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TITRE TROISIÈME.

DE LA TUTELLE ET DE LA CURATELLE.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

§ 340.

L'homme sui iuris est, en général, capable d'agir et d'acquérir. Cependant il peut se trouver, de fait ou de droit, privé des facultés nécessaires pour bien gérér ses intérêts, et avoir, de ce chef, besoin d'une certaine protection. Cette nécessité de protection, qui dérive de la nature même des choses et ne saurait être méconnue par aucune législation, est expressément sanctionnée, chez les Romains, par deux institutions civiles'. Cependant le droit civil, en développant ces institutions, n'en maintint point dans toute sa pureté l'idée fondamentale, bien que cette idée eût même présidé aux termes qui servent à les désigner : tuitor, tutor de tueri; curator de curare. Ici, comme dans d'autres institutions sociales, la protection fut de bonne heure exploitée au profit du protecteur plutôt que dans l'intérêt du protégé. Il n'est pas à méconnaître, en effet, que, dans l'ancien droit romain, les cas les plus importants de tutelle et de curatelle constituent un véritable avantage pour celui qui est appelé à protéger, à tel point que la charge de la tutelle est considérée comme un droit précieux. C'est en grande partie par suite de cette tendance que l'on avait soumis à la tutelle non-seulement les impubères qui, à cause de leur âge, étaient réellement incapables de soigner leurs intérêts, mais encore les femmes, de quelque âge qu'elles fussent *.

La combinaison de ces éléments contradictoires dut naturellement agir d'une manière défavorable sur le développement de l'institution, qui est loin d'être arrivée, dans sa dernière phase, au degré de perfectionnement

1 GAIUS, I, 142. 143. 189. « 189. Sed impuberes quidem in tutela esse, omnium civitatum iure contingit, quia id naturali rationi conveniens est, ut is, qui perfectæ ætatis non sit, alterius tutela regatur: nec fere ulla civitas est, in qua non liceat parentibus liberis suis impuberibus testamento tutorem dare; quamvis, ut supra diximus, soli cives Romani videantur tantum liberos in potestate habere. » — ULPIEN, XI, 1.– Pr. § 1. 2, I., de tutelis 1, 13. – Fr. 1, D., eodem 26, 1. La TABLE DE SALPENSA, c. 22. 29, prouve que la tutelle des Latins ressemblait singulièrement à celle des Quirites, et GAIUS, I, 193, rapporte que les Bithyniens avaient une espèce de tutela muliebris. Cf. ci-dessus, 326, note 2, et ci-après, § 354.

2 Voy. ci-après, § 354.

que la plupart des autres matières du droit romain ont su atteindre. C'est ainsi que la législation de Justinien a encore maintenu la distinction en tutelle et curatelle, qui trouve son explication dans les institutions anciennes, mais qui, dans le droit nouveau, n'est plus qu'une superfétation embarrassante. En disant que cette division trouve son explication dans l'ancien droit, nous ne prétendons pas soutenir qu'elle soit fondée sur une nécessité résultant de la nature des choses. C'est en vain que les Romains l'ont formulée d'une manière sentencieuse dans le fameux dicton: Tutor personæ, curator certæ rei datur, dont nous aurons plus tard à déterminer le sens (§§ 343. 355). Les conséquences pratiques qui dérivent de la distinction lui ont donné pendant longtemps une importance assez grande; mais il est difficile d'en découvrir, nous ne dirons pas le fondement philosophique, mais seulement la justification historique. Toutefois, il paraît que l'on appliquait la tutelle plutôt aux cas où l'incapacité qui créait le besoin de protection avait un caractère continu et général 3.

Quoi qu'il en soit, nous sommes obligé de prendre cette distinction pour base de notre exposé. Nous traiterons, par conséquent, d'abord des deux espèces de tutelle, tutelle des impubères et tutelle des femmes, dont la dernière a disparu dans le droit nouveau, pour nous occuper ensuite des divers cas de curatelle.

SECTION PREMIÈRE.

DE LA TUTELLE.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA TUTELLE DES IMPUBÈRES †.

§ 341. Notion.

