SATIRE VII. LA QUERELLE DE RUPILUS ET DE PERSIUS. Je ne crois pas qu'à Rome il soit une boutique Le moyen d'accorder de semblables parties, On peut faire la paix entre deux misérables: Devant le grand Brutus, qui gouvernait l'Asie, Persius d'un air grave exposa son affaire; Qui répand sur nos champs la disette et la peste. Invisum agricolis sidus, venisse. Ruebat Flumen ut hibernum, fertur quò rara securis. Tum Prænestinus salso multùmque fluenti Expressa arbusto regerit convicia, durus Vindemiator et invictus, cui sæpè viator Cessisset, magnâ compellans voce cucullum. At Græcus, postquam est Italo perfusus aceto, Persius exclamat: Per magnos, Brute, Deos te Oro, qui reges consueris tollere, cur non Hunc Regem jugulas? operum hoc, mihi crede, tuorum est. SATYRA VIII. OLIM truncus eram ficulnus, inutile lignum, Huc priùs angustis ejecta cadavera cellis Sa rapide éloquence et ses bons mots amers Mais le roi Rupilus, cet orateur caustique, Qui dans les cabarets a fait sa rhétorique, Lui renvoya soudain tous les mots agaçans Dont les valets grossiers accablent les passans. L'autre, à qui l'on rendait injure pour injure, S'écrie: «< Au nom des Dieux, Brutus, je t'en conjure, « Toi, qui punis les rois, tu devrais bien aussi «Sous tes coups, à l'instant, écraser celui-ci. » SATIRE VIII. LES SORCIÈRES. Je fus jadis un tronc de stérile figuier. « Mauvais bois, qu'en ferai-je? un banc? dit l'ouvrier. Où les valets de Rome, empruntant une bière, Quelques voleurs encore et d'importuns oiseaux, Aggere in aprico spatiari, quo modò tristes Vidi egomet nigrâ succinctam vadere pallâ Canidiam, pedibus nudis passoque capillo, Cum Saganâ majore ululantem. Pallor utrasque Fecerat horrendas aspectu. Scalpere terram Unguibus et pullam divellere mordicus agnam Cœperunt; cruor in fossam confusus, ut inde Manes elicerent, animas responsa daturas. Lanea et effigies erat, altera cerea : major Lanea, quæ pœnis compesceret inferiorem. Cerea suppliciter stabat servilibus, utque Jam peritura, modis. Hecaten vocat altera, sævam Altera Tisiphonen. Serpentes atque videres Infernas errare canes; Lunamque rubentem, Ne foret his testis, post magna latere sepulcra. Mentior at si quid, merdis caput inquiner albis Corvorum, atque in me veniat mictum atque cacatum Julius et fragilis Pediatia, furque Voranus! Singula quid memorem? quo pacto alterna loquentes Umbræ cum Saganâ resonarent triste et acutum? Utque lupi barbam variæ cum dente colubræ Abdiderint furtim terris, et imagine cereâ Pour troubler les vivans, vient, malgré mes efforts, Remuer en ces lieux la poussière des morts. Sitôt que de son char Phébé silencieuse Jette sous ces bosquets une clarté douteuse, Une pâle sorcière, avec des hurlemens, Vient cueillir les poisons parmi les ossemens. Hier encore, hier, Sagane et Canidie Vinrent faire à mes yeux un sortilége impie, Et, les cheveux épars, le sein et les pieds nus, Troubler ces bois de cris prolongés et confus. Une affreuse sueur couvrait leur front livide. De leurs ongles crochus creusant le sable humide, Je les vis enterrer les membres palpitans D'une noire brebis que déchiraient leurs dents; Et du bord de la fosse une voix sépulcrale Interrogeait les morts sur la rive infernale. Une image de cire, au regard innocent, Suppliait à genoux un spectre menaçant. Des sorcières alors toute la rage éclate : L'une appelle Alecton; l'autre, la triple Hécate. Vous eussiez vu soudain la terre s'entr'ouvrir, Les chiens boire le sang, les couleuvres bondir, Les bois gémir au loin, et Phébé pâlissante Dérober aux mortels sa lumière tremblante. Si je mens d'un seul mot, qu'à me nuire obstinés, Tous les corbeaux du ciel se perchent sur mon nez! Que ce coquin de Jule et Myrrha la fragile De leurs sales amours infectent mon asile! Mais conterai-je encor les longs gémissemens La barbe d'un vieux loup, les dents d'une vipère? Et comment tout-à-coup ma vengeance éclata 2 |