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Dieu seul l'autorisation de décider les questions de la doctrine sur la foi ou sur la règle des mœurs, et de faire des canons ou des règles de discipline (Arrêtés du conseil du 16 mars et du 31 juillet 1731).

« M. d'Héricourt (Lois ecclésiastiques, partie première, ch. xix; préambule, p. 119), l'historien Fleury, les plus célèbres avocals généraux, et M. de Castillon lui-même (Requisitoire contre les actes de l'assemblée du clergé en 1765), avouaient ces vérités. Ce dernier reconnaît dans l'Eglise le pouvoir qu'elle a reçu de Dieu pour conserver, par l'autorité de la prédication, des lois et des jugements, la règle de la foi et des niœurs, la discipline nécessaire à l'économie de son gouvernement, la succession et la perpétuité de son ministère.

« Sa Sainteté n'a donc pu voir qu'avec une extrême douleur, qu'en négligeant de suivre ces principes, la puissance civile ait voulu régler, décider, transformer en loi, des articles qui intéressent essentiellement les mœurs, la discipline, les droits, l'instruction et la juridiction ecclésiastique. N'est-il pas à craindre que cette innovation n'engendre les défiances, qu'elle ne fasse croire que l'Eglise de France est asservie, même dans les objets purement spirituels, au pouvoir temporel, et qu'elle ne détourne de l'acceptation des places beaucoup d'ecclésiastiques méritants? «Que sera-ce si nous envisageons chacun de ces articles en particulier ?

« Le premier veut qu'aucune bulle, bref, rescrit, etc., émanés du saint-siége, ne puissent être mis à exécution, ni même publiés sans l'autorisation du gouvernement.

« Cette disposition, prise dans toute cette étendue, ne blesse-t-elle pas évidemment la liberté de l'enseignement ecclésiastique? Ne soumet-elle pas la publication des vérités chrétiennes à des formalités gênantes? Ne met-elle pas les décisions concernant la foi et la discipline sous la dépendance absolue du pouvoir temporel? Ne donne-t-elle pas à la puissance, qui serait tentée d'en abuser, les droits et les facilités d'arrêter, de surprendre, d'étouffer même le langage de la vérité, qu'un pontife fidèle à ses devoirs voudrait adresser aux peuples confiés à sa sollicitude?

«Telle ne fut jamais la dépendance de l'Eglise, même dans les premiers siècles du christianisme. Nulle puissance n'exigeait alors la vérification de ses décrets. Cependant, elle n'a pas perdu de ses prérogatives en recevant les empereurs dans son sein; elle doit jouir de la même juridiction dont elle jouissait sous les empereurs païens (Lois ecclésiastiques. Vide supra). Il n'est jamais permis d'y donner atteinte, parce qu'elle la tient de Jésus-Christ. Avec quelle peine le saint-siége ne doit-il donc pas voir les entraves qu'on veut mettre à ses droits?

Le clergé de France reconnalt lui-même que les jugements émanés du saint-siége, et auxquels adhère le corps épiscopal, sont irréfragables. Pourquoi auraient-ils donc besoin de l'autorisation du gouvernement, puisque,

suivant les principes gallicans, ils tirent toute leur force de l'autorité qui les prononce, et de celle qui les admet? Le successeur de Pierre doit confirmer ses frères dans la foi, suivant les expressions de l'Ecriture; or, comment pourra-t-il le faire, si, sur chaque article qu'il enseignera, il peut être à chaque instant arrêté par le refus ou le défaut de vérification de la part du gouvernement temporel? Ne suit-il pas évidemment de ces dispositions que l'Eglise ne pourra plus savoir et croire que ce qu'il plaira au gouvernement de laisser publier?

« Cet article blesse la délicatesse et le secret constamment observés à Rome dans les affaires de la Pénitencerie. Tout particulier peut s'y adresser avec confiance, et sans craindre de voir ses faiblesses dévoilées. Cependant cet article, qui n'excepie rien, veut que les brefs, même personnels, émanés de la Pénitencerie, soient vérifiés. Il faudra donc que les secrets des familles, et la suite malheureuse des faiblesses humaines soient mis au grand jour pour obtenir la permis. sion d'user de ces brefs. Quelle gêne! quelles entraves! Le parlement lui-même ne les admettait pas, car il excep'ait de la vérification les Provisions, les brefs de la Pénitencerie, et autres expéditions concernant les affaires des particuliers.

