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réglées, avec autant de miliciens; cependant il ne laissa pas de doubler partout les gardes, pour réprinier l'insolence du peuple, et surtout des Négres et des esclaves; il en composa trois patrouilles différentes, qu'il fit roder incessamment dans la ville, pour prévenir les vols, les querelles, les assassinats, qu'on avoit tout lieu de craindre dans une pareille confusion: une autre attention qu'il a eue, fut d'empêcher qu'on allât sur les grands chemins acheter le blé qui arrivoit; il a ordonné que tout le blé fût premièrement porté au milieu de la place, sous peine de deux cents coups de fouet pour les personnes de basse extraction, et d'un exil de quatre ans pour les autres : toutes ces dispositions, aussi sagement imaginées que vigoureusement exécutées, ont maintenu le bon ordre.

à

Cependant, le dernier jour de novembre, sur les quatre heures et demie du soir, tandis qu'on faisoit la procession de Notre-Dame de la Merci, tout coup il se répandit un bruit par toute la ville, que la mer venoit encore une fois de franchir ses bornes, et qu'elle étoit déjà près de Lima: sur le champ voilà tout le peuple en mouvement; on court, on se précipite, il n'est pas jusqu'aux religieuses qui, dans la crainte d'une prochaine submersion, ne sortent de leurs cloîtres, fuyant avec le peuple, et chacun ne songeant plus qu'à sauver sa vie. La foule des fuyards augmentoit l'épouvante; les uns se jettent vers le mont Saint-Christophe, les autres vers le mont Saint-Barthélemi, on ne se croit nulle part en sûrété. Dans ce mouvement général, il n'a

péri qu'un seul homme, don Pedro Landro, grand trésorier, qui, en fuyant à cheval, est tombé et s'est tué.

Le vice-roi qui n'avoit reçu aucun avis des côtesy comprit aussitôt que ce n'étoit qu'une terreur panique; il affecta donc de rester au milieu de la place, où il avoit établi sa demeure, s'efforçant de persuader à tout le monde qu'il n'y avoit rien à craindre. Comme on fuyoit toujours, il envoya des soldats pour arrêter le peuple; mais il leur fut impossible d'en venir à bout alors il y alla lui-même, et parla avec tant d'autorité et de confiance, qu'il fut obéi à l'instant, et que chacun revint sur ses pas.

Quelques monastères de religieuses, qui ont des rentes sur la caisse royale, ont eu recours à lui, pour lui représenter le triste état où elles étoient réduites; elles l'ont prié d'ordonner au gouverneur de police, de veiller à leur défense pour les garantir de toute insulte. Cette demande, et plusieurs autres de cette nature ont engagé le vice-roi à donner ordre que l'on fît un écrit général des réparations les plus pressantes qu'il y avoit à faire pour mettre les habitans en sûreté; il a voulu même que l'on dressât des plans pour la réédification de cette ville; et il s'est proposé de faire désormais bâtir les maisons avec assez de solidité pour pouvoir résister à de pareils tremblemens. Celui qui a été chargé de toute cette opération, est M. Godin, de l'académie des sciences de Paris, envoyé par le roi de France pour découvrir la figure de la terre, et qui, depuis quelque temps, occupe par ordre du vice-roi, la charge de

professeur des mathématiques à Lima, jusqu'à ce qu'il puisse trouver les moyens de repasser en

France.

Ce qui embarrassoit le plus le vice-roi, surtout dans les circonstances d'une guerre actuelle, étoit le fort de Callao qui est la clef de ce royaume; c'est pourquoi, après avoir mis ordre à tout dans Lima, il s'est transporté avec M. Godin à Callao, pour choisir un terrain où l'on pût construire des fortifications capables d'arrêter l'ennemi, et y établir des magasins suffisans, afin que le commerce ne soit pas interrompu.

Au reste, le tremblement de terre a fait aussi de grands ravages dans tous les environs, d'un côté jusqu'à Canneto, et de l'autre, jusqu'à Chancay et Guaura. Dans ce dernier endroit, le pont, quoique très-solide, a été abattu; mais comme c'est un grand passage, le vice-roi a ordonné qu'on le rétablît au plutôt on ne sait pas encore au juste ce qui est ar rivé dans les autres endroits voisins de Lima et de Callao; les relations qu'on attend nous en apprendront sans doute quelques particularités.

ÉTAT DES MOXES.

Abrégé d'une relation espagnole, de la vie et de la mort du père Cyprien Baraze, de la compagnie de Jésus, et fondateur de la mission des Moxes dans le Pérou; imprimée à Lima, par ordre de monseigneur Urbain de Matha, évêque de la ville de la Paix.

ON entend par la mission des Moxes, un assemblage de plusieurs différentes nations d'infidèles de l'Amérique, à qui on a donné ce nom, parce qu'en effet, la nation des Moxes est la première de cellesqui ayent reçu la lumière de l'Evangile. Ces peuples habitent un pays immense, qui se découvre à mesure qu'en quittant Sainte-Croix de la Sierra, on côtoie une longue chaîne de montagnes escarpées qui vont du sud au nord; il est situé dans la zone torride, et s'étend depuis dix jusqu'à quinze degrés de latitude méridionale; on en ignore entièrement les limites, et tout ce qu'on en a pu dire jusqu'ici, n'a pour fondement que quelques conjectures, sur lesquelles on ne peut guères compter.

Cette vaste étendue de terre paroît une plaine assez unie, mais elle est presque toujours inondée, faute d'issue pour faire écouler les eaux. Ces eaux s'y amassent en abondance par les pluies fréquentes, par les torrens qui descendent des mon

tagnes a

tagnes, et par le débordement des rivières. Pendant plus de quatre mois de l'année, ces peuples ne peuvent avoir de communication entre eux, car la nécessité où ils sont de chercher des hauteurs pour se mettre à couvert de l'inondation, fait que leurs cabanes sont fort éloignées les unes des autres.

Outre cette incommodité, ils ont encore celle du climat dont l'ardeur est excessive; ce n'est pas qu'elle ne soit tempérée de temps en temps, en partie par l'abondance des pluies et l'inondation des rivières en partie par le vent du nord qui y souffle presque toute l'année; mais d'autres fois le vent du sud qui vient du côté des montagnes couvertes de neige, se déchaîne avec tant d'impétuosité, et remplit l'air d'un froid si piquant, que ces peuples presque nus, et d'ailleurs mal nourris, n'ont pas la force de soutenir ce dérangement subit des saisons, surtout lorsqu'il est accompagné des inondations, dont je viens de parler, qui sont presque toujours suivies de la famine et de la peste; ce qui cause une grande mortalité dans tout le pays.

Les ardeurs d'un climat brûlant, jointes à l'humidité presque continuelle de la terre, produisent une grande quantité de serpens, de vipères, de fourmis, de mosquites, de púnaises volantes, et une infinité d'autres insectes, qui ne donnent pas un moment de repos. Cette même humidité rend le terroir si stérile, qu'il ne peut porter ni blé, ni vignes, ni aucun des arbres fruitiers qu'on cultive en Europe : c'est ce qui fait aussi que les bêtes à laine ne peuvent y subsister. Il n'en est pas de même des taureaux et

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