La tutelle des impubères est, d'après une définition de Servius Sulpicius que Justinien nous a conservée, la puissance sur un homme libre, donnée et permise par le droit civil pour protéger celui qui, à cause

5 Voy. cependant ci-après, § 342, note 11; § 344, note9; § 345, note 16; §346, notes 6. 25. GAIUS, 1, 142 sqq..- ULPIEN, tit. XI. — Tit. 1, de tutelis 1, 15. – Tit. D., eodem 26, 1.

de son âge, ne peut se défendre lui-même '. Cette définition renferme les deux éléments hostiles que nous avons signalés au paragraphe précédent, et, à ce titre, elle pouvait être bonne du temps de Servius, où la loi déférait la tutelle aux agnats bien plus dans leur intérêt que dans celui du pupille; mais, dans le droit de Justinien, qui ne considère la tutelle que comme une charge imposée dans le seul intérêt de l'impubère, les mots vis et potestas ne sont plus qu'une amplification de rhéteur. Abstraction faite de ce vice, la définition indique avec précision les éléments essentiels du terme à expliquer. Pour qu'il y ait lieu à tutelle, il faut en effet: 1° que la personne qui doit être soumise à cette protection soit impubère, c'est-à-dire âgée, selon le sexe, de moins de quatorze ou de douze ans ; 2o qu'elle soit sui iuris, c'est-à-dire libre de toute puissance, et spécialement de la puissance paternelle ".

COMMENT LA TUTELLE DES IMPUBÈRES S'ÉTABLIT.

§ 342. Introduction historique.

Conformément aux anciennes coutumes, la loi des Douze Tables avait reconnu au père de famille le droit de donner un tuteur aux enfants qu'il avait sous sa puissance et qui par sa mort deviendraient sui iuris '. Cette faculté, émanation du pouvoir du chef de famille, était aussi absolue que

1 Fr. 1, pr. D., h. t., 26, 1. « Tutela est, ut Servius definit, vis ac potestas in capite libero, ad tuendum eum qui propter ætatem sponte se defendere nequit, iure civili data ac permissa. »> Nous trouvons à peu près les mêmes termes, § 1, I., h. t., 1, 13.

* CIC., pro Murena, 13, et AULU-GELLE, V, 19, donnent également à la tutelle la qualification de potestas, et chez TITE-LIVE, XXXIV, 2, la tutelle des femmes est même appelée manus. Cette idée égoïste, qui prédominait dans la tutelle légitime des parents, se trouve encore dans toute sa force chez les jurisconsultes classiques. ULPIEN, Fr. 1, pr. D., de legitimis tutoribus 26, 4. ⚫ ... Ut qui sperarent hanc successionem, iidem tuerentur bona, ne dilapidarentur. » Cf. GAIUS, I, 192, et ci-après, § 342, notes 5 et suivantes.

3 Ce n'est que dans les lois de Justinien que nous trouvons l'adage qui, pour le droit nouveau, sert de motif à la tutelle légitime des parents: Ubi successionis est emolumentum, ibi et tutelæ onus esse debet. Voy. Pr. I., de legitima patronorum tutela 1, 17. – L. 5, init. et in f. C., de legitima tutela 5, 30. – Nov. 118, c. 5.

Voy. t., § 12.

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5 Voy. les textes cités à la note 1, et Fr. 239, pr. D.,de verb. sign. 50, 16.-Cf. Fr. 161. D.,eodem. Fr. 19, § 2, D., de test. tut. 26, 2. - Fr. 20, pr. D., de tutoribus et curat. datis 26, 5. 'TITE-LIVE, I, 34 in f. GAIUS, I, 144-149. 189. 193. ULPIEN, XI, 14. 15. « Lege Duodecim Tabularum, his verbis: UTI LEGASSIT SUPER PECUNIA TUTELAVE SUÆ REI, ITA IUS ESTO... » Cr. Cic., Rhetor., II, 50; Auct. ad Herenn., I, 13. Vaticana fragm. 229 sqq. - § 3-5, 1., de tutelis 1, 13. Fr. 1. Fr. 20, § 1, D., de testamentaria tutela 26, 2. Fr. 53, pr. D., de verb. sign. 50, 16. Cf. Fr. 120, D., eodem. La phrase du Fr. 55, pr. D., cité : « At cum dicitur : SUPER PECUNIA TUTELAVE SUA, tutor separatim sine pecunia dari non potest » veut dire que l'on ne peut nommer un tuteur que dans un testament, c'est-à-dire dans un acte par lequel on dispose des biens qu'on laisse après sa mort, pecunia sua.

