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LA RAISON.

DISCOURS.

AMIS du vrai, faisons notre devoir;
De la raison briguons les purs suffrages;
Ni les journaux, ni les gens à pouvoir
Ne classeront les faits et les ouvrages:
Journaux d'hier aujourd'hui sont passés;
Arrêts du jour demain seront cassés.
Le juge intègre est la raison publique;
C'est le bon sens, la raison qui fait tout:
Vertu, génie, esprit, talent et goût.
Qu'est-ce vertu? raison mise en pratique;
Talent? raison produite avec éclat ;
Esprit? raison qui finement s'exprime;
Le goût n'est rien qu'un bon sens délicat;
Et le génie est la raison sublime.

Aux murs d'Athène, à Rome, et parmi nous,
Qui fut l'appui de ces grands personnages,
Justes héros, et véritables sages,
Persécutés par un destin jaloux?
Contre l'exil, qui soutint Aristide?
Contre la mort, Socrate et Phocion?
Qui pénétra d'une ardeur intrépide

Et Régulus et le divin Caton?

Aux chants d'Homère, aux écrits de Platon,
Qui prodigua la grâce et la lumière;
Rendit parfaits Virgile et Cicéron;
Ouvrit le ciel aux regards de Newton;
Le cœur humain à Racine, à Molière?
Je le répète: une exquise raison.

Aussi je crois au paradoxe antique
Qu'ont enseigné les sages du Portique:
Fous et pervers sont nés proches parens.
Ils sont nombreux : partout le mauvais sens
Guide à la fois et le folliculaire,
Du vrai talent censeur atrabilaire;
Et le tartufe, et l'indigent fripon
Qui va ramer sur les mers de Toulon;
Et le traitant qui, sous le nom de prince,
En un repas affame une province;
Et le soldat qui trahit son devoir,
Osc insulter à la loi souveraine,

Et, s'emparant d'un injuste pouvoir,
N'obtient des droits qu'à la publique haine.

Boileau dit vrai ce fameux conquérant
Qui de la Grèce et des forêts d'Épire
Aux bords du Gange étendit son empire,
C'est comme fou qu'on peut l'appeler grand.
Eh quoi! du lit d'Olympia sa mère,

Le roi des Dieux avait eu la moitié!

Il était né d'un céleste adultère!

Crime divin l'avait déifié!

On l'imita chaque empereur de Rome

Devint un dieu, ne pouvant être un homme. A ces voleurs de la terre et du ciel

La servitude érigea maint autel;

On les chôma, car ils étaient les maîtres;
Un dieu payant peut compter sur des prêtres,
Et les fléaux du pâle genre humain

Furent maudits, l'encensoir à la main.
Pesez les faits, lecteur qui savez lire,
Et vous direz: Voilà du vrai délire.
Tous étaient fous; même ce grand César
Qui réunit l'encensoir et l'épée,
Du nom d'heureux déposséda Pompée,
Et le premier traîna Rome à son char.
Je vois sa gloire en désastres féconde;
Indiquez-moi le bien qu'il fit au monde!
Caton mourant lui légua des vertus;
Brutus un fer, Cicéron du génie;
Mais le tyran qui tomba sous Brutus,
Qu'a-t-il laissé? rien que la tyrannie.
Craint de l'Europe, et par elle encensé,
Ce dieu-donné qui régna quinze lustres,
Ce grand Louis, doyen des rois illustres,
En fut-il moins un illustre insensé?
Sans vouloir même interroger l'histoire

Sur un bonheur paré du nom de gloire;
Sans demander s'il fut vraiment l'appui
De vingt talens, délices de la France,
Nés avant lui, grands en dépit de lui;
Si Bossuet lui dut son éloquence;
De Fénélon s'il polit l'élégance,
Sans rappeler La Fontaine en oubli,
Arnauld fayant, et Corneille vieilli,
Sur des lauriers mourant dans l'indigence;
Il mit les arts au rang de ses flatteurs,
Il fit des arts de brillans serviteurs,
Il fut chanté; mais le nouvel Auguste
Fut-il humain? fut-il bon? fut-il juste?

Autour de lui la lyre, les pinceaux,
Rendaient hommage à ce roi de théâtre,
Idolâtré, de lui-même idolâtre;

Il a dansé, sous de rians berceaux,
Pour Montespan, La Vallière, Fontange;
Tout était bien, si le sultan français
N'eût aspiré qu'à de galans succès;
Mais au Texel, mais au Château-Saint-Ange,
De son sérail, il imposait des lois;
Il attaquait la liberté batave;

Du peuple anglais il menaçait les droits;

Il eût voulu rendre la terre esclave.

Lorsque affaissé sous le poids d'un grand nom,

Entre un jésuite et sa vieille maîtresse,

Amant blasé de la veuve Scarron,

Il se traînait du boudoir à confesse,
Feux, allumés par son ordre inhumain,
Étincelaient dans les cités germaines;
Dragons dévots prêchaient dans les Cévennes
De par le roi, le cimeterre en main;
Les carrousels, les monumens, les fêtes,
Et les revers, et même les conquêtes,
Appauvrissaient un peuple désolé,
D'enfans de France et d'impôts accablé!
En gémissant ce peuple était docile;
Mais, quand il vit son monarque enterré,
Pourquoi rit-il? La réponse est facile:
Sous le grand homme il avait trop pleuré.

L'Anglais Cromwel, tartufe heureux et brave,
Et l'Anglais Monk, ambitieux esclave,
Fous déguisés sous des masques divers,
A d'autres fous ont su donner des fers.
Bref, usurper ou vendre la puissance,
Courber le front sous d'insolentes lois,
C'est, n'en déplaise aux Anglais d'autrefois,
Ou despotique ou servile démence.
Qui que tu sois, ami de la raison,
Aperçois-tu Sottise qui s'élève,

Marchands d'erreurs débitant leur poison,
Lois sans égide, or allié du glaive,

Noirs espions de richesses gorgés,

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