« Le second article déclare : « Qu'aucun légat, nonce ou délégué du saint-siége, ne pourra exercer ses pouvoirs en France sans la même autorisation. » Je ne puis que répé ter ici les justes observations que je viens de faire sur le premier article. L'un frappe la liberté de l'enseignement dans sa source. l'autre l'atteint dans ses agents. Le premier met des entraves à la publication de la vé rité, le second à l'apostolat de ceux qui sont chargés de l'annoncer. Cependant JésusChrist a voulu que sa divine parole fût constamment libre, qu'on pût la prêcher sur les toits, dans toutes les nations, et auprès de tous les gouvernements. Comment allier ce dogme catholique avec l'indispensable formalité d'une vérification de pouvoirs et d'une permission civile de les exercer? Les apôtres et les premiers pasteurs de l'Eglise naissante eussent-ils pu prêcher l'Evangile, si les gouvernements eussent exercé sur eux un pareil droit ?

« Le troisième article étend cette mesure aux canons des conciles même généraux. Ces assemblées si célèbres n'ont eu nulle part, plus qu'en France, de respect et de vénération. Comment se fait-il donc que chez cette même nation elles éprouvent tant d'obs tacles, et qu'une formalité civile donne le droit d'en éluder, d'en rejeter même les décisions?

On veut, dit-on, les examiner: mais l voie d'examen en matière religieuse est pros crite dans le sein de l'Eglise catholique ; il n'y a que les communions protestantes qui l'admettent, et de là est venue cette étonnante variété qui règne dans leurs croyances.

• Quel serait d'ailleurs le but de ces examens ? Celui de reconnaître si les canons des

conciles sont conformes aux lois françaises? Mais, si plusieurs de ces lois, telles que celle sur le divorce, sont en opposition avec le dogme catholique, il faudra donc rejeter les canons, el préférer les lois, quelque injuste ou erroné qu'en soit l'objet. Qui pourra adopter une pareille conclusion? Ne serait-ce pas sacrifier la religion, ouvrage de Dieu même, aux ouvrages toujours imparfaits et souvent injustes des hommes ?

« Je sais que notre obéissance doit être raisonnable; mais n'obéir qu'avec des motifs suffisants, n'est pas avoir le droit nou - seulement d'examiner, mais de rejeter arbitrairement tout ce qui nous déplatt.

Dieu n'a promis l'infaillibilité qu'à son Eglise; les sociétés humaines peuvent se tromper. Les plus sages législateurs en ont été la preuve. Pourquoi donc comparer les décisions d'une autorité irrefragable avec celles d'une puissance qui peut errer, et faire, dans cette comparaison, pencher la balance en faveur de cette dernière? Chaque puissance a d'ailleurs les mêmes droits. Ce que la France ordonne, l'Espagne et l'Empire peuvent l'exiger; et, comme les lois sont partout différentes, il s'ensuivra que l'enseignement de l'Eglise devra varier suivant les peuples, pour se trouver d'accord avec les lois.

« Dira-t-on que le parlement français en agissait ainsi? Je le sais; mais il n'examinait, suivant sa déclaration du 24 mai 1766, que ce qui pouvait, dans la publication des canons et des bulles, altérer ou intéresser la Tranquillité publique, et non leur conformité avec des lois qui pouvaient changer dès le lendemain.

« Cet abus d'ailleurs ne pourrait être légitimé par l'usage, et le gouvernement en sentait si bien les inconvénients, qu'il disait au parlement de Paris, le 5 avril 1757, par l'organe de M. d'Aguesseau: « Il semble qu'on cherche à affaiblir le pouvoir qu'a l'Eglise de faire des décrets, en le faisant telle ment dépendre de la puissance civile et de son concours, que sans ce concours, les plus saints décrets de l'Eglise ne puissent obliger les sujets du roi. »

« Enfin, cet examen n'avait lieu dans les parlements, suivant la déclaration de 1766, que pour rendre les décrets de l'Eglise lois de l'Etat, et en ordonner l'exécution, avec défense, sous les peines temporelles, d'y contrevenir. Or, ces motifs ne sont plus ceux qui dirigent aujourd'hui le gouvernement, puisque la religion catholique n'est plus la religion de l'Etat, mais uniquement celle de la majorité des Français.

