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Et là quelques auteurs, avoués d'Apollon,
Mainte fois s'égaraient loin du sacré vallon.
Peut-être des badauds l'indulgente affluence
Dès ce tems aurait dû passer son espérance;
Mais des vaines grandeurs étrange avidité!
Vous connaissez un lieu maintenant fréquenté,
Où, souvent en sabots, une jeune Thalie
Enchante nos regards chaque jour plus jolie;
Où d'Hèle1 est un grand homme; et d'où, la lyre en main,
Philidor et Grétry chassèrent Arlequin :
Bientôt sur cette scène inconstante et légère
Le couplet fit régner l'équivoque grossière,
Et le plat calembour, qui, se jouant des mots,
Est long-tems une énigme, excepté pour les sots.
Désormais sur ce ton, bien digne de Cassandre,
Chantèrent sans pudeur Aristote, Alexandre;
Et, lorsqu'à chaque instant ces modestes refrains
Au public enchanté faisaient battre des mains,
Victime de Vénus et de sa destinée,

La fille de Minos, à la tombe entraînée,
Seule, à des murs déserts confiait ses langueurs;
Et Tartufe implorait en vain des spectateurs.
D'un ingrat cependant la foire délaissée
Pleura de ses tréteaux la splendeur éclipsée.
Le tems, ce médecin des plus vives douleurs,

1. Thomas d'Hèle, gentilhomme anglais, auteur du Jugement de Midas, de l'Amant jaloux, et des Événemens imprévus.

Par de nouveaux succès vint essuyer ses pleurs;
Et, tout à coup prenant un air, un ton plus sage,
Elle osa de Thalie usurper le langage;

Et, même jusqu'au bout affectant son dessein,
Un beau jour on la vit, le mouchoir à la main,
Dans les tristes accès d'une burlesque audace,
Du ton de Saint-Albin prêcher la populace.

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EN VERS.

DISCOURS

SUR LA QUESTION

SI L'ERREUR EST UTILE AUX HOMMES.

Un rhéteur sans cervelle, et gravement futile,

Demande si l'erreur aux hommes est utile;
Un écolier naïf y rêve avec candeur,
Et dans la question voit quelque profondeur;
Un charlatan se rit du maître et de l'élève,
Ment au lieu de rêver, mais profite du rêve.
Laissons le charlatan, l'écolier, le rhéteur,
Sermoner, haranguer, gourmander un lecteur.
La vérité craint peu les lourdes apostrophes
Des tartufes complets, des demi-philosophes;
Et moi j'aime à lui rendre un hommage nouveau,
Tandis qu'au bas du Pinde un servile troupeau,
Courbant sous deux licous sa tête appesantie,
Rime pour l'antichambre et pour la sacristie.

Si, conduit par mes sens à de faux résultats,
Je vois dans un objet ce qu'il ne contient pas,
Ou si je ne vois pas tout ce qui le compose,
J'erre; et de mon esprit la borne en est la cause.
Le seul Être infini ne se trompe jamais,
Car en tous leurs rapports il voit tous les objets.
L'homme n'est pas un dieu : l'erreur est son partage.
Mais en quoi sa faiblesse est-elle un avantage?
Le plus vaste génie, étant fort limité,
Par des jugemens faux tient à l'humanité.
Si les plus grands esprits, d'Aristote à Voltaire,
Ont porté plus ou moins ce joug héréditaire,
Loin de le croire utile, ils le trouvaient honteux;
Alléguant les tributs qu'on payait avant eux,
Par de constans efforts tous ont limé la chaîne
Que l'erreur imposait à l'ignorance humaine;
Et c'est par eux encor que leur postérité

Mieux qu'eux, en certains points, connaît la vérité.
Il est des songe-creux dont les erreurs paisibles
N'ont pas d'utilité, mais sont très peu nuisibles.
Chez les physiciens, chacun se faisant dieu,
Suivant son bon plaisir met l'univers en jeu :
Descartes, pour les siens, chassant les vieux fantômes,
Veut par les tourbillons remplacer les atômes;
Aux monades Leibnitz dicte ses volontés;
Buffon prescrit des lois aux soleils encroûtés;
Chacun dans son roman prolixement radote;
Et de ces romans-là nul ne vaut Don-Quichotte.

Mais enfin tous ces dieux, dans leurs discussions,
N'ont jamais altéré le sort des nations.

De même, en fait de goût, une erreur ridicule
N'ira pas tourmenter tout un peuple crédule.

Le talent des beaux vers et le sel des bons mots
S'uniront, j'y consens, pour châtier les sots:
Honneur aux traits lancés par Boileau, par Horace!
Mais quand Charles Perrault prétend qu'au Mont-Parnasse
Chapelain sur Homère a les honneurs du pas;
Lorsque Antoine Suard, parodiant Midas,
Préfère aux chants heureux des cygnes d'Italie
De l'Opéra français la triste psalmodie,

Que s'ensuit-il? On siffle. Un esprit de travers
Peut juger sottement de musique ou de vers,
Sans qu'il faille imputer à sa lourde faconde
Les troubles d'un empire ou les larmes du monde.

On a lieu de gémir quand, par de longs abus,
Et des mœurs et des lois le vrai se trouve exclus;
Quand, au lieu de ce vrai que sema la nature,
L'erreur cueille des fruits entés par l'imposture;
Quand l'aspect général de la société

N'offre au contemplateur qu'un tripot détesté,
Où des sots, se livrant à des filous avides,

Vont les mains pleines d'or, reviennent les mains vides;
Grimauds, toujours valets, souvent même espions,
Et de l'erreur qui paie effrontés champions.

Il faut, j'en suis d'accord, des dévotes aux prêtres,

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