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la puissance paternelle elle-même le père pouvait nommer un tuteur même aux enfants qu'il exhérédait . La nomination ne pouvait se faire originairement que dans un testament valable. Par la suite, on l'admit même quand le testament n'était pas régulier dans la forme, testamentum iniustum; seulement, dans ce cas, la personne désignée devait être confirmée par le magistrat. Avec la même restriction on permit également au père de nommer un tuteur à ses enfants émancipés. Enfin, du temps de Papinien, ce droit est accordé à la mère et même à tout étranger, qui instituent le pupille héritier dans leur testament; mais la tutelle déférée par ces personnes exige la confirmation de l'autorité, qui ne peut être accordée qu'après une enquête préalable *.

A défaut de tuteur testamentaire, la loi des Douze Tables déférait la tutelle de l'impubère sui iuris aux plus proches agnats dans l'ordre dans lequel ils étaient appelés à la succession, legitima adgnatorum tutela. Le même principe fut, par analogie, appliqué à l'esclave affranchi. La jurisprudence ne tarda pas, en effet, à assimiler le patron à un aguat, lui donnant, à lui et à ses enfants, un droit de succession dans les biens du client et, en outre, la tutelle sur l'affranchi impubère ou sur ses enfants impubères sui iuris . On mit encore sur la même ligne celui qui avait affranchi un mancipium, opération qui le plus souvent avait lieu sous le nom d'émancipation à l'effet de faire sortir un enfant de la puissance paternelle. Comme, dans ce cas, le fils n'avait été que fiduciæ causa dans le pouvoir du maître affranchissant, ce dernier s'appelait tutor fiduciarius. Cependant quand l'émancipation s'était faite par le paterfamilias même, le respect dû au chef de la famille fit donner à la tutelle le nom

2 Arg. Fr. 1, § 1, D., de testamentaria tutela 26, 2.

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3 § 5, I., de tutelis 1, 13. - Fr. 4, D., de test. tut. 26, 2. - Fr. 1, § 1. 2. Fr. 3, D., de confirmando tutore 26, 3.

4 Fr. 4, D., de test. tut. 26, 2. - Fr. 1, § 2. Fr. 2. 4. 5, D., de confirm. tut. 26, 3. — L. 4, C., de test. tut. 5, 28. L. 1, C., de confirmando tutore 5, 29.

5 GAIUS, I. 115 sqq. 164. II, 47. – ULPIEN, XI, 2. 3. 4. « 3. Legitimi tutores sunt qui ex lege aliqua descendunt per eminentiam autem legitimi dicuntur, qui ex lege Duodecim Tabularum introducuntur, seu propalam, quales sunt agnati, seu per consequentiam, quales sunt patroni. » - Tit. I., de legitima adgnatorum tutela 1,15.-Fr. 1, pr. § 1. Fr. 5, pr. D., de legitimus tutoribus 26, 4. Fr. 7, pr. D., de capite minutis 4, 5. - L. 1. 2, C., de legit. tutela 5, 30.,

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.6 GAIUS, I, 165.

ULPIEN, XI, 3. Tit. I, de legit. patron. tut. 1, 17. - Fr. 1. 2. 3, D., de legitimis tutoribus 26, 4.

7 GAIUS, I, 115. 166. 196. - ULPIEN, XI, 5.

8 Ce n'est que par cette considération, qui se trouve au reste indiquée par GAIUS, I, 172 in f., que nous pouvons expliquer l'anomalie dont il sera question dans les deux notes suivantes. L'explication que Justinien en donne au tit. I., de fiduciaria tutela 1, 19, est évidemment erronée. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à supposer que le grand-père émancipe son petit-fils, tout en gardant sous puissance le père de l'émancipé. A la mort du grand-père émancipateur, le petit-fils tombera sous la tutelle de son père, et cette tutelle ne sera que fiduciaire, bien que certes, si l'émancipation n'avait pas eu lieu, le petit-fils, après la mort de l'aïeul, se fût trouvé sous la puissance de son père,

et le caractère de tutelle légitime, qu'elle perdait cependant pour reprendre le nom de fiduciaire, quand, après la mort du père, elle passait aux enfants sui iuris qui lui succédaient. Justinien, en abolissant la prééminence des agnats dans l'hérédité, ainsi que le droit de succession du patron dans les biens du fils émancipé et les anciennes formalités de l'émancipation, dut naturellement aussi abolir la tutelle fiduciaire et modifier le système de la tutelle légitime. Conformément au principe d'après lequel il régla, par la célèbre Novelle 118, la succession ab intestat, la tutelle légitime appartient, dans le droit nouveau, aux plus proches parents successibles 1o.

