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naissance et de beaucoup de mérite, qui fut ensuite connue comme femme d'esprit sous le nom de madame du Rosay. Cette dame a rapporté plus tard que quoique le jeune Descartes la trouvât à son goût, la philosophie avait encore eu pour lui plus de charmes ; que la seule galanterie qu'il ait dite à sa dame, ce fut qu'il ne trouvait pas de beauté comparable à celle de..... la vérité; qu'il mettait trois choses sur le même rang, et au nombre des plus difficiles à rencontrer : une belle femme, un bon livre et un excellent prédicateur. Elle racontait que revenant un jour de Paris, accompagnée de plusieurs dames et de son jeune soupirant, celui-ci fut attaqué par un rival sur le chemin d'Orléans, le désarma, et lui rendit son épée en disant: Vous devez la vie à cette dame, pour laquelle je m'estime heureux d'avoir exposé la mienne. On offrit vers cette époque à Descartes la charge de lieutenant-général à Châtellerault. Pour devenir lieutenantgénéral, il fallait étudier la procédure. Son père était en voyage à Paris; Descartes partit donc pour le joindre et pour se mettre chez un procureur au Châtelet, lui, Descartes, l'auteur futur des Méditations.

Arrivé à Paris, il n'y trouva plus son père, qui venait de repartir. Les jeunes gentilshommes ses amis cherchèrent à le dégoûter de la vie de province, et l'entraînèrent de nouveau dans le monde. Il logeait chez un ami de son père, Levasseur, seigneur d'Étioles; portait le plumet, l'épée et le pourpoint de taffetas vert, et il allait à la cour. Au printemps de 1626, il fit encore un voyage à Rennes chez son père et à Châtellerault chez les parens de sa mère ; il assista dans cette ville à une thèse au collége des jésuites, et argumenta avec tant de supériorité, que le recteur lui députa le lendemain deux pères de la Compagnie, pour le féliciter et le remercier.

Il revint à Paris au commencement de l'été de la même année, probablement sous le prétexte, toujours le même, du choix d'un état. Mais il ne fit que se déranger encore, pour parler le langage d'un père de famille, c'est-à-dire qu'il se plongea dans la société des savans. Sa vie se passait avec Mersenne, son plus assidu corrupteur, Mydorge, dont nous

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avons déjà parlé, et qui s'occupait avec notre philosophe de faire tailler des verres paraboliques, hyperboliques, elliptiques et ovales, très utiles à ce dernier pour ses observations sur la lumière; avec de Beaune, Hardy, Morin, tous passionnés pour les mathématiques et la physique; avec le père Gibieuf, qui publia plus tard un livre sur la liberté de Dieu et de la créature, que Descartes trouva conforme à ses propres opinions touchant l'indifférence et la liberté; avec Des Argus, qui le présenta au cardinal de Richelieu; avec l'abbé Picot, qui traduisit plus tard ses Principes de la philosophie, et devint l'agent de ses affaires domestiques à Paris, le receveur de ses rentes de Bretagne et de Poitou, et enfin son hôte dans son dernier voyage de Hollande en France. Il demeura cette fois d'abord dans une auberge rue du Four-Saint-Germain, aux Trois-Chapelets, et ensuite chez M. Levasseur d'Étioles ; quelque part qu'il fût, sa maison devenait une sorte d'académie ou de lieu de rendez-vous pour les principaux savans de la capitale. Sa réputation s'étendait on le pressait d'écrire, et les libraires mêmes venaient lui faire des offres. Descartes sentait bien qu'il avait besoin de la solitude pour mûrir ses pensées : il se sauva done de chez Levasseur sans en avertir personne, et se cacha dans une retraite où il se mit à méditer à son aise, restant dans son lit jusqu'à onze heures du matin, et employant ce loisir à penser et à écrire. Il voulut mettre en ordre ses idées sur l'existence de Dieu; mais il ne fut pas content de ce premier essai, et il lui sembla que le climat de Paris, trop chaud pour son tempérament, ne lui faisait engendrer que des chimères. Six semaines après sa fuite, son valet-de-chambre fut rencontré par M. Levasseur, qui s'attacha aux pas de ce domestique, rentra avec lui dans la demeure secrète du philosophe, et le ramena encore une fois au milieu de ses amis.

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En 1628, Descartes alla voir le siége de La Rochelle. Il y retrouva Des Argus, qui était ingénieur, et avait pris part aux travaux. Le roi ayant fait appel aux gentilshommes qui l'entouraient, Descartes s'engagea en qualité de volontaire, comme les autres; et après la victoire, il alla visiter la

flotte des Anglais. De retour à Paris, il reprit ses relations scientifiques. Un jour il se trouvait à une assemblée chez M. de Bagné, nonce du pape : un nouveau système de physique y fut exposé par un nommé Chandoux, qui depuis fut pendu en place de Grève pour crime de fausse monnaie. Descartes, après s'être fait un peu prier, car il n'avait pas de goût pour la discussion verbale, fit si bien voir la faiblesse de ce système, que l'un des assistans, le cardinal de Bérulle, lui fit un cas de conscience de travailler au perfectionnement et à la publication de sa Philosophie. Descartes vit bien qu'il fallait céder aux sollicitations de ses amis ; entraîné d'ailleurs par sa propre inclination, il résolut de se retirer dans un pays moins chaud que la France, et où il fût inconnu, pour échapper à toute distraction. Son choix se fixa sur la Hollande, qu'il connaissait déjà. Mais pour s'acclimater peu à peu, il passa d'abord l'hiver dans une campagne du nord de la France, et prit définitivement la route' de la Hollande à la fin de mars 1629, ayant alors trentetrois ans.