« L'article 6 « déclare qu'il y aura recours au conseil d'Etat pour tous les cas d'abus ; » mais quels sont-ils ? L'article ne les spécifie que d'une manière générique et indéterminée.

a On dit, par exemple, qu'un des cas d'abus est l'usurpation ou l'excès du pouvoir. Mais, en matière de juridiction spirituelle, l'Eglise en est seule le juge. Il n'appartient

qu'à elle de déclarer en quoi l'on a excédé, ou abusé des pouvoirs qu'elle seule peut conférer. La puissance temporelle ne peut connaître de l'abus excessif d'une chose qu'elle n'accorde pas.

« Un second cas d'abus est la contravention aux lois et règlements de la république ; mais si ces lois, si ces règlements sont en opposition avec la doctrine chrétienne, faudra-t-il que le prêtre les observe de préférence à la loi de Jésus-Christ? Telle ne fut jamais l'intention du gouvernement.

« On range encore dans la classe des abus l'infraction des règles consacrées en France par les saints canons.... Mais ces règles ont dû émaner de l'Eglise. C'est donc à elle seule de prononcer sur leur infraction; car elle seule en connaît l'esprit et les dispositions. « On dit enfin qu'il y a lieu à l'appel comme d'abus pour toute entreprise qui tend à compromettre l'honneur des citoyens, à troubler leur conscience, ou qui dégénère contre eux en oppression, injure ou scandale public.

« Mais, si un divorcé, si un hérétique, connu en public, se présente pour recevoir les sacrements, et qu'on les lui refuse, il prétendra qu'on lui a fait injure, il criera au scandale, il portera sa plainte, on l'admettra d'après la loi; et cependant le prêtre inculpé n'aura fait que son devoir, puisque les sacrements ne doivent jamais être conférés à des personnes notoirement indignes.

«En vain s'appuierait-on sur l'usage constant des appels comme d'abus. Cet usage ne remonte pas au delà du règne de Philippe de Valois, mort en 1330. Il n'a jamais été constant et uniforme; il a varié suivant les temps; les parlements avaient un intérêt particulier à l'accréditer. Ils augmentaient leurs pouvoirs et leurs attributions; mais ce qui flatte n'est pas toujours juste. Ainsi, Louis XIV, par l'édit de 1695, art. 34, 35, 36, 37, n'attribuait-il aux magistrats séculiers que l'examen des formes, en leur prescrivant de renvoyer le fond au supérieur ecclésiasti que. Or, celle restriction n'existe nullement dans les Articles organiques. Ils attribuent indistinctement au conseil d'Etat le jugement de la forme et celle du fond.

« D'ailleurs les magistrats qui prononçaient alors sur ces cas d'abus étaient nécessairement catholiques; ils étaient obligés de l'affirmer sous la foi du serment; tandis qu'aujourd'hui ils peuvent appartenir à des sectes séparées de l'Eglise catholique, et avoir à prononcer sur des objets qui l'inté

ressent essentiellement....

« L'article 9 veut que le culte soit exercé sous la direction des archevêques, des évêques et des curés. Mais le mot direction ne rend pas ici les droits des archevêques et évêques. Ils ont de droit divin non-seule ment le droit de diriger, mais encore celui de définir, d'ordonner et de juger. Les pouvoirs des curés dans les paroisses ne sont point les mêmes que ceux des évêques dans les diocèses. On n'aurait donc pas dû les exprimer de la même manière et dans les mê

mes articles, pour ne pas supposer une identité qui n'existe pas.

« Pourquoi d'ailleurs ne pas faire ici mention des droits de Sa Sainteté, chef des archevêques et des évêques? A-t-on voulu lui ravir un droit général qui lui appartient essentiellement ?

« L'article 10, en abolissant toute exemption ou attribution de la juridiction épiscopale, prononce évidemment sur une matière purement spirituelle. Car, si les territoires exempts sont aujourd'hui soumis à l'ordinaire, ils ne le sont qu'en vertu d'un règlement du saint-siége. Lui seul donne à l'ordinaire une juridiction qu'il n'avait pas. Ainsi, en dernière analyse, la puissance temporelle aura conféré des pouvoirs qui n'appartiennent qu'à l'Eglise. Les exemptions d'ailleurs ne sont point aussi abusives qu'on l'a imaginé. Saint Grégoire lui-même les avait admises, et les puissances temporelles ont eu souvent besoin d'y recourir.