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A défaut de tuteur testamentaire et de tuteur légitime, c'est à l'autorité compétente de nommer un tuteur. Sous le système des legis actiones, il y avait lieu à pareille nomination lorsqu'un procès était engagé entre le pupille et son tuteur : le préteur désignait, dans ces cas exceptionnels, un tuteur ad hoc, appelé tutor prætorius ou prætorianus ". Mais la tutelle dative, comme institution permanente et régulière à défaut de tutelle testamentaire et légitime, doit son origine à une loi Atilia, de là Atilianus tutor 12. Cette loi attribua le droit et le devoir de nommer un tuteur dans le cas indiqué 15, au préteur de la ville, agissant conjointement avec la majorité des tribuns de la plèbe ". Une loi Iulia et Titia conféra le même pouvoir aux gouverneurs des provinces 15. Enfin, des constitutions impériales firent entrer ces attributions dans la compétence des simples magistrats municipaux

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9 GAIUS, I, 172 sqq.-Tit. I., de legitima parentum tutela 1, 18. - Tit. I., de fiduciaria tutela 1, 19, et THÉOPHILE, ad h. l. - § 6, I., quibus modis ius potestatis solvitur 1, 12. Fr. 3, § 10.

Fr. 4, D., de legitimis tutor. 26, 4. 10 Voy. ci-après, § 343, note 9.

Voy. aussi ci-après, § 354, notes 10. 11.

11 GAIUS, I, 184. — ULPIEN, XI, 24. - § 3, I., de auctoritate tutorum 1, 21. note 25.

Cf. ci-après, § 346,

12 GAIUS, I, 185-187.-ULPIEN, XI, 18-20. Tit. I, de Atiliano tutore, et THEOPHILE, ad hunc titulum. - La loi remonte peut-être à 443 ou à 541, où l'on mentionne des tribuns de la plebe du nom de L. Atilius : dans tous les cas elle doit être antérieure à 565. TITE-LIVE, IX, 30. XXVI, 23; XXXIX, 9.

13 TITE-LIVE, XXXIX, 9, et les passages cités au commencement de la note précédente.

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14 Ci-dessus, note 12. Sous les empereurs, cette compétence fut également attribuée aux consuls. Marc-Aurèle institua un préteur particulier, prætor tutelaris. Enfin depuis Caracalla nous trouvons le préfet de la ville. SUÉTONE, Claude, 23. « Sanxit ut pupillis extra ordinem tutores a Consulibus darentur. »-PLINE, epist., IX, 13. 26. - CAPITOLIN, Marc-Aurèle, 10.-GAIUS, I, 200.TRYPHONIN, Fr. 45, § 3, D., de excusationibus 27, 1. — § 3, I., de Atiliano tutore 1, 20 et passim. 15 GAIUS, I, 185-187.-ULPIEN, XI, 18. 19. - Pr. § 1. 2, I., de Atiliano tutore et eo qui ex lege Iulia et Titia dabatur 1, 20, et THÉOPHILE ad h. l., où ce tuteur est appelé IULIO-TITIANUS. - On place habituellement cette réforme en 723, sous le consulat d'Auguste et de M. Titius Rufus; mais cette hypothèse est peu probable, puisqu'il s'agit évidemment de deux lois de dates différentes (oi voμot, dit THÉOPHILE. Cf. t. I, no 175). D'ailleurs, nous trouvons déjà chez Cic., in Verrem, II, 1, 56, des tuteurs donnés par le proconsul de Sicile. Cf. DIODORE, Excerpt. Peiresc. ed. Valesius, p. 397.

16 § 4. 5, I., de Atiliano tut. 1, 20. - Fr. 3. 24, D., de tutoribus datis 26, 5. —L. 30, C., de

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