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Une œuvre est belle, et sa marche imposante
Dans le début; bientôt elle présente

La pourpre encor, mais la pourpre en lambeaux;
Diane, un bois, un autel, des tombeaux;
Les longs détours d'une eau pure et limpide
Qui se promène au sein des prés fleuris;
Les sept couleurs de l'écharpe d'Iris;
Les flots bruyans du Rhin vaste et rapide :
L'endroit est beau, mais il est déplacé.
Des noirs cyprès vous peignez bien l'ombrage;
Qu'importe? il faut une mer, un orage;
Et l'acheteur, par les flots menacé,
Veut qu'on le peigne échappant au naufrage,
Sur les débris d'un vaisseau fracassé.

A quel propos de l'infidèle argile
Sort-il un vase en urne commencé?
Que le sujet fortement embrassé
Soit un, soit plein, sans détail inutile.

Désir du bien nous trompe quelquefois.
Tel veut du neuf, et son pinceau nous trace
Un daim sur l'onde, un dauphin dans les bois;
Je crois saisir la douceur et la grâce:
Mes vers sont mous, timides, languissans ;
Sobre de mots, je fais chercher le sens.
L'un trop timide, évitant les orages,
Rase le sol; l'autre au sein des nuages
Va s'égarer, prenant un vol trop haut.

Exprimet, et molles imitabitur ære capillos;
Infelix operis summâ, quia ponere totum
Nesciet! Hunc ego me, si quid componere curem,
Non magis esse velim quàm pravo vivere naso,
Spectandum nigris oculis, nigroque capillo.

Sumite materiam vestris, qui scribitis, æquam
Viribus; et versate diù quid ferre recusent,
Quid valeant humeri: cui lecta potenter erit res,
Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo.
Ordinis hæc virtus erit et venus, aut ego fallor,
Ut jam nunc dicat jam nunc debentia dici,
Pleraque differat, et præsens in tempus omittat.

In verbis etiam tenuis cautusque serendis,
Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor.
Dixeris egregiè, notum si callida verbum
Reddiderit junctura novum. Si fortè necesse est
Indiciis monstrare recentibus abdita rerum,
Fingere cinctutis non exaudita Cethegis

Continget; dabiturque licentia sumpta pudenter;

Chacun, si l'art n'est son fidèle guide,
Craint une faute, et tombe en un défaut.
A quelques traits c'est peu que l'art préside:
De ces cheveux voyez comme un fondeur
Sait imiter la flexible rondeur:

Sont-ils d'airain? dites: que vous en semble?
L'heureux détail!-Le malheureux ensemble!
Votre fondeur ne sait que le métier;
Mais Phidias fait Jupiter entier.

Prudens auteurs, connaissez les limites
Qu'à vos talens la nature a prescrites;
Avec loisir sachez vous consulter

Sur le fardeau que vous pouvez porter.
L'ordre facile et la douce éloquence
A l'écrivain prêtent un sûr appui,
Dans un sujet qu'il traite avec puissance;
Des froids détails il évite l'ennui;
Les mots heureux coulent en abondance;
Vénus l'inspire et compose avec lui.

Du choix des mots dépend tout l'art d'écrire :
De nouveaux sens dotez les mots vieillis.
Rien ne dit-il ce que vous voulez dire?
Mots inventés seront bien accueillis,
Si, des mots grecs tirant leur origine,
Ils sont tournés dans la forme latine.
Veut-on priver Virgile ou Varius

Et nova fictaque nuper habebunt verba fidem, si
Græco fonte cadant, parcè detorta. Quid autem
Cæcilio Plautoque dabit Romanus ademptum
Virgilio Varioque? Ego cur, acquirere pauca
Si possum, invideor, quùm lingua Catonis et Ennì
Sermonem patrium ditaverit, et nova rerum
Nomina protulerit? Licuit semperque licebit
Signatum præsente notâ producere nomen.
Ut silvæ foliis pronos mutantur in annos,
Prima cadunt; ita verborum vetus interit ætas,
Et juvenum ritu florent modò nata, vigentque.
Debemur morti nos nostraque; sive receptus
Terrâ Neptunus classes aquilonibus arcet,
Regis opus; sterilisque diù palus, aptaque remis,
Vicinas urbes alit et grave sentit aratrum;
Seu cursum mutavit iniquum frugibus amnis,
Doctus iter melius. Mortalia facta peribunt;
Nedum sermonum stet honos, et gratia vivax.
Multa renascentur quæ jam cecidêre, cadentque
Quæ nunc sunt in honore, vocabula, si volet usus,
Quem penes arbitrium est et jus et norma loquendi.

Res gestæ regumque ducumque, et tristia bella,
Quo scribi possent numero monstravit Homerus.

D'un droit qu'avaient Plaute et Cécilius?
Et si Caton, si l'antique Ennius
Ont des Romains enrichi le langage,
Ne puis-je aussi, dans les cas importans,
Frapper des mots à la marque du tems?
L'hiver au bois fait tomber le feuillage:
Nouveau printems forme un nouvel ombrage;
Si de vieux mots sont fanés chaque jour,
De jeunes mots fleurissent à leur tour.
La mort exige une dette suprême:

Nous lui devons nos travaux et nous-même.
Vous admirez cent prodiges des arts,
Luxe royal et digne des Césars;

Là, d'un torrent les flots rendus utiles
Ne viennent plus noyer des champs fertiles;
Ici, Neptune accueille les vaisseaux;
Le soc tranchant sillonne au loin la plaine
Qui vit la rame ouvrir le sein des eaux;
Une cité remplace des roseaux:

Ces monumens de la grandeur romaine

Auront leur fin comme toute œuvre humaine.
Ainsi des mots déchus de leur splendeur
Refleuriront; d'autres sont en honneur
Qui périront, rejetés par l'usage,
Seul magistrat, seul maître du langage.

Le grand Homère apprit à ses rivaux
Quel vers pompeux convient aux chants épiques.

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