« L'article 11 supprime tous les établissements religieux, à l'exception des séminaires ecclésiastiques et des chapitres. A-t-on bien réfléchi sur celle suppression? Plusieurs de ces établissements étaient d'une utilité reconnue; le peuple les aimait, ils le secouraient dans ses besoins; la piété les avait fondés; l'Eglise les avait solennellement approuvés sur la demande même des souverains: elle seule pouvait donc en prononcer la suppression.

L'article 14 ordonne aux archevêques de veiller au maintien de la foi et de la discipline dans les diocèses de leurs suffragants. Nol devoir n'est plus indispensable ni plus sacré; mais il est aussi le devoir du saintsiége pour toute l'Eglise. Pourquoi donc n'avoir pas fait mention dans l'article de cette surveillance générale? Est-ce un oubli? est-ce une exclusion?

« L'article 15 autorise les archevêques à connaître des réclamations et des plaintes portées contre la conduite et les décisions des évêques suffragants. Mais que feront les évêques, si les métropolitains ne leur rendent pas justice? A qui s'adresseront-ils pour l'obtenir? A quel tribunal en appelleront-ils de la conduite des archevêques à leur égard? C'est une difficulté d'une importance majeure, et dont on ne parle pas. Pourquoi ne pas ajouter que le souverain pontife peut alors connaître de ces différends par voie d'appellation, et prononcer définitivement, suivant ce qui est enseigné par les saints canons ?

« L'article 17 paraît établir le gouvernement juge de la foi, des mœurs et de la capacité des évêques nommés. C'est lui qui les fait examiner, et qui prononce d'après les résultats de l'examen. Cependant le souverain pontife a seul le droit de faire par lui ou ses délégués cet examen, parce que lui seul doit instituer canoniquement, et que cette institution canonique suppose évidemment, dans celui qui l'accorde, la connaissance ac quise de la capacité de celui qui la reçoit. Le gouvernement a-t-il prétendu nommer tout

à la fois et se constituer juge de l'idonéité; ce qui serait contraire à tous les droits ef usages reçus; ou veut-il seulement s'assurer par cel examen que son choix n'est pas tombé sur un sujet indigne de l'épiscopat? C'est ce qu'il importe d'expliquer.

« Je sais que l'ordonnance de Blois prescrivait un pareil examen; mais le gouvernement consentit lui-même à y déroger. Il fut statué, par une convention secrète, que les nonces de Sa Sainteté feraient seuls ces informations. On doit donc suivre aujourd'hui cette même marche, parce que l'article 4 du Concordat veut que l'institution canonique soit conférée aux évêques dans les forines établies avant le changement de gouvernement.

« L'article 22 ordonne aux évêques de visiter leurs diocèses dans l'espace de cinq années. La di cipline ecclésiastique restreignait davantage le temps de ces visites. L'Eglise l'avait ainsi ordonné pour de graves et solides raisons. Il semble, d'après cela, qu'il n'appartenait qu'à elle seule de changer cette disposition.

On exige par l'article 24 que les directeurs des séminaires souscrivent à la déclaration de 1682, et enseignent la doctrine qui y est contenue. Pourquoi jeter de nouveau au milieu des Français ce germe de discorde? ne sait-on pas que les auteurs de celte déclaration l'ont eux-mêmes désavouée ? Sa Sainteté peut-elle admettre ce que ses prédécesseurs les plus immédiats ont euxmêmes rejeté? Ne doit-e le pas s'en tenir à ce qu'ils ont prononcé? Pourquoi souffrirait-elle que l'organisation d'une Eglise qu'elle relève au prix de tant de sacrifices consacrât des principes qu'elle ne pent avouer? ne vaut-il pas mieux que les direcleurs des séminaires s'engagent à enseigner une morale saine, plutôt qu'une déclaration qui fut et sera toujours une source de division entre la France et le saint-siége?

