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l'accompagnerait ne le rendit mortel. Quoique ce sentiment soit le plus commun, nous n'osons assurer qu'on ne pèche que véniellement en prenant Dieu à témoin d'un péché véniel qu'on veut faire; car il semble qu'il y a autant en cela d'irrévérence que d'attester Dieu pour un léger mensonge, et certainement c'est un bien plus grand mal que de jurer sans nécessité pour assurer une chose honnête ou indifférente.

De quelque opinion qu'on soit sur cet article, le confesseur à qui un pénitent s'accuse d'avoir juré avec menace de faire un mal doit lui faire expliquer quel était ce mal : par exemple, s'il jurait de tuer, de battre, de vo'er, de faire un adultère, parce que le péché est différent selon les différents maux dont on menace. Il doit encore lui demander s'il avait effectivement la volonté de faire ce mal, ou s'il jurait sans celle volonté, parce que le jurement est un parjure formel lorsqu'on n'a pas la volonté de faire le mal qu'on jure de vouloir faire. (Conférences d'Angers, sur les commandem. de Dieu, vi confér.)

10. De ces conditions il est aisé de con

clure quand le serment est permis et quand il est défendu; il ne peut y avoir de doute que quand il est prescrit. Il est ordonné toutes les fois qu'un supérieur légitime, ayant droit de commandement, prescrit un serment revêtu des conditions que nous avons énumérées. S'il ordonnait un serment injuste, faux ou inutile, on ferait acte de vertu en refusant de se rendre à son ordre.

a Est-il permis, se demande Mgr Gousset, de demander le serment à une personne, quand on sait ou qu'on soupçonne avec fondement qu'elle jurera contre la vérité? Cela est permis lorsqu'on a quelque raison légitime de recourir à ce moyen. Un juge peut et doit même, à la réquisition d'une des parties qui sont en litige, demander le serment, en se conformant à ce qui est prescrit par le droit. Il peut aussi exiger le serment de celui qu'il croit disposé à jurer au nom d'une fausse divinité, ou par l'Alcoran; mais il ne peut évidemment l'engager à jurer de la sorte. Licet, dit saint Thomas, ejus qui per falsos deos jurare paratus est juramentum recipere (Sum. part. 2. 2. quæst. 98. art. 4). La raison qu'il en donne, c'est qu'il est permis de faire servir au bien le mal ou le péché d'autrui, comme Dieu lui-même le fait, quoiqu'il ne soit jamais permis de porter qui que ce soit à faire le mal: Licet malo uti propter bonum, sicut et Deus ulitur; non tamen licet aliquem ad malum inducere (Ibidem).

« Nous pensons aussi qu'un simple particulier qui est en contestation avec un autre peut réclamer le serment de la partie adverse, dans le doute si celle-ci ne se rendra pas coupable de parjure, soit parce que ce doute ne détruit pas un droit acquis, soit parce que, dans le doute sur les bonnes ou mauvaises dispositions du prochain, on doit le juger favorablement le parjure ne se présume pas. Mais s'il était moralement sûr qu'il y aura parjure, pourrait-il recourir au

serment? I le pourrait encore, s'il espérait par ce moyen obtenir justice ou faire respecter ses droits (S. Alphonse de Liguori, Theol. moral. lib. n. n° 77; Collet, de Religione, part. 1. n° 144). Hors de là, il ne pourrait réclamer le serment sans se rendre coupable, sans coopérer moralement au parjure, »> Voy. OBLIGATION, no 42; Serment, Parjube. ARTICLE III.

De l'obligation de faire ce qu'on a promis par

serment.

« 476. On est obligé d'exécuter les promesses qu'on a faites avec serment, lorsque les choses qu'on a promises sont moralement possibles, justes, honnêtes et raisonnables. Si quis, dit le Seigneur, se constrinxeril juramento, non faciet irritum verbum suum, sed omne quod promisit, implebit (Numer. c. 30. v. 3). Non perjurabis; reddes autem Domino juramenta tua (Matth. c. v, v. 33). La religion, dit saint Thomas, veut qu'une chose promise se fasse comme elle a été promise: Quicumque jurat aliquid se facturum obligatur ad faciendum ad hoc quod veritas adimpleatur. Si juramentum adhibeatur, propter reverentiam divini testimonii quod invocatur, obligatur homo ut facial esse verum id quod juravit, secundum suam possibilitatem, nisi in deteriorem exitum vergit (Sum. part. 2-2, quæst. 83, art. 7).

