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Tout à

coup des Français il voit les étendards, Et cette Liberté dont les rians regards

En des tems plus heureux égayaient son rivage:
Le fleuve, impatient d'un trop long esclavage,
Reconnaît la déesse, et bénit son retour.

Mais le jour baisse et fuit; la nuit règne à son tour.
Tout dort; le héros veille, et médite sa gloire.
Un doux repos, si doux quand il suit la victoire,
Couvrait le camp français, et la terre et les cieux;
Zéphyr berçait les flots purs et silencieux ;
Et la lune argentait le fleuve et la prairie,
Lorsque des vieux Romains l'immortelle Patrie,
D'un pas majestueux sortant du fond des bois,
Apparaît au héros, non telle qu'autrefois

Aux bords du Rubicon César la vit descendre:
Pâle, les yeux baissés, le front couvert de cendre,
Reprochant au vainqueur ses coupables succès,
Et du fleuve sacré lui défendant l'accès;
Mais conservant l'orgueil de sa gloire éclipsée;
Portant sur l'avenir sa lointaine pensée;
Les yeux levés au ciel, le front paré de fleurs.
<«< Salut! jeune héros, qui viens sécher mes pleurs,
<«< Dit-elle: ah! je me joins aux drapeaux de la France;
« Et mon cœur oppressé ressaisit l'espérance.
« Souvent, lorsque d'un roi le sacrilége orgueil
« Dans mes champs violés venait porter le deuil,
«Ma voix contre Brennus redemandait Camille;

<< Mes languissantes mains tenaient l'urne d'Émile... <«< Mais j'ai de mon bonheur des présages certains; « Et les dieux adoucis m'accordent tes destins.

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Regarde autour de toi : Cette terre est captive; <«< Du Tibre sans honneur vois l'aigle fugitive << Abandonnant la foudre à l'aigle des Germains; « Au joug accoutumés, les enfans des Romains. <«< Ne savent plus rougir au nom de leurs ancêtres; L'Empire et ses soldats, la tiare et les prêtres, << De l'Italie en pleurs s'arrachent les lambeaux;

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<< Rome, veuve et muette, erre au fond des tombeaux. Qu'aux bords de l'Éridan, de l'Adige et du Tibre, « Le peuple roi s'éveille aux chants du peuple libre! « A l'auguste Vesta rends ses feux immortels!

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<< Chez les enfans de Mars que Mars ait des autels!

Que le Dieu qu'invoquaient Décius et Scévole

<< Rallume encor sa foudre, et veille au Capitole!» Elle dit: d'un coup d'œil elle implore les cieux, Et fuit dans l'épaisseur des bois silencieux.

L'ART DU THÉATRE',

POËME EN QUATRE CHANTS.

CHANT PREMIER.

FRAGMENS.

JE dirai l'art des plans, et des mœurs et du style, Et la scène française en obstacles fertile.

Vous tous, qui recherchez les palmes de la scène,
Soit que vous courtisiez Thalie ou Melpomène,
Cependant qu'à mes yeux les couleurs du printems
A peine encor vingt fois ont embelli nos champs,
Excusez de mes vers la généreuse audace;
Pardonnez si, nourri dans l'école d'Horace,
J'ose vous ramener aux principes sacrés
Des Jodelles nouveaux sottement abjurés!
Et toi, de l'Hélicon législateur sévère!
Lorsque je vois tes pas écrits dans ma carrière,

1. Chénier n'avait pas vingt ans lorsqu'il entreprit ce poëme.

Mon génie étonné, dépouillant sa vigueur,
S'abandonne aux conseils d'une oisive langueur.
Mais quel espoir soudain me luit et me ranime!
Si j'en crois cet espoir, de ta raison sublime
Le céleste flambeau va marcher devant moi;
Et tu viendras m'aider à lutter contre toi.
Allons, amis ! surtout, si vous aimez la gloire,
De mes saintes leçons gardez bien la mémoire.
Aux champs élysiens, sous ces berceaux fleuris
D'où se dessine au loin le fastueux Paris,
Venez, je vous attends'. Des plus nobles mystères
Venez tous écouter mes chants dépositaires.
Du Louvre, ô mes amis! le faîte couronné
Réfléchit les regards de l'amant de Daphné;
La splendeur du matin perce nos doux ombrages;
Ils ont des longs frimas oublié les outrages;
Le fleuve, qui s'avance à pas majestueux,
Ralentit à ma voix ses flots respectueux;

Tout m'inspire et m'écoute, et je vois sur ces rives
Doucement s'approcher les nymphes attentives. ́

Que le sujet d'abord énoncé clairement

S'enflamme d'acte en acte, et vole au dénoûment;
Qu'entre elles avec art les scènes enchaînées,
Sans peine et sans effort, du sujet semblent nées;
Qu'un seul fait, jusqu'au bout sachant m'intéresser,

1. Chénier habitait alors à Passy.

Finisse au jour, au lieu, qui l'a vu commencer.
Soigneux de nos plaisirs, amans de Melpomène,
Du sang de vos héros ne souillez point la scène;
Éveillez la pitié, quelquefois la terreur;

Mais aux crayons anglais abandonnez l'horreur;
Et, sans nous révolter, nourrissant nos alarmes,
Dans nos yeux attendris ne séchez point les larmes.
Sur ses propres enfans l'amante de Jason
De son perfide époux vengeant la trahison;
D'une main forcenée aux mânes de son père
Le fils d'Agamemnon sacrifiant sa mère;
OEdipe, épouvanté de ses affreux destins,
De ce jour qu'il souillait exilé par ses mains:
Ces spectacles hideux, supportés dans la Grèce,
A bon droit choqueraient notre délicatesse.

Aussi bien que sa sœur, il n'en faut point douter,
Thalie a des objets qu'elle doit éviter.
Contrarié, joué, consumé de faiblesse,
Accablé sous les maux qu'enfante la vieillesse,
Que Géronte, un moment cédant à leur effort,
Tombe en un lourd sommeil qui ressemble à la mort;
Ou bien que, l'œil ardent, deux vieilles décoiffées,
D'une fureur grotesque au combat échauffées,
A de fréquens assauts mêlant leur aigre voix,
D'injures et de coups se chargent à la fois;
Si devant des Français votre muse agréable
N'empruntait d'un récit le secours favorable,

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