« On veut, article 25, que les évêques envoient, tous les ans, l'état des ecclésiasliques étudiant dans leur séminaire: pourquoi leur imposer cette nouvelle gêne? Elle a été inconnue et inusitée dans tous les siècles précédents.

« L'article 26 veut qu'ils ne puissent or donner que des hommes de vingt-cinq ans, mais l'Eglise a fixé l'âge de vingt-un ang pour le sous-diaconat, et celui de vingt-quatre ans accomplis pour le sacerdoce. Qui pourrait abolir ces usages, sinon l'Eglise elle-même ? Prétend-on n'ordonner, même des sous-diacres, qu'à vingt-cinq ans? Ce serait prononcer l'extinction de l'Eglise de France par défaut de ministres; car il est certain que, plus on éloigne le moment de re evoir les ordres, et moins ils sont confé. rés. Cependant tous les diocèses se plaignent de la disette des prêtres. Peut-on esperer qu'ils en obtiennent, quand on exige pour les ordinands un titre clérical de 300 fr. de revenu? Il est indubitable que cette clause fera déserter partout les ordinations et les séminaires. Il en sera de même de la clause qui oblige l'évêque à demander la permission

du gouvernement pour ordonner; cette clause est évidemment opposée à la liberté du culte, garantie à la France catholique par l'art. 1" du dernier Concordat. Sa Sainteté désire, et le bien de la religion exige, que le gouvernement adoucisse les rigueurs de ces dispositions sur ces trois objets.

a L'article 35 exige que les évêques soient autorisés par le gouvernement pour l'établissement des chapelles. Cependant cette autorisation leur était accordée par l'article 11 du Concordat. Pourquoi donc en exiger une nouvelle, quand une convention solennellca déjà permis ces établissements? La même obligation est imposée par l'article 23 pour les séminaires, quoiqu'ils aient été, comme les chapitres, spécialement autorisés par le gouvernement. Sa Sainteté voit avec douleur qu'on multiplie de cette manière les entraves et les difficultés pour les évêques. L'édit de mai 1763 exemplait formellement les séminaires de prendre des lettres-patentes (Mé moires du clergé, tom. II), et la déclaration du 16 juin 1659, qui paraissait les y assujettir, ne fut enregistrée qu'avec cette clause: a Sans préjudice des séminaires qui seront établis par les évêques pour l'instruction des prêtres seulement. » Telles étaient aussi les dispositions de l'ordonnance de Blois, article 24, et de l'édit de Melun, art. 1. Pourquoi ne pas adopter ces principes? A qui appartient-il de régler l'instruction dogmatique et morale, et les exercices d'un séminaire, sinon à l'évêque? De pareilles matières peuvent-elles intéresser le gouvernement temporel?

«Il est de principe que le vicaire-général et l'évêque sont une seule personne, et que la mort de celui-ci entraîne la cessation des pouvoirs de l'autre. Cependant au mépris de ce principe, l'article 36 proroge aux vicaires généraux leurs pouvoirs après la mort de l'évêque. Cette prorogation n'est-elle pas évidemment une concession de pouvoirs spirituels faite par le gouvernement sans l'aveu et même contre l'usage reçu dans l'Eglise ?

« Ce même article veut que les diocèses, pendant la vacance du siége, soient gouvernés par le métropolitain ou le plus ancien évêque.

Mais ce gouvernement consiste dans une juridiction purement spirituelle. Comment le pouvoir temporel pourrait-il l'accorder ? Les chapitres seuls en sont en possession; pourquoi la leur enlever, puisque l'article 11 du concordat autorise les évêques à les établir?

« Les pasteurs appelés par les époux pour bénir leur union, ne peuvent le faire, d'après l'article 54, qu'après les formalités remplies devant l'officier civil; cette clause restrictive et gênante a été jusqu'ici inconnue dans l'Eglise. Il en est résulté deux espèces d'inconvénients.

« L'un affecte les contractants; l'autre blesse l'autorité de l'Eglise et gêne ses pasteurs. Il peut arriver que les contractants se contentent de remplir les formalités civiles,

et qu'en négligeant d'observer les lois de l'Eglise, ils se croient légitimement unis nonseulement aux yeux de la loi, quant aux effets purement civils, mais encore devant Dieu et devant l'Eglise.

