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Sachant que tôt ou tard la splendeur de sa vie
Imposera silence aux clameurs de l'envie;

Certain que les Français, que l'univers un jour
Doit de ses ennemis le venger sans retour.

Homme rare, en effet, dans le siècle où nous sommes!
Désormais notre scène a perdu ses grands hommes;
Et la patrie en deuil pleure encore aujourd'hui
Au tombeau de Voltaire, immortel comme lui.
Beaumarchais atteindra la palme du comique,
S'il veut bien devenir moins plat et moins cynique:
Parfois il fait rougir le goût et la pudeur.

Bouffon charmant, du reste, et non sans profondeur;
Parmi les Tabarins assis au rang suprême,

Au dessus de Scarron, de Montfleury lui-même;
Enfin, pour achever et le peindre en un mot,
Doué de tout l'esprit que peut avoir un sot.

Mais toi, qui, de nos jours, sus réunir en France
Le sel d'Aristophane et le goût de Térence;
Toi, qu'au siècle dernier la satire eût loué;
Toi, que pour successeur Molière eût avoué;
Aux douceurs du repos noblement indocile,
Quitte enfin, cher ami, ce rivage tranquille;
Abandonne, crois-moi, l'ombre de tes berceaux;
Revole vers Paris, et reprends tes pinceaux.
Du théâtre souillé viens chasser les profanes;
Viens, montre-nous encor l'auteur des Courtisanes.
De Molière, en effet, si tu fus l'héritier,

A de si beaux destins livre-toi tout entier.

De tant d'originaux peins-nous l'extravagance:
Peins-nous ce financier qui, bouffi d'arrogance,
Et toujours du génie insolent détracteur,
Fut toujours des Cotins l'engoué protecteur;
Ose même à nos yeux tracer un Lovelace,
Ses replis, sa noirceur, son courage, sa grâce,
Sur un cœur innocent tous ses coupables droits,
Ses vices, ses vertus plus funestes cent fois;
Offre-nous, si tu veux, l'image d'Artenice,
Très-habile à former la jeunesse novice,
Et qui, parfois modeste, abandonnant la cour,
D'un héros de coulisse a recherché l'amour;
Peins-nous ce magistrat dont l'injuste balance
Au souris d'une belle a vendu l'innocence;
Ce ministre ignorant, de pièges entouré,
Et de ses vils flatteurs se croyant adoré,
Des caprices d'un roi quand devenu victime
Leur troupe scélérate et l'insulte et l'opprime.
Oui, voilà, cher ami, jusqu'où l'on peut oser,
Les traits que tes pinceaux se doivent proposer.
Qui peut les effrayer? Va, laisse l'ignorance,
Les esclaves, les sots, crier à l'insolence;
Instruire et corriger: voilà le digne emploi,
Le vrai but de Thalie et son unique loi,
Mais de se démentir ta Muse est incapable:
Tu n'iras point, armé d'une audace coupable,
Imiter aujourd'hui ces peintres détestés
Dont le crayon menteur en éclats effrontés
De Thalie a changé le gracieux sourire,

Et fait d'une déesse un impudent satyre.
Ta Muse, Palissot, condamnant ces excès,
Sur un meilleur appui fondera ses succès.
Au joug de la vertu long-tems accoutumée,
Ta Muse ne saurait trahir sa renommée,
Et, soutenant toujours les mœurs, la vérité,
Arrivera sans tache à la postérité.

Reparais, et déjà tes prétendus émules
Ont vu s'anéantir leurs palmes ridicules;
A tes premiers rayons, ces astres d'un instant
Dans l'éternelle nuit vont se précipitant.
La scène étale encore une splendeur nouvelle;
Thalie, en ce beau jour, plus riante et plus belle,
Renaît, et par toi seul, ami, se voit rendus
Ses destins, qu'à jamais elle croyait perdus.

Ainsi, dès

que la Nuit, de ses voiles funèbres, Dans les cieux rembrunis a semé les ténèbres, Soudain, au fond des bois, de leurs affreux concerts,

Les sinistres hiboux épouvantent les airs.

Les voilà désormais rois des célestes plaines;
Mais, sitôt que, perçant les ombres incertaines,
Loin des bras de Tithon, l'Aurore de ses feux
A rougi de l'Ida les sommets sourcilleux,
Par un cri souverain saluant la lumière,
L'aigle d'un vol hardi rentre dans la carrière;
Tout fuit; et, déplorant son empire détruit,
Le monstrueux essaim redemande la nuit.

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DU POUVOIR DE LA MUSIQUE.

MÉHUL, à Polymnie en naissant consacré,

Élève et successeur de ce chantre admiré1
Qui, docte et varié, modula sur sa lyre
Du fils d'Agamemnon le tragique délire,
D'Alceste à son époux les funèbres adieux,
Et d'Orphée aux enfers les pleurs mélodieux!
Satisfait d'embellir les deux scènes lyriques,
Laisse, dans leurs accès lourdement satiriques,
Des sophistes glacés et d'orgueilleux censeurs
Décrier de ton art les utiles douceurs.
Entends-tu Mévius, régent par habitude;
Damon, sot par nature, et plus sot par étude,
Ennuyer l'auditoire en parlant du plaisir?
C'est un enfant ailé qu'ils ne pourront saisir.
L'ami des arts jouit quand le pédant raisonne;
Par un souffle ennemi le plaisir s'empoisonne;
Et l'envie, épanchant ses venins odieux,

1. Gluck.

Corrompt ce pur nectar préparé pour les dieux.
Les beaux-arts ont l'éclat et le parfum des roses.
Vois-les dans nos jardins nouvellement écloses:
De leur suc odorant l'abeille se nourrit;
Le venimeux reptile en passant les flétrit.

Mais, entre ces beaux-arts, enfantés par la Grèce,
Et formant d'Apollon la cour enchanteresse,
La musique, Méhul, par des effets puissans,
Du charme le plus sûr sait enivrer nos sens.
Arion, sur les flots, va céder à l'orage:
Secouru par sa lyre, il échappe au naufrage.
Vois Amphion peupler un sol inhabité :

Il fait marcher la pierre, et fonde une cité.
Orphée, aux bords de l'Ebre allant cacher sa vie,
Pleurant son Euridice, hélas! deux fois ravie,

Le long du fleuve, en pleurs, traîne ses longs regrets,
Et les monstres émus, et les tristes forêts.

Quel mystère est caché sous ces voiles aimables?
La poétique Grèce, inventrice des fables,
Voulut par ces récits nous faire concevoir
D'un art délicieux le magique pouvoir.

Dans les cieux, aux enfers, il étend ses conquêtes.
Quelquefois de la mort il embellit les fêtes:
Harmonieux Gossec, lorsque ta lyre en deuil,
De l'auteur de Mérope escortait le cercueil,
On entendait au loin, dans l'horreur des ténèbres,

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