« Celui qui promet une chose avec serment, sans avoir l'intention de tenir sa promesse, se rend coupable de parjure; il pèche mortellement. Son péché est encore mortel s'il jure de faire une chose qu'il croit impossible; il en est de même s'il doute qu'il pourra ou ne pourra pas faire ce qu'il promet. Juramentum, dit saint Thomas, adhiberi non debet, nisi in re de qua aliquis firmiter certus est (Sum. part. 2. 2. quæst. 89. art. 7). Il faut au moins, suivant saint Alphonse de Liguori, qu'on ait une raison probable en faveur de l'exécution de ses engagements : Probabilem rationem exequendi (Lib. 11, n° 172).

« Il y a certainement péché mortel à ne pas exécuter, quand on le peut, la promesse en matière grave qu'on a confirmée par le serment. Mais y a-t-il parjure à ne pas l'exécuter, à rétracter l'intention qu'on avait dans le principe de tenir à ses engagements? C'est une question controversée parmi les théolo giens. Les uns pensent qu'il y aurait parjure, parce que, disent-ils, en faisant un serment promissoire, on prend Dieu tout à la fois comme témoin et comme caution. D'autres pré endent le contraire, et soutiennent que l'inexécution d'une promesse qui est en matière légère n'entraîne qu'une faute vénielle. Suivant ces théologiens, celui qui jure de faire une chose ne prend Dieu à témoin que de la disposition où il est au moment où il fait la promesse. L'un et l'autre sentiments sont certainement probables : par conséquent, dans les diocèses où le parjure serait réservé, il ne faudrait pas faire tomber la réserve sur la violation d'un serment pro

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Pe l'obligation d'accomplir ce qui a été
promis avec serment.

Il est constant qu'on est rigoureusement o'ligé d'accomplir les choses promises avec serment, quand elles sont jusies, possibles. honnêtes et raisonnables. Manquer à un tel serment, c'est pécher. Mais quelle est la nature du péché? Est-il toujours mortel? est-ce un parjure?

Il est certain que ne pas accomplir une promesse importante, confirmée par un serment, c'est se rendre coupable de péché mortel et manquer gravement à Dieu que l'on avait pris pour caution.-Il est certain encore que, omettre d'accomplir une petite partie d'une promesse considérable, confirmée par serment, ce n'est qu'un péché véniel. V. g., un homme a promis par serment de donner 80 francs aux pauvres, il ne donne que 79 francs; son péché n'est que véniel. - En serait-il de même si tout l'objet du serment était matière légère, et qu'on ne l'accomplit aucunement? V. g., on a promis par serment de donner 10 centimes à un pauvre, on ne lui donne rien pèche-t-on mortellement? Plusieurs docteurs l'assurent, parce qu'on manque gravement à Dieu. D'autres le nient, parce que le serment ne peut pas obliger à plus que l'obligation principale. Nous croyons que cette dernière opinion ne manque pas de probabilité, en supposant qu'en faisant le sermen! on avait réellement la vo

lonté de l'accomplir; car il faut bien distinguer l'exécution de la promesse. Au moment de l'exécution, il peut y avoir changement

de résolution dans la volonté sans rapport direct au serment. Fondés sur ce motif, plusieurs docteurs croient que manquer à une promesse confirmée par serment n'est pas se rendre parjure. D'autres pensent que le serment subsiste moralement, et que ne pas exécuter ce qui a été promis, c'est réellement violer son serment et se rendre parjure. Nous croyons cette opinion plus probable que la première; elle est, en quelque so te, l'expression de l'opinion populaire. Nous devons cependant avouer que, la chose restant douteuse, la non-exécution ne serait pas réservée dans les diocèses où le parjure serait un cas réservé, à moins que la réserve ne tombȧt même sur les doutes de droit.

Il y a deux sortes de causes qui exemptent de l'obligation de garder le serment. Les unes empêchent qu'on ne contracte cette obligation en jurant; les autres font cesser l'obligation qu'on avait confirmée par ser

ment.

f1er. Des causes qui empêchent qu'on ne contracte

les obligations confirmées par serment.