« Le deuxième inconvénient blesse l'autorité de l'Eglise et gêne les pasteurs en ce que les contractants, après avoir rempli les formalités légales, croient avoir acquis le droit de forcer les curés à consacrer leur mariage par leur présence, lors même que les lois de I'Eglise s'y opposeraient.

« Une telle prétention contrarie ouverte ment l'autorité que Jésus-Christ a accordée à son Eglise, et fait à la conscience des fidèles une dangereuse violence. Sa Sainteté, conformément à l'enseignement et aux principes qu'a établis pour la Hollande un de ses prédécesseurs, ne pourrait voir qu'avec peine un tel ordre de choses. Elle est dans l'intime confiance que les choses se rétabliront à cet égard en France sur le même pied sur lequel elles étaient d'abord, et telles qu'elles se pratiquent dans les autres pays catholiques; les fidèles, dans tous les cas, seront obligés à observer les lois de l'Eglise, et les pasteurs doivent avoir la liberté de les prendre pour règle de conduite, sans qu'on puisse sur un objet aussi important violenter leurs consciences. Le culte public de la religion catholique, qui est celle du consul et de l'immense majorité de la nation, attend ces actes de justice de la sagesse du gou

vernement.

« Sa Sainteté voit aussi avec peine que les registres de l'état civil soient enlevés aux ecclésiatiques, et n'aient plus pour ainsi dire d'autre objet que de rendre les hommes. étrangers à la religion dans les trois instants les plus importants de la vie : la naissance, le mariage et la mort. Elle espère que le gouvernement rendra aux registres tenus par les ecclésiastiques la consistance légale dont ils jouissaient précédemment. Le bien de l'Etat l'exige presque aussi impérieusement que celui de la religion.

« Art. 61. Il n'est pas moins affligeant de voir les évêques obligés de se concerter avec les préfets pour l'érection des succursales. Eux seuls doivent être juges des besoins spirituels des fidèles. Il est impossible qu'un travail ainsi combiné par deux hommes trop souvent divisés de principes, offro un résultat heureux : les projets de l'évêque seront contrariés, et, par contre-coup, le bien spirituel des fidèles en souffrira.

« L'article 74 veut que les immeubles, autres que les édifices destinés aux logements et les jardins attenants, ne puissent être affectés à des titres ecclésiastiques, ni possé-dés par les ministres du culte à raison de leurs fonctions. Quel contraste frappant entre cet article et l'article 7, concernant les ministres protestants! Ceux-ci, non-seuleinent jouissent d'un traitement qui leur est assuré, mais conservent tout à la fois et les biens que leur église possède et les oblations qui leur sont offertes. Avec quelle amertume l'Eglise ne doit-elle pas voir cette énor

me différence! Il n'y a qu'elle qui ne puisse posséder des immeubles; les sociétés séparées d'elle peuvent en jouir librement; on les leur conserve, quoique leur religion ne soit professée que par une minorité bien faible; landis que l'immense majorité des Français et les consuls eux-mêmes professent la religion qu'on prive légalement du droit de posséder des immeubles.

Telles sont les réflexions que j'ai dû présenter au gouvernement français par voire organe. J'attends tout de l'équité, du discernement et du sentiment de religion qui anime le premier consul. La France lui doit son retour à la foi; il ne laissera pas son ouvrage imparfait, et il en retranchera tout ce qui ne sera pas d'accord avec les principes et les usages adoptés par l'Eglise. Vous seconderez par votre zèle ses intentions bienveillantes et ses efforts. La France bénira de nouveau le premier consul, et ceux qui calomnieraient le rétablissement de la religion catholique en France ou qui murmureraient contre les moyens adoptés pour l'exécution, seront pour toujours réduits au silence.

« Paris, le 18 août 1803.

« J. B. CARDINAL CAPRARA. »

Un décret du 18 février 1810 modifia quelques-unes des dispositions des Articles organiques; mais il fut loin d'accorder toutes les demandes réclamées par le Saint-Père. Notre république nous prépare une nouvelle loi organique des cultes; espérons que le décret de Napoléon ne sera plus que du domaine de l'histoire.

ORGUEIL.

