Redis comment Philippe à la honte des fers, Déjà brillait des nuits l'inégale courrière, Quand près de Rotterdam, sous la tente guerrière, Nassau, morne et pensif, aux héros assemblés Confiait des chagrins long-tems dissimulés. Rompant avec effort un pénible silence : << Amis! s'écriait-il, vous, de qui la vaillance « A contre les malheurs soutenu mon espoir, << Dites : souffrirez-vous qu'un injuste pouvoir << Triomphe, et pour jamais vienne, après quinze années, << Replonger dans les fers nos villes consternées? << Les peuples du Brabant ont fléchi les genoux; « Un indigne allié, trop caressé par nous, « D'Alençon, trahissant notre auguste querelle, « Ramène vers Paris sa bannière infidèle; << Amsterdam est esclave, et voit sur ses remparts << Du tyran de Madrid flotter les étendards; << Farnèse, rassemblant ses nombreuses cohortes, << De Leyde sous nos yeux prétend s'ouvrir les portes; 1. Grégoire XII. << De Leyde, où mon épouse a fixé son séjour; << Et qui dans nos revers restait seule immobile. >>> Il dit; les vieux guerriers renferment leur douleur. « De l'intérêt public il était peu touché; << Marchons : que dans trois jours leur honteuse déroute << Apprenne au Parmesan ce qu'il doit espérer, << Et lui porte l'effroi qu'il nous veut inspirer. » << L'effroi! dit Chatillon, lorsque Nassau nous guide! « Il n'est point de périls sous un chef intrépide; << Et les remparts de Leyde, aujourd'hui menacés, << Même sans nos secours, se défendront assez. << Van-Doës y commande: il joint à la vaillance << L'activité, le calme, et la douce éloquence. << Craignez-vous pour ma sœur? Veuve de Téligni, << Épouse de Nassau, fille de Coligni, << Luttant contre le sort dès l'aurore de l'âge, << Elle saura donner l'exemple du courage. << Par l'ingrat d'Alençon si nous sommes trahis, << Je n'attendais pas moins du sang de Médicis: << Médicis de ce prince éleva la jeunesse. « Il n'avait point appris à garder sa promesse. << Quêtant de bords en bords un sceptre qui le fuit, « Il va cherchant la gloire; et la honte le suit. << Mais lui seul du Brabant a passé la frontière. << Je réponds des Français; et son armée entière, « Déjà sous mes drapeaux prompte à se rallier, << Aspire à des combats pour se justifier. >>> Des deux jeunes héros la tranquille assurance Les chefs n'ont qu'un désir, ne forment qu'une voix; Sur le front de Nassau le bonheur se déploie. «Généreux compagnons! reprend-il avec joie, «Oui, vous triompherez: la victoire est le prix « De ces nobles travaux pour un peuple entrepris. «Elle vous appartient. Mais c'est peu d'y prétendre: « Souvent pour l'obtenir il faut savoir l'attendre; « Avec un art suprême il faut la préparer, < N'en jamais être sûr, et toujours l'espérer. « Armons-nous cependant d'une vigueur nouvelle; « Demain ramènera l'époque solennelle «Où le peuple Batave assemble ses états. « Au sein de Rotterdam nous porterons nos pas; « Les états m'entendront; j'exposerai sans feinte «Nos efforts, nos besoins, mon espoir et ma crainte; «Et du pouvoir civil la sainte autorité << Nous prêtera partout son appui respecté. « Et toi, qui, détestant les guerrières alarmes, << Nous as pourtant contraints de recourir aux armes, << Raison! guide sacré; tu gravas dans nos cœurs « La haine des tyrans, le mépris des erreurs. << Farnèse en vain grossit ses phalanges serviles; « Par toi la liberté descendra sur nos villes; << Et je jure en ton nom de vivre et de mourir « Pour l'aimer, pour la suivre, et pour la conquérir. >> A la voix de Nassau toutes les voix s'unissent; Cependant la Raison, cette auguste déesse |