12. Les causes qui empêchent de contracter quelque obligation confirmée par serment peuvent venir de deux sources: de la personne qui jure et de la matière promise par jurement.

1. Des causes provenant du jureur, qui empêchent que le jurement n'ait d'effet. 13. Il y a plusieurs causes de la part du jureur qui rendent nul son serment.

reur ou

1. Quand il ne possède pas la raison en prê – tant serment; car ce n'est pas un acte humain 2. Lorsqu'il a été surpris par quelque erou quelque fraude sans laquelle il n'aurait pas juré, car le jurement n'est pas volontaire. Cette décision se déduit du chapitre : Cum contingat, de Jurejurando,

3. Lorsqu'en jurant on s'est servi de termes généraux, il faut les entendre dans le sens dans lequel on a voulu s'obliger. Car les paroles dans lesquelles le jurement a été conçu doivent s'entendre selon l'intention de celui qui les a proférées.

4° Lorsqu'il y a des conditions sous entendues par le droit ou par la coutume, elles sont censées exprimées. Ces conditions sont : -Si je puis faire la chose et si je puis la faire licitement (Cap. Querelɩm, de jurejurando contingat). Si la promesse qu'on a faite en faveur de quelqu'un a été acceptée ; car il faut qu'elle soit acceptée pour obliger. La promesse faite à Dieu n'a pas besoin d'acceptation.-Si les choses demeurent dans le même état; car s'il leur était arrivé un tel changement qu'on n'eût pas juré si on avait prévu, on n'est pas tenu à accomplir son serment (Cap. Quemadmodum, de Jurejur.) -Si la personne envers qui on a juré n'a pas tenu son serment, on n'est pas tenu au sien (Cap. Sicut de jurejur.). Si la chose peut se faire sauf le droit d'autrui; car on He peut promettre ce dont on n'a pas la libre dispo i ́ion (Cap. veniente, de jurejur.). Celui qui a promis avec serment de se marier peut se faire religieux (Cup. Ex parte tua. 2. de cler., non resident.).

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II. Causes de nullités de la part de la matière.

14. Il y a plusieurs causes de nullité de la part de la matière. 1° Si la chose promise est impossible ou illicite. On a péché en faisant un tel jurement; on pécherait en l'exécutant, -2° Si la matière du jurement est purement indifférente et inutile. Si cependant ello était faite aux hommes et qu'elle leur fût agréable, on serait tenu de l'exécuter; car e le est utile pour eux.-3. Si la chose qu'on a juré de faire empêche qu'on ne fasse un plus grand bien; V. g., si on avait juré de ne pas pratiquer les conseils évangéliques, il n'y a pas d'obligation de tenir ce serment.

§ 2. Causes irritantes du serment.

15. Les causes qui font cesser l'obligation qu'on avait contractée en jurant sont :

1. Un notable changement survenu à la matière du jurement; car on n'est pas censé avoir eu l'intention de s'obliger à cette chose. 2° Quand le jurement a été annulé par le supérieur qui en avait le droit. Voy. Vozu, n. 23. 3° Si celui en faveur de qui il a été fait en a fait la remise (Cap. Præterea, de spons. et matrim).

4 Quand on a obtenu de l'Eglise la dispense ou la commutation de son jurement (Cap. Si vero, de jurejur.. Le pouvoir de

dispenser du jurement est le même que celui de dispenser du væu. Voy. Voxu, n. 26. L'Eglise ne dispense du jurement fait en faveur des hommes que 1° quand son exécution tournerait au détriment de la religion ou du bien public. 2° Quand le jurement a été extorqué par crainte, dol ou fraude. 3 Quand il s'agit de punir le crime en faveur duquel le jurement a été fait. Cap. Abeas, de eis qui vi metuve, Ex administrationis; Si vero, de Jurejurando. 4° Pour empêcher un scandale. 5o Dans le cas de doute, si le jure ment oblige.

Telles sont les principales causes qui font cesser le serment. Elles sont une preuve de son importance et du soin qu'on doit apporter pour ne pas en faire témérairement.

JURY.

Dans les premiers temps de notre monarchie, nous voyons les crimes jugés par des prud'hommes ou jurés choisis pour porter

une décision sur les affaires criminelles.