1. Dieu en gravant son image sur le front de l'homme a agrandi ses désirs: aussi sontils immenses; plus il possède, plus il veut posséder; plus il est élevé, plus'il veut s'élever. Vainement chercherions-nous des bornes à son ambition, il n'y en a pas à sa pensée. Ce sentiment est loin d'être illégitime: Dieu l'a placé en nous afin de nous rappeler saus cesse à notre dignité personnelle et pour nous lancer dans la carrière du progrès. Chercher à grandir, à s'élever, à mériter une plus haute estime, c'est entrer dans les vues du Créateur, c'est réaliser sa pensée et sa volonté. Ce sentiment, tout excellent qu'il est, a ses excès, il a besoin d'être réglé. Pour faire connaître ce qu'il doit être, nous dirons ce que c'est que l'orgueil qui en est l'expression exagérée; nous avons dit en quoi consiste l'humilité qui en est la véritable expression. Voy. HUMILITÉ.

2. Ami de lui-même, l'homme se complaît dans son être, il aime à exalter tout ce qui lui appartient. Lorsque l'estime de soi ou de ce que l'on possède va au-delà du vrai, elle constitue l'orgueil.

3. Une jeune personne se complaît dans ses charmes, elle se croit supérieure en beauté à des compagnes qui l'égalent et la surpassent peut-être son appréciation est fondée sur l'orgueil.

Le sauvage a une extrême confiance en sa

force, il l'exalte outre mesure, il la grandit à ses yeux; il lui semble qu'il est le plus fort des habitants de la forêt: c'est encore de l'orgueil.

Un jeune homme a ses bonnes grâces en grande estime; il se persuade qu'il tient le premier rang entre les fashionables, nul ne sait mieux monter à cheval que lui, nul ne se présente mieux dans un salon : c'est aussi de l'orgueil.

Un auteur a composé un écrit qui lui a coûté beaucoup de peine et de temps; il a mesuré la valeur de l'ouvrage sur le travail, il le croit un chef-d'œuvre : c'est de l'orgueil.

Un riche est infatué de sa fortune, il se persuade que ses richesses le mettent au premier rang des hommes, qu'il égale l'homme d'esprit par les talents, l'homme de cœur par la valeur, l'homme de société par ses manières: c'est la folie de l'orgueil.

Un noble compte dans sa famille une longue suite d'ancêtres illustres, il s'en glorifie, il se persuade qu'il a droit à la même considération et aux mêmes hommages que ceux dont ils sont environnés, quoiqu'il n'ait ni la même élévation d'esprit, ni la même bonté de cœur, ni la même perfection de vertu : c'est aussi de l'orgueil.

4. S'estimer plus qu'on ne vaut, élever au delà du vrai ane de ses qualités physiques, intellectuelles ou morales, c'est donc ce qui constitue l'orgueil.

5. L'orgueil prend différents noms, suivant les différentes manières qu'il apparaît aux yeux; il est hauteur, fierté, arrogance, fatuité, présomption, pédanterie, ambition, vanité, selon les différentes formes qu'il reçoit.

6. L'homme est hautain, quand il s'élève en lui-même, rabaisse les autres sur lesquels il daigne à peine jeter un regard insultant.

7. La fierté comme la hauteur se complait en son mérite personnel, mais elle est moins méprisante. Elle tient plus du sentiment de la dignité de l'homme, ou plutôt elle n'en est que l'exagération. Souvent elle trouve grâce à nos yeux, et nous la qualifions de noble fierté.

8. L'arrogance prend le ton de l'insulte et du mépris quand on refuse de reconnaître son influence prétendue. On rit de l'important, dit Labruyère, on se plaint de l'arrogant.

9. La suffisance se croit pleine de mérite, elle pense n'avoir besoin de secours étranger; elle se met au-dessus de tout le monde. Les ignorants, dit Voltaire, qui font les suffisants, sont au-dessous des singes.

10. La fatuilé se reconnait par les maniè res. Le fat s'admire, il veut paraître au dehors ce qu'il se juge au dedans, un idéal d'esprit, de goût, d'élégance, de belles manières. Le fat est entre l'impertinent et le sot: le sol est celui qui n'a pas assez d'esprit pour être fat; le fat est celui que les sols regardent comme un homme d'esprit.

11. La présomption ne doute de rien; le présomptueux met sa principale confiance en ses propres forces, il ne craint pas sa

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