directeur des salines de la Répu blique, et son titre de membre du conseil assurait l'existence de sa famille, ouvrait à ses fils l'accès des grands emplois et le mènerait peutêtre lui-même ce qui n'arriva pas aux fonctions si lucratives de Mais il y a dans cette introduction deux autres points importants fort savamment traités par M. Hirzel : l'accueil fait aux

Landvogt.

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de Haller sur Lavater et sur la littérature allemande en 1777 : « von der Vielse tigkeit von Hallers Interessen gibt der Briefwechsel mit Gemmingen den vorzüg lichsten Begriff » (p. CDLXXXIX).

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