Cette institution disparaît, au moyen âge, de presque tous les pays de l'Europe. Elle renaît en Angleterre avec la grande charte; elle reparaît en France avec la révolution de 1789. Nous n'avons pas à juger ce te insti ution sous le point de vue politique. Nous nous contenterons de dire quel est le verdiet qu'un juré consciencieux doit rendre. Notre législation sur le jury n'est pas encore assez fixée pour la rapporter.

Comment les jurés doivent-ils donner leurs verdicts. C'est une position très-délicate que celle de juré. Quoiqu'il ne soit point juge, il va, par son vote, décider de l'honneur, de la fortune et de la vie de ses concitoyens. D'après la loi, il est appelé à déposer son vote sur trois choses: 1 sur le fait principal; 2 sur les circonstances aggravantes; 2° sur les circonstances alténuantes.

:

I. Du fait principal. Lorsque le juré est certain de la culpabilité ou de la non culpabilité de l'accusé, sa conduite est tracée par les lumières du simple bou sens. Il doit dérider selon sa conscience donner un vole affirmatif, s'il est convaincu de la culpabilité, et un vote négatif, s'il est persuadé de l'innocence. Dans le cas de doute, que doitil faire? Nous observons d'abord que nous ne parlons ici que d'un doute sérieux, fondé en raison. Les docteurs les plus sévères disent qu'en matière criminelle, le parti le plus doux est celui que le juge doit embrasser. II vaut mieux sauver un coupable que de condamner un innocent; ceci n'est point dans l'ordre des simples opinions, puisque les lois autorisent cette conduite, et par là on s'élève jusqu'à la certitude.

II. Les règles que nous venons de tracer déterminent la manière dont le juré doit voter relativement aux circonstances aggravantes.

(1) Canon ix, sess. XIV: Si quis dixerit absolutionem sacramentalem sacerdotis non esse actum

III. Nous n'aurions rien à dire des circonstances atténuantes, s'il ne s'était répandu une maxime qui semble blesser essentiellement les droits de la vérité et de la justice: lorsque le juré est persuadé que la peine attachée à tel crime est excessive, il vote des circonstances atténuantes, quoiqu'il ait la conscience qu'il n'y en a point: son vole est-il permis en conscience?-Tous les jours nous voyons de semblables votes. Beaucoup de jurés ont en horreur la peine de mort; ils reconnaissent des circonstances atténuantes là où leur conscience leur dit qu'il n'y en a pas, afin d'empêcher une tête de tomber. Nous croyons ce vote une usurpation du pouvoir souverain. Ce n'est point au juré à réformer les lois; il est seulement appelé à décider le fait selon sa conscience.

JURIDICTION.

Pouvoir de faire des lois, de prononcer des jugements obligatoires dans une certaine étendue de territoire. Comme il y a deux espèces de pouvoir, l'un temporel et l'autre spirituel, de là on distingue deux espèces de l'importance de la juridiction temporelle aux juridictions. Nous avons établi l'étendue et mots AUTORITÉ, JUGE, JUGEMENT, LOI. Nous allons parler de la seconde espèce dans l'article suivant.

JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUE.

1. Avant d'entrer dans le fond même de la question, nous avons à examiner si le nom de juridiction convient à l'autorité ecclésiastique. Ellies du Pin regarde le mot de juridiction comme impropre, il préfère celui de ministère. C'est aussi la pensée du Parlement de Paris, comme il l'a exprimée dans ses remontrances de 1754. M. Portalis pense de même : il a manifesté son opinion dans ses discours sur le Concordat et les Articles organiques. Prétendre que toutes les parties des fonctions ecclésiastiques doivent prendre le nom de ministère, c'est enseigner une erreur condamnée par le concile de Trente (1). Et quelles sont donc les raisons sur lesquelles on s'appuie pour refuser à l'autorité de l'Eglise le nom de juridiction? Le principal totif sur lequel s'appuient nos adversaires, c'est que l'idée de juridiction est essentiellement liée à celle de coercition, en sorte qu'où il n'y a pas de pouvoir coercitif, il ne peut y avoir de pouvoir juridictionnel. Or, dit-on, dans l'Eglise il n'y a pas de pouvoir coercitif, il n'y a donc pas de juridiction.

Mais d'abord est-il bien vrai qu'il n'y a pas de juridiction sans coercition? Nous croyons que c'est fausser l'idée de la juridic tion. Henrion de Pansey la fait consister dans la faculté de connaître et de juger: In notione et judicio (De l'autorité judiciaire, ch. vi, p. 140). On voit qu'il ne fait pas entrer l'idée de coercition dans celle de juridiction. Or, l'Eglise possède incontestablement le pouvoir de connaitre les choses spirituelles

judicialem, sed nudum ministerium..... anathema sil.

et de juger soit les doctrines, soit les péchés. Elle possède donc ce qui, selon Henrion, est essentiel à la juridiction.

Mais en supposant que la coercition soit de l'essence de la juridiction, pourrait-on en conclure que l'Eglise ne possède pas celleci? Nullement, car l'Eglise a aussi une espèce de pouvoir coercitif. Sans doute elle ne possède pas le pouvoir de l'action physique, il n'est pas de son empire. Mais il y a une contrainte morale que d'Aguesseau, en traitant du droit naturel, regarde comme bien plus puissante que la contrainte physique. Il la fait consister dans la crainte de Dieu, de soi-même et des autres. Or l'Eglise exerce cette contrainte morale sur les chré

tiens. Les violateurs des lois ecclésiastiques éprouvent les remords de la conscience, la crainte de Dieu, quelquefois la séparation d'avec leur frère. Croit-on que ce n'était pas pour Robert une effrayante contrainte que celle qui fit disparaître amis, serviteurs, etc., lorsque l'excommunication le frappa? N'estce pas une contrainte exercée sur le prêtre que la sentence d'interdit qui est pour lui la mort civi'e? Ainsi l'Eglise possède donc une véritable juridiction, et ce n'est pas abuser des termes que de se servir de cette expression pour désigner son pouvoir.

Pour donner de la juridiction ecclésiastique une notion complète, 1° nous en établirons l'existence; 2° nous en déterminerons l'objet; 3° nous en ferons connaître les différentes espèces; enfin, nous dirons les personnes auxquelles en est confié l'exercice.

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ARTICLE PREMIER.

De l'existence de la juridiction ecclésiastique. 2. On ne peut nier que l'Eglise soit une société sans nier la lumière. Car l'Eglise apparait à tous les yeux comme un corps constitué. Or toute socié é complète doit nécessairement avoir le triple pouvoir législatif, judiciaire et administratif. Sans ce triple pouvoir, il est impossible qu'elle puisse exisler. Sans lui il y aura des individus se régissant selon leur volonté, mais pas de société constituée gouvernant ses sujets. Ce triple pouvoir appartient donc essentiellement à i Eglise.

Bien que l'Eglise, dirons-nous avec Mgr Sibour, comme société humaine tire de la nature des choses une certaine autorité, aux yeux même de ceux qui ne partagent pas ses croyances, cependant elle aime à montrer à ses enfants que son autorité véritable repose sur un fondement divin. Pour eux la source unique de la puissance ecclésiastique est en Jésus-Christ. Durant sa vie mortelle, Jésus-Christ fut le chef visible de l'Eglise; il en sera le chef invisible, mais véritable jusqu'à la consommation des siè cles. L'Eglise et la puissance de l'Eglise n'ont pas à nos yeux d'autre base. JésusChrist est la pierre angulaire de l'édifice (Ephes 11, 20). Il en est aussi l'architecte ; il en a tracé le plan divin. L'Evangile est le code sacré où l'Esprit-Saint a déposé les prin

cipes de sa constitution, ainsi que l'étendue et la limite de sa juridiction. Nous y lisons que celui qui n'écoute pas l'Eglise doit être traité comme un païen et un publicain (Matth. XVIII, 17); que l'Eglise est un royaume, mais que ce royaume de Jésus-Christ n'a rien de commun avec ceux du dehors (Joan. xvi, 36); que c'est une cité bâtie sur la montagne, et que la terre est éclairée par la lumière de ses enseignements (Matth. v, 14). Nous y voyons son régime fondé sur l'unité la plus parfaite (Joan. XVII, 11, 23); suite de ministère, unité de foi, unité de cœur par la charité. L'Evangile nous montre encore JésusChrist la veille de sa mort, instituant le sacerdoce de la loi nouvelle (Luc. xxn, 19), qui doit offrir en tous lieux la victime pure et le sacrifice non sanglant; puis après sa résurrection, donnant à ses apôtres ses dernières instructions, et, avant de les quitter pour monter au ciel, leur laissant pour titre primitif et impérissable de leur autorité sur la terre cette mission dont il suffit de rappeler les termes pour rappeler en même temps et le fondement véritable et le véritable objet de la juridiction ecclésiastique.

« Cette mission est d'abord donnée d'une manière suréminente et spéciale à Pierre, établi par là chef du collège apostolique. Pierre, lui dit le Maître, après avoir reçu les proles!ations réitérées de son amour, påissez mes agneaux, paissez mes brebis: Pasce aqnos meos, pasce oves meas (Joan. xx1, 15, 16). I confirme ainsi cette autre parole: Pierre, vous serez avec moi et comme mon représentant, la pierre angulaire sur laquelle je bâtirai mon Eglise, contre laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront jamais Matth. xvi, 18), et c'est à vous que je donnerai les clefs du royaume des cieux Et libi dabo claves regni cælorum (Ibid., 19).

3. « Telle est la primauté de juridiction accordée au vicaire de Jésus-Christ. Elle s'étend sur les pasteurs et sur tout le troupeau. Elle fait de lui le chef visible de son Eglise jusqu'à la fin du monde, et le dépositaire du pouvoir des clefs.

« Après cette investiture de la souveraine puissance ecclésiastique, se trouve la mission divine accordée aussi à tout le collége apostolique. Jé us-Christ s'adresse à tous les apôtres réunis autour de lui, dans un de ces suprêmes entretiens qu'il a avec eux, avant de quitter la terre pour retourner à son Père, et leur accordant enfin le pouvoir de lier et de délier qu'il leur avait deja promis, il leur adresse ces solennelles paroles : Toute puissance m'a été donnée sur la terre comme dans le ciel. Allez donc, instruises toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Préchez mon Evangile à toute créature, ordonnant et gardant tout ce que je vous ai enseigné (Matth. xxvin, 18, 19). Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie. Recevez le SaintEsprit; les péchés seront remis à ceux à qui rousles aurez remis, et ils seront retenus dc ux à qui vous les retiendrez (Joan. xx, 21-23). Je vais vous envoyer le don de mon Père, qui

rous a été promis (Luc. xxiv, 49). Vous recerrez la vertu du Saint-Esprit qui descendra sur vous (Act. 1, 8), et vous serez les témoins de tout ce que vous avez vu (Lur. XXIV, 48). Et ce témoignage, vous me le rendrez dans Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre (Act. 1, 8). Le monde vous persécutera (Joan. x1, 33); mais ne craignez rien, je serai avec vous jusqu'à la consommation des siècles (Matth. XXVIII, 20).

a Telle est donc aussi la mission donnée immédiatement par Jésus-Christ à tous les apôtres. Elle renferme une délégation de l'omnipotence même de Dieu, car elle a pour objet d'éclairer les hommes et de remettre les péchés; et qui a le pouvoir de remettre les péchés, sinon Dieu? Quis potest dimittere peccata nisi solus Deus (Marc. 11, 7)? Qui peut éclairer les hommes des pures lumières de la vérité, si ce n'est celui dont il est écrit qu'il illumine tout homme venant en ce monde (Joan. 1, 9).

« Cette mission établit les apôtres et les successeurs des apôtres, jusqu'à la consomma'ion des siècles, les ambassadeurs de JésusChrist (II Cor. v, 20), les continuateurs de son ministère divin parmi les hommes. La durée, le théâtre et l'objet de ce ministère y sont clairement déterminés. La durée est celle du temps, et par conséquent nécessite une sanction non interrompue jusqu'à la consommation des siècles: Usque ad consummationem sæculi; son théâtre, c'est le monde entier : In universum mundu-n; son objet est la rédemption continuée, c'est le salut des hommes, salut qui s'opère en effaçant les souillures de leurs ceurs et en dissipant les ténèbres de leur esprit: Bapti

zantes..... docentes.