Son séjour de vingt ans en ce pays fut partagé entre une multitude de résidences différentes : il changeait de demeure suivant le besoin de ses affaires, et quelquefois par pur caprice. Le goût pour le changement de lieu était un trait bien marqué de son caractère; et sous ce rapport il fait contraste avec le célèbre Kant, connu pour son goût stationnaire, et qui, dit-on, durant toute sa vie ne mit pas une seule fois le pied hors de Koenigsberg, où il était né. Descartes se logea d'abord près de Franeker. Venu en Hollande pour travailler, il se mit à l'œuvre sur-le-champ`: il tenta d'abord de recommencer son premier essai sur l'existence de Dieu, puis l'abandonna de nouveau pour se livrer entièrement à la physique. Il tâcha d'attirer auprès de lui un ouvrier fort habile pour la taille des verres, nommé Ferrier, qu'il avait connu à Paris, mais il n'y put réussir. Au commencement d'octobre 1629 il transporta sa demeure à Amsterdam, où il se trouva si bien qu'il y demeura trois ans et demi, sauf un petit voyage qu'il fit en Angleterre en 1631, et où il observa près de Londres les'

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déclinaisons de l'aiguille aimantée. Nous rapporterons deux lettres qu'il écrivit à Balzac vers cette époque, pour donner une idée du bien-être qu'il goûtait à Amsterdam, et pour montrer que le style de Descartes, sur d'autres matières que la philosophie, était plein de graces et d'enjouement.

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« Encore que, pendant que vous avez été à Balzac, je susse bien que tout autre entretien que celui de vous-même vous devait être importun, si est-ce que je n'eusse pu m'empêcher de vous y envoyer parfois quelque mauvais compliment, si j'eusse cru que vous y eussiez dû demeurer si long-temps comme vous avez fait. Mais ayant eu l'honneur de recevoir une de vos lettres, par laquelle vous me faisiez espérer que vous seriez bientôt à la cour, je fis un peu de scrupule d'aller troubler votre repos jusque dans le désert, et crus qu'il valait mieux que j'attendisse à vous écrire que vous en fussiez sorti c'est ce qui m'a fait différer d'un voyage à l'autre, l'espace de dix-huit mois, ce que je n'ai jamais eu intention de différer plus de huit jours; et, ainsi, sans que vous m'en ayez obligation, je vous ai exempté tout ce temps-là de l'importunité de mes lettres. Mais puisque vous êtes maintenant à Paris, il faut que je vous demande ma part du temps que vous avez résolu d'y perdre à l'entretien de ceux qui vous iront visiter, et que je vous dise que, depuis deux ans que je suis dehors, je n'ai pas été une seule fois tenté d'y retourner, sinon depuis qu'on m'a mandé que vous y étiez: cette nouvelle m'a fait connaître que je pourrais être maintenant quelqu'autre part plus heureux que je ne suis ici; et si l'occupation qui m'y retient n'était, selon mon petit jugement, la plus importante en laquelle je puisse jamais être employé, la seule espérance d'avoir l'honneur de votre conversation, et de voir naître naturellement devant moi ces

fortes pensées que nous admirons dans vos ouvrages, serait suffisante pour m'en faire sortir. Ne me demandez point, s'il vous plaît, quelle peut être cette occupation que j'estime si importante, car j'aurais honte de vous la dire: je suis devenu si philosophe, que je méprise la plupart des choses qui sont ordinairement estimées, et en estime quelques autres dont on n'a point accoutumé de faire cas; toutefois, pour ce que vos sentimens sont fort éloignés de ceux du peuple, et que vous m'avez souvent témoigné que vous jugiez plus favorablement de moi que je ne méritais, je ne laisserai pas de vous en entretenir plus ouvertement quelque jour, si vous ne l'avez point désagréable. Pour cette heure, je me contenterai de vous dire que je ne suis plus en humeur de rien mettre par écrit, ainsi que vous m'y avez autrefois vu disposé: ce n'est pas que je ne fasse grand état de la réputation, lorsqu'on est certain de l'acquérir bonne et grande comme vous avez fait; mais pour une médiocre et incertaine, telle que je la pourrais espérer, je l'estime beaucoup moins que le repos et la tranquillité d'esprit que je possède. Je dors ici dix heures toutes les nuits et sans que jamais aucun soin me réveille. Après que le sommeil a longtemps promené mon esprit dans des bois, des jardins et des palais enchantés, où j'éprouve tous les plaisirs qui sont imaginés dans les fables, je mêle insensiblement mes rêveries du jour avec celles de la nuit; et si je m'aperçois d'être éveillé, c'est seulement afin que mon contentement soit plus parfait, et que mes sens y participent: car je ne suis pas si sévère que de leur refuser aucune chose qu'un philosophe leur puisse permettre, sans offenser sa conscience. Enfin il ne manque rien ici que la douceur de votre conversation; mais elle m'est si nécessaire pour être heureux, que peu s'en faut que je ne rompe tous mes desseins, afin de vous aller dire de bouche que je suis de tout mon cœur,

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