« Voilà l'Eglise telle que Jésus-Christ l'a établie; voilà son plan, sa constitution, son autorité. Il en est la pierre angulaire, et après lui les apôtres en sont le fondement: Superædificati super fundamentum apostolorum (Ephes. 11, 28). C'est une société spirituelle; c'est la cité des enfants de Dieu. Elle a des chefs, une doctrine, des lois, des sacrements, un sacerdoce, un apostolat permanent. La puissance essentielle à cet apostolat, c'est de prêcher la doctrine, de distribuer les sacrements, de maintenir les lois, de perpétuer le sacerdoce. Ce sont là des droits que l'Eglise tient de Dieu et nos pas des hommes, et c'est tout le fond de sa véritable et essentielle juridiction (Mgr Sibour, Juridiction ecclésiastique, p. 216). »

L'Ecriture nous fournit donc une preuve incontestable que l'Eglise a une vér table juridiction. Nous pourrions appeler aussi en témoignage la tradition tout entière. Nous pensons que les preuves en seront mieux placées dans l'article suivant.

ARTICLE II.

De l'objet de la juridiction ecclésiastique. 4. Mon royaume n'est point de ce monde, disait Jésus-Christ (Joan. xvIII, 36). Il nous

apprenait par là quelle est la nature de son empire. Il ne prétend pas gouverner sur les choses matérielles. léguer à son Eglise la puissance temporelle. Il se réserve le commandement des âmes; il donne à son Eglise la puissance spirituelle. Mais les âmes sont unies à des corps. L'autorité ne peut lui manifester sa pensée, lui intimer ses ordres que par la parole. Quoique essentiellement spirituelle, la puissance de l'Eglise doit donc s'exercer par des actes extérieurs. Aussi nous avons dit qu'elle a une doctrine à propager, des sacrements à conférer, des lois à maintenir, une hiérarchie à conserver. Elle reçoit dans son sein ceux qui acceptent la parole, repousse de sa société ceux qui ne l'écoutent point.

L'exercice de ces différents droits n'a pas été le même dans tous les siècles. Ses enfants, leins de confiance en une aussi bonne mère, ont souvent augmenté ses prérogatives: les principes temporels lui ont ajouté des priviléges. C'est ainsi que dans les temps le domaine de la juridiction s'est trouvé étendu au delà des limites que Jésus-Christ lui avait tracées. On comprend qu'il importe beaucoup de distinguer ce que la juridiction ecclésiastique a d'essentiel de ce qu'elle n'a que d'ac

cidentel.

5. « L'Eglise, dit Mgr l'évêque de Digne, a exercé, depuis son origine, à titres différents, trois espèces de juridictions: 1° Une juridiction propre et essentielle qu'elle a reçue de Jésus-Christ; 2° une juridiction improprement dite et purement arbitrale, qui fut le résultat de la discipline des premiers temps, et qui n'avait pour titre que la confiance des fidèles; 3° une juridict on véritable, quoique temporelle, qu'elle tenait des lois de l'empire, juridiction exceptionnelle que la piété des princes et diverses circonstances rendirent très-importante, et dont les accroissements, les vicissitudes, la décadence et la ruine complète forment ce qu'on entend ordinairement par l'histoire de la juridiction ecclésiastique.

« L'étendue et l'importance de cette troisième espèce de juridiction dans laquelle vint s'absorber en se régularisant la juridiction arbitrale, et qui, par plusieurs endroits, toucha même à la juridiction essentielle, à l'exercice de laquelle souvent elle vint préter un appui temporel, expliquent la confusion qui a été faite des trois espèces de juridictions en une seule, et comment au milieu de cette confusion ce qui n'était que l'exception et l'accessoire est devenu en quelque sorte l'essentiel. Mais quoique cette confusion de mots et d'idées soit facile à comprendre, il n'en est pas moius vrai qu'elle fut toujours et qu'elle est encore la principale de toutes les erreurs sur la matière de la juridiction ecclésiastique. Pour être d'accord en ceci, il ne s'agit presque que de s'exprimer clairement et de bien distinguer ce qui de sa nature est différent. On voit alors que l'Eglise n'a jamais réclamé comme lui appartenant en propre que l'exercice de la juridiction essenti lle, et que